Introduction
Les manifestations qui ont éclaté le 14
février 2011 à Benghazi pour ensuite essaimer dans d’autres villes du pays se
sont transformées en insurrection, puis en véritable guerre civile. Le conflit atteignit une dimension internationale
avec l’engagement, le 19 mars 2011, des avions de la coalition mandatée par les
Nations Unies.
Les insurgés ont bénéficié d’une
couverture globalement étendue de la part des médias occidentaux. Par contre,
un autre acteur majeur de la confrontation reste peu connu ; les forces
armées du régime du colonel Kadhafi. La survie du clan au pouvoir dépend en
premier lieu des capacités de celles-ci, à cause de l’absence probable de
véritable soutien populaire en sa faveur. Au vu de l’importance de ce paramètre parmi
les facteurs susceptibles de déterminer l’issue de la crise libyenne, l’objet de cet article est donc de présenter brièvement
l’appareil militaire du régime.
Depuis le coup d’état du colonel Kadhafi,
la Lybie est un pays relativement fermé. Dans ce contexte, et comme dans la
plupart des pays arabes, les forces armées sont considérées comme un tabou par
le pouvoir, et sont de ce fait mal
connues. Néanmoins, à l’âge d’internet, et grâce aux sources auquel ce média
donne accès, il reste possible de collecter
des informations qui auraient été totalement inaccessibles par
ailleurs. Ce texte a été écrit à l’aide
d’articles des magazines Assaut et Air Combat Aircraft, ainsi que celle des
sites internet d’Al-Jazeera, du Middle East Insight, du
Stockholm International Peace Research
Institute,
et de Global Security.org. Il convient surtout de mentionner la masse
d’informations disponibles sur le
site du Air Combat Information Group, sans
laquelle la rédaction de cet article n’aurait pas été envisageable.
Cette présentation vise à donner au lecteur un éclairage plus étendu que
ce dont il peut disposer dans la presse généraliste. Il n’en reste pas moins
que même une telle synthèse implique une part d’incertitudes et de déductions. Au fur et à mesure que le temps passera, de
nouveaux éléments viendront compléter, corriger, ou invalider ceux mentionnés ici.
Enfin, le bref récapitulatif des combats
ayant débuté le 15 février 2011 vise avant tout à illustrer les capacités des
forces armées du pouvoir libyen, et ne saurait prétendre à l’exhaustivité.
Adrien Fontanellaz, le 6
juin 2011
I.
Une histoire tumultueuse
Soutien
à Idi Amin Dada et conflit frontalier avec l’Egypte
Les forces armées libyennes constituèrent un des instruments au service
de l’ambition du guide de la révolution. Elles furent donc engagées dans des conflits armés à plusieurs reprises au cours des
dernières décennies.
En
1972, le colonel Kadhafi dépêcha trois
mille soldats et un détachement de sa force aérienne à Entebbe, en Ouganda. Ce
déploiement répondait à une demande de soutien du dictateur
ougandais Idi Amin Dada alors menacé par une attaque du Front National de
Libération de l’Ouganda basé en Tanzanie.
Grâce à ce renfort, l’armée du dictateur parvint à chasser les rebelles.
Mais, près de sept ans plus tard, les troupes libyennes
ne purent pas empêcher la chute du régime
d’Idi Amin Dada, lorsqu’une tentative d’invasion de la Tanzanie par
ce dernier déclencha une riposte cinglante des forces de défense tanzaniennes. La débâcle des troupes ougandaises obligea les
Libyens à évacuer le pays.
Une
tentative de déstabilisation du président Sadate, coupable de trahison de la
cause arabe aux yeux du colonel Kadhafi à la suite du rapprochement entre
l’Egypte et Israël, dégénéra en violents
affrontements entre les troupes égyptiennes et libyennes entre le 20 et le 24
juillet 1977. Bien qu’équipées d’un
matériel globalement équivalent à celui de son adversaire, l’armée libyenne se
montra inférieure à ce dernier, aguerri par sa participation aux guerres
israélo-arabes.
Aventures
tchadiennes
Le Tchad fut la principale victime de l’interventionnisme du dirigeant libyen.
A la fin de l’année 1980, le colonel Kadhafi s’immisca directement dans la
guerre civile récurrente qui frappait le pays depuis son indépendance et envoya
son armée soutenir la rébellion de Goukouni
Oueddei contre le gouvernement d’Hissen Habré. Deux brigades mécanisées libyennes, appuyées
par d’intenses bombardements de l’aviation permirent de prendre N’Djamena, la
capitale tchadienne, après de violents combats. Hissen Habré et ses troupes
durent se replier vers le Cameroun et le Soudan. En novembre 1980, un cessez-le-feu entre les
différents belligérants fut conclu sous les auspices de l’Union Africaine. A la
suite de ces accords, et conforté par la
présence dans la capitale de troupes dépêchées par l’Union Africaine, le
nouveau chef de l’état tchadien, Goukouni Oueddei, obtint le
retrait du corps expéditionnaire libyen, alors fort d’une dizaine de milliers
d’hommes.
Durant le mois de juin 1981, le
Gouvernement d’Union Nationale de Transition (GUNT) de Goukouni Oueddei fut
chassé de N’Djamena par les forces d’Hissen Habré, soutenues par la France. Le colonel Kadhafi réagit en lançant une
nouvelle invasion en juin 1983. Deux
brigades mécanisées de l’armée, renforcées par des éléments du GUNT, et
massivement soutenues par la force aérienne libyenne s’emparèrent de l’oasis de
Faya-Largeau un mois plus tard. A la fin
de l’été, un équilibre précaire s’était imposé. Les libyens contrôlaient le
Nord du pays, et le gouvernement d’Hissen Habré le Sud.
En 1986, le GUNT se retourna contre les
troupes libyennes, les chassant du
centre du pays. La réaction de Tripoli, en novembre, fut
massive, avec le déploiement de dix milles hommes qui reconquirent en quelques
semaines le terrain perdu, et contraignirent les restes du GUNT à se replier
dans le massif du Tibesti.
Les désastres de 1987
La victoire contre le GUNT eut un coût;
les libyens perdirent à cette occasion de précieux auxiliaires, ce qui allait
rendre leurs lourdes formations d’autant plus vulnérables face aux Forces
Armées Nationales Tchadiennes (FANT) du président Hissen Habré. Celles-ci
étaient entièrement motorisées avec des pick-up et équipées de missiles
anti-char Milan et anti-aériens portables Redeye fournis par Paris et Washington respectivement. La menace
représentée par les Redeye obligea les appareils libyens à voler à plus haute
altitude, et donc à réduire la précision de leurs bombardements. Une attaque de
l’armée de l’air française contre la base d’Ouadi Doum le 7 janvier 1987
contraignit la force aérienne libyenne à y retirer une partie de ses moyens,
diminuant ainsi encore plus la menace qu’elle représentait pour les tchadiens.
Les FANT développèrent une tactique,
baptisée « rezzou TGV » par les français, qui allait prendre les Libyens au dépourvu.
Les troupes tchadiennes approchaient de leurs objectifs en ordre dispersé afin
de ne pas être détectées, puis se regroupaient avant de lancer un assaut aussi
rapide que possible, attaquant les blindés et les positions ennemies à bout
portant, sans leur laisser le temps de coordonner efficacement leurs appui-feu.
Une colonne de T-55 libyens abandonnés près de Ouadi Doum (http://www.militaryphotos.net)
Un
premier affrontement opposa l’armée libyenne aux FANT à Fada le 2 janvier 1987.
A l’issue d’un court combat, une brigade
blindée libyenne entière fut décimée. L’échec de plusieurs tentatives de
contre-attaques libyennes en février permit aux tchadiens de s’approcher de la
base d’Ouadi Doum. L’arrivée massive de renforts, avec un pic de 14'500 soldats
présents en territoire tchadien, ne permit pas aux libyens de renverser la
situation. Le 19 mars, deux colonnes
blindées libyennes parties d’Ouadi Doum pour reprendre Fada furent assaillies
par les FANT et détruites en deux jours. Plus grave encore, les tchadiens, exploitant
leur mobilité, parvinrent à s’infiltrer au sein du dispositif défensif d’Ouadi
Doum en talonnant les fugitifs des deux colonnes. La base, pivot de la présence
libyenne au Tchad, tomba après trois jours de combat. Cette défaite contraignit la Lybie à
abandonner le reste de ses positions dans le Nord du pays.
L’aviation libyenne lança une intense
compagne de bombardements visant les bases des FANT dans le Nord tchadien, alors que le régime
regroupait ses troupes défaites dans des oasis proches de la frontière et les
réorganisait en prenant l’armée tchadienne pour modèle, remplaçant ses blindés
lourds par des véhicules légers tous-terrains beaucoup plus mobiles. Ce changement de tactique porta ses fruits lorsque
les libyens parvinrent à repousser une attaque menée par 400 soldats des FANT
contre la ville d’Aozou, chef-lieu de la bande du même nom, annexée
unilatéralement par la Lybie près de 15 ans plus tôt. Le président Hissen Habré,
et son principal conseiller militaire, Idris Déby, décidèrent de frapper un
grand coup afin de contraindre le guide de la révolution à négocier, et mettre
ainsi fin à la guerre. Deux mille
soldats des FANT furent concentrés au Nord d’Ouadi Doum, puis, dans la nuit du
5 au 6 septembre, s’enfoncèrent de 110 kilomètres en territoire libyen avant
d’attaquer l’Oasis de M’atan Bishrah. Les tchadiens, bénéficiant de l’effet de
surprise, saccagèrent complètement l’aéroport et la garnison qui s’y
trouvaient.
Cette succession de défaites convainquit
le colonel Kadhafi d’accepter un cessez-le-feu le 11 septembre 1987. Selon les tchadiens, les forces armées libyennes
perdirent, durant l’année 1987, au moins 4617 soldats tués, 655 prisonniers,
463 tanks et véhicules de combat d’infanterie et 48 avions et hélicoptères.
Prairie Fire et El Dorado Canyon
Le 18 août 1981, l’US Navy débuta des manœuvres au large de la Libye, afin de
contester les revendications du colonel Kadhafi sur le Golfe de Syrte. La Force Aérienne Arabe de Libye (FAAL)
riposta en dépêchant ses avions pour déterminer la position des porte-avions
américains. Ceux-ci furent systématiquement contrés par les chasseurs de l’US Navy chargés de les éloigner des
porte-avions. Le jour suivant, deux F-14 interceptèrent une paire de Su-22M .
L’appareil de tête de la formation libyenne réagit en tirant un missile air-air
contre les chasseurs américains. Les F-14, qui surclassaient totalement leurs
adversaires, se placèrent dans la queue des avions d’attaque et les abattirent
à coups de missiles Sidewinder.
Le 24 mars 1986, des tirs de missiles
anti-aériens libyens contre des avions de l’US
Navy déclenchèrent une opération de représailles, baptisée Prairie Fire, planifiée depuis
longtemps. Les groupes aériens des porte-avions USS America, USS Coral Sea et
USS Saratoga coulèrent, en près d’une
douzaine d’heures, et sans subir de pertes,
deux patrouilleurs lance-missiles et une corvette. Une autre corvette et
plusieurs batteries de missiles anti-aériens furent endommagés.
L’administration du président Reagan
ordonna une autre attaque, El Dorado
Canyon, en représailles à un attentat des services secrets libyens perpétré
dans une discothèque allemande fréquentée par des soldats américains. Dans la nuit du 14 au 15 avril 1986, les
appareils embarqués de l’US Navy bombardèrent
des sites de défense anti-aérienne, l’aéroport militaire de Mitiga et une
caserne ; tous situés dans la région de Benghazi. La même nuit, des F-111F
de l’US Air Force basés en Angleterre
attaquèrent la résidence du colonel Kadhafi, un camp d’entraînement à la
guérilla et la partie militaire de l’aéroport
international de Tripoli. La défense anti-aérienne libyenne parvint à abattre
un des appareils américains, dont les deux pilotes furent tués. Du côté libyen,
au moins quatre chasseurs, cinq avions de transport et deux hélicoptères furent
totalement détruits lors de l’attaque des deux bases aériennes. Enfin, le 4
janvier 1989, un autre incident opposa chasseurs libyens et américains. Deux
Mig-23MF furent abattus par des F-14 du porte-avions USS Kennedy.
Un Su-22M-3K photographié par un pilote de l’US
Navy lors d’une interception (US Navy)
Contre-guérilla
Une guérilla limitée menée par des
groupes d’obédience islamiste fit son apparition en Cyrénaïque dans le milieu
des années 90. L’armée, la police, les
gardes révolutionnaires et les milices populaires furent utilisées de manière
conjointe pour quadriller les territoires touchés par les troubles. Des pilotes étrangers furent utilisés pour
bombarder les villages supposés abriter des insurgés.
Les forces armées
libyennes à l’épreuve du feu
Malgré leur existence relativement brève,
les forces armées libyennes ont connu le combat à maintes reprises. Plusieurs
facteurs ont contribué à l’issue défavorable qui conclu la plupart des
affrontements qu’elles eurent à mener. L’armée était, comme dans d’autre pays de
la région , dans une position paradoxale. Indispensable au pouvoir politique
libyen en tant qu’instrument au service de ses ambitions extérieures, mais
aussi objet d’une profonde méfiance de celui-ci, qui la percevait comme une
menace potentielle. Plusieurs coups d’état furent tentés contre le colonel
Kadhafi depuis sa prise de pouvoir. Ce
climat de suspicion ne pouvait que péjorer les performances purement militaires
de l’armée.
La croissance numérique extrêmement rapide et
l’introduction massive de matériels sophistiqués dans les années qui suivirent
le coup d’état de 1969 créèrent d’immenses problèmes de formation et
d’organisation aux forces armées. Ainsi, en 1969, la force aérienne ne comptait
qu’un seul escadron de F-5A relativement peu sophistiqués ; moins de
quinze ans plus tard, elle alignait environ 150 avions de combats opérationnels.
Parmi ceux-ci se trouvaient des bombardiers Tu-22 nécessitant une maintenance
très lourde, et des Mig-25PD, alors le modèle de chasseur le plus sophistiqué
exporté par l’Union soviétique. La FAAL
ne parvint jamais à totalement surmonter son manque chronique de techniciens et
de pilotes chevronnés, et dut faire appel tout au long de son histoire à l’aide
de spécialistes étrangers.
Il convient de mentionner l’infériorité
technique des matériels soviétiques que les Libyens opposèrent à l’US Navy et à l’US Air Force. Les caractéristiques de leurs principaux modèles de
missiles anti-aériens étaient connues des américains, qui avaient déjà eu
l’occasion de se familiariser avec eux dans d’autres conflits ou via
l’expérience de leurs alliés. Autre
exemple ; le système d’armes des deux Mig-23MF abattus par l’US Navy en janvier
1989 était surclassé par celui des F-14.
Malgré toutes leurs déficiences, les
forces armées libyennes firent preuve de réelles qualités au cours de leur
tumultueuse existence. La force aérienne
se révéla capable à plusieurs reprises de maintenir de véritables ponts aériens,
et de fournir un appui feu vital aux troupes engagées au Tchad ;
l’intensité des ces bombardements atteignit jusqu’à cinq cent missions en une
dizaine de jours. Sur le plan logistique, l’armée se montra capable de soutenir
à plusieurs reprises l’avancé rapide de brigades entières sur d’immenses
distances à travers les déserts tchadiens.
Sur le plan tactique, l’état-major libyen sut tirer très rapidement des
leçons des défaites de Faya et d’Ouadi Doum en réorganisant ses unités pour contrer les méthodes des FANT.
II.
L’appareil militaire libyen à l’aube de l’insurrection
Au
pays des arsenaux
Après le coup d’état du 1er
septembre 1969, le nouveau régime se lança dans une série d’importants achats
d’armes auprès des pays occidentaux. D’immenses commandes d’armements, de pièces de rechanges et de munitions furent ensuite passées auprès
des pays du Pacte de Varsovie.
Les volumes concernés dépassaient de très loin les besoins réels des
forces armées libyennes, même en tenant compte de leur développement accéléré
au cours des mêmes années. De fait, une des leçons de la guerre d’octobre 1973
était l’attrition effrayante subie par les différentes armées engagées, qui
avaient très vite dépendus de livraisons massives d’armes de la part de leurs
parrains respectifs pour continuer à combattre.
Le pouvoir libyen, en bâtissant une réserve stratégique d’une telle
importance, souhaitait s’affranchir d’une telle dépendance auprès de ses
fournisseurs en cas de nouvelle guerre israélo-arabe. Ses stocks lui auraient même
permis de se présenter comme une source d’armements alternative aux autres pays
arabes engagés dans une telle guerre. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, la Lybie
reçut 3650 tanks T-55, T-62 et T-72
entre 1975 et 1980,
selon la base de données du Stockholm International Peace Research
Institute.
Cependant, ces stocks furent diminués au fils des années par les
nombreuses donations faites par le régime à ses alliés successifs ainsi que par
les pertes subies durant le conflit tchadien. Enfin, en 2011, une partie des
matériels n’était plus convenablement entretenue depuis des années, et
nécessiterait une remise en état avant d’être opérationnelle. Malgré cela, le
pays dispose encore d’un immense arsenal, qui serait réparti dans près de 3'000
dépôts. Le régime ne profita pas de la levée de l’embargo sur les armes en 2004 pour
moderniser ses forces armées de manière significative, malgré les espoirs des
grands pays exportateurs de matériel militaire. Néanmoins, l’Autriche livra 12
drones Schiebel Camcopters, l’Italie des hélicoptères Augusta A-109 pour la
police, l’Angleterre, l’Afrique du Sud, les USA, la Finlande, la Russie et la Belgique
des armes légères,
des mortiers, des munitions et du matériel du brouillage. La France fournit du
matériel de communication.
L’imbroglio
des forces terrestres
La
menace représentée par l'armée poussa le régime à créer des structures paramilitaires
afin de la neutraliser. Une milice populaire vit ainsi le jour, en tant
qu'alternative à l'armée, mais aussi comme concrétisation du principe de peuple
en arme prôné par l'idéologie officielle. Cette milice était chargée d'assurer
la défense du territoire de manière décentralisée. Par ailleurs, l'armée fut
rebaptisée « Brigades populaires » en 1995 et le ministère de la
défense fut dissous.
La
garde révolutionnaire représentait la dernière strate de l'appareil militaire
libyen. Une brigade de la garde, la Liwa Haris Al-Jamahiriya, est
mentionnée depuis des années par les analystes occidentaux. Forte de 3'000
hommes et équipée de tanks et d'artillerie, elle était stationnée dans une
caserne adjacente au complexe de Bab el-Azizia, siège du pouvoir libyen à
Tripoli. La question demeure de savoir si cette garde révolutionnaire se
limitait à une seule brigade prétorienne, où si elle avait pour vocation de
représenter une armée parallèle, sur le modèle de la garde républicaine du
régime baasiste en Irak, et incluait donc d’autres unités.
Le régime a restructuré en profondeur son appareil
militaire il y a quelques années. Dans l'armée et la milice, les unités ne
dépassaient pas la taille d’un bataillon. Ceux-ci étaient dispersés dans les villes du pays. Misrata ou Benghazi en comptaient par exemple
de six à huit. Confinées dans leurs baraquements, ces unités furent
délibérément réduites à un état de déliquescence. Elles cessèrent pratiquement
de s'entraîner, même l'usage des armes individuelles était réduit au strict
minimum alors que l'entretien du matériel lourd fut négligé. Les officiers
reçurent l'ordre de se limiter à la conduite de leurs unités, et la vie
militaire était strictement confinée au niveau bataillonnaire. Une rencontre,
même informelle, entre différents chefs d'unités était déjà un comportement
suspect aux yeux des services de renseignement du régime. Ces mesures rendaient une tentative de coups d'état
presque impossible, aucun officier ne pouvant disposer de suffisamment de
troupes pour pouvoir espérer se lancer dans une telle aventure avec une chance
de succès. La survie du régime primait
clairement sur les capacités opérationnelles de l’armée.
Sa
force de frappe fut concentrée autour de 12 à 16 bataillons blindés, mécanisés
ou motorisés, auquel s'ajoutaient des unités de support organique comme de
l'artillerie autopropulsée, des lance-roquettes multiples (LRM) et des
batteries anti-aériennes. Certains de ses bataillons bénéficièrent d'un
entraînement prodigué par des instructeurs étrangers. Il est difficile de
déterminer si certains de ces bataillons étaient rattachés organiquement à des
brigades, comme la 32ème brigade nominalement commandée par Khamis
Kadhafi, un des fils du guide de la révolution, ou si celles-ci furent toutes
créées au début de l’insurrection. L'organisation de l'ensemble était flexible,
et permettait de constituer des unités de marche en fonction de la mission qui
leur serait allouée. Ces bataillons étaient équipés des meilleurs matériels disponibles,
comme des chars T-72 soviétiques, des obusiers automoteurs Palmeria italiens ou
des LRM RM-70 tchécoslovaques. Ce noyau dur de l'appareil militaire libyen dépendait
du ministère de l'intérieur.
La
force aérienne
La FAAL était le service le mieux connu des forces armées grâce aux
salons aéronautique LAVEX 2007 et 2009, où nombre de ses appareils furent
montrés au public et à la presse internationale. L’embargo sur les armes qui
toucha le pays à partir de 1992 eu un impact limité sur la FAAL, grâce aux énormes stocks de pièces de rechange
acquis en même temps que les avions qui l’équipaient. Elle parvint au cours de
son développement à constituer un cadre de pilotes et
de techniciens expérimentés, mais dut aussi compter sur l’aide de
spécialistes étrangers. Le 1124ème escadron put ainsi continuer à aligner une demi-douzaine de Su-24
opérationnels à l’aide du soutien de la Syrie.
Une restructuration au début du
millénaire causa la dissolution de plusieurs escadrons. Les Mirages V furent
revendus au Pakistan, alors que les Mig-23BN et les Mig-25 étaient retirés du
service. La levée de l’embargo permit à
la FAAL de faire réviser certains de ses appareils, comme les Mirage F1ED, à
l’étranger.
Ses principales bases aériennes (BA) étaient Mitiga, dans la région de
Tripoli, Misrata, siège de l’académie de
l’air, Gurdabya, près de Syrte, Benina, près de Benghazi, Gamel Abdel Nasser
près de Tobrouk, Sebha et El-Outia. Certaines de transport opéraient depuis la
zone militaire de l’aéroport internationale de Tripoli. En février 2011, la
chasse libyenne était forte de deux escadrons équipés de Mig-23MS, MF et ML,
d’un escadron de Mig-21Bis et d’un escadron de Mirage F1ED. Parmi ceux-ci, seuls les Mig-23MF et ML
étaient équipés pour tirer des missiles guidés par leurs radars de bord, et
donc capables d’engager un adversaire au-delà de de l’horizon visuel du
pilote. Dans leur ensemble, et à des
degrés divers, les systèmes d’armes équipant ces intercepteurs sont
désuets. Pour être utilisés
efficacement, ils devraient donc opérer sous la supervision de contrôleurs
aériens basés à terre et capables de leur donner une image précise de la situation tactique. L’ensemble de ces appareils étaient capables
d’emporter des bombes et des lance-roquettes destinés à des cibles terrestres.
La
force de frappe de la FAAL était constituée principalement par les six Su-24MK
du 1124ème escadron auxquels s’ajoutaient deux escadrons de
Su-22M-3K. Le Su-24 est un engin
redoutable, capable de lâcher 3 tonnes de bombes à des centaines de kilomètres
de son point de départ, après une approche de l’objectif à grande vitesse et à
basse altitude pour diminuer les risques de détection par l’adversaire. Les Su-22 acquirent durant la guerre
Iran-Irak une réputation de fiabilité et de robustesse. Les L-39, G-2 et SF-260 qui équipaient les
quatre escadrons d’écolage de la FAAL pouvaient tous être utilisés dans des
missions d’attaque légère. Enfin, la
force aérienne comptait un à deux escadrons d’hélicoptères d’attaque Mil-24.
Le
transport aérien, vital dans un pays de la taille de la Libye, était assuré par
quatre escadrons équipés de C-130, d’Il-76, d’An-26 et d’An-32, complétés par
trois escadrons d’hélicoptères de transport disposant de Mil-8, Mil-17 et de
CH-47. Un unique escadron de Mil-14
appuyait la marine.
La
défense anti-aérienne
Les moyens anti-aériens de la Libye
peuvent être séparés en deux ensemble distincts ; les systèmes stratégiques
et les systèmes tactiques. Cette séparation demeure bien sûre théorique car des
systèmes tactiques comme les SA-6 peuvent parfaitement être utilisés dans un
cadre stratégique.
Les
systèmes stratégiques étaient chargés de la protection des centres
névralgiques, civils et militaires du pays. La capitale, Tripoli, bénéficiait
de la protection la plus dense, assurée par des batteries de missiles sol-air aux
capacités complémentaires. La défense anti-aérienne alignait des matériels dont
la mise en service était antérieure à la mise en place de l'embargo sur les
armes de l'ONU. Nombre de sites de missiles anti-aériens avaient été laissés à
l’abandon. EIle disposait malgré tout de batteries de SA-5, capables de frapper
des cibles à très longues portées, et de SA-2 et SA-3. Faute d'avoir été
modernisés ou modifiés, ils sont connus des occidentaux, qui sont capables de détecter
et brouiller leurs émissions sans difficultés. Les batteries de missiles ont l'inconvénient
d'être peu mobiles et leurs sites de lancement sont difficiles à camoufler, ce
qui les rend d‘autant plus vulnérables.
La mission principale des systèmes
tactiques est la protection des forces
terrestres. La Libye s’était équipée avec des lanceurs de missiles guidés par
radar SA-8 et SA-6, et à guidage infrarouge
SA-9 et 13. Ces matériels sont aussi relativement anciens et leurs
caractéristiques bien connues. Ils ont une portée plus faible que les systèmes
stratégiques, mais ont l'avantage d'être beaucoup plus mobiles et plus aisément
dissimulables, car montés sur des châssis de camions ou de blindés. Le seul ajout documenté et récent dans l'arsenal
de défense anti-aérienne libyen a été l’achat de SA-24 auprès de la Russie. Il
s’agit d’un affut double de SA-18, équivalent russe du Stinger américain,
suffisamment petit pour être monté à l'arrière d'un pick-up. Il représente une
menace dangereuse pour tout aéronef volant suffisamment bas pour entrer dans
son enveloppe de tir. Enfin, il convient
de mentionner l'artillerie anti-aérienne de petit calibre dont les troupes
libyennes sont abondamment pourvues. Les
bataillons mécanisés et blindés bénéficient d’une dotation théorique de 4
automoteurs ZSU-23-4, et les monotubes, bitubes et quadri tubes ZPU de 14.5mm
sont omniprésents. Ces canons sont tous utilisables contre des cibles
terrestres. Cette artillerie, même
désuète, représente un danger mortel pour tout aéronef la survolant à faible altitude.
Dans l’ensemble, les moyens de défense
anti-aériens libyens ne constituaient pas une menace de haute intensité pour
l’aviation de l’OTAN à moyenne et haute altitude. Cependant, bien utilisées,
elles conserveraient une certaine capacité de nuisance. Leur simple survie
obligerait ses adversaires à consacrer à leur neutralisation des capacités qui
pourraient être nécessaires ailleurs. Cependant, il ne peut être exclu qu’elles
parviennent à abattre un avion allié en profitant de circonstances favorables
comme ce fut le cas en Serbie en 1999.
La marine
La Lybie reçut, durant les deux premières
décennies du règne du colonel Kadhafi, pas moins de deux frégates légères,
quatre corvettes, vingt-et-un vedettes et patrouilleurs lance-missiles, neuf
chasseurs de mines, deux sous-marins et six navires de débarquement. Les trois navires coulés par l'US Navy, le retrait des vaisseaux
devenus obsolètes et la nécessité, due à l'embargo, de cannibaliser certains bâtiments
pour en conserver d'autres opérationnels réduisirent la taille de la flotte
libyenne.
La frégate Al Ghardabia dans le port de La Valette
en 2005 (http://www.losbarcosdeeugenio.com)
Malgré le passage en cale sèche de
certains navires dans les chantiers navals croates, la marine alignait, au début de l'année, deux
corvettes de la classe Nanuchka II, une frégate légère de la classe Koni, deux
patrouilleurs lance-missiles de la classe Combattantes IIG, au moins un
chasseur de mines de la classe Natya, et jusqu'à cinq navires de débarquement,
soit deux PS 700 et entre deux et trois de la classe Polnochny.
III. De l’insurrection à la guerre civile, du 14
février au 31 mars 2011
La chute de la Katiba
Le 15 février 2011 et les jours qui
suivirent, plusieurs villes du pays furent le théâtre de manifestations
spontanées contre le régime. La réaction de celui-ci s’avéra immédiatement meurtrière.
Dès le 17 février, des témoignages
firent état de tirs à balles réelles contre la foule. Cette usage
disproportionné de la force radicalisa les manifestants et ne fit qu’accroître
l’intensité de la contestation. A Benghazi, deuxième ville du pays, la
situation bascula après une semaine de manifestations et de sanglante
répression. Le samedi 19 février, de jeunes opposants, avec des pierres et des
grenades artisanales pour seules armes, convergèrent vers la Katiba, véritable centre de l’appareil sécuritaire du
régime dans la ville. Ils furent repoussés par la garnison à coups de tirs de
canons anti-aériens de 14.mm.
Le dimanche, en début de soirée, les
insurgés tentèrent faire une brèche dans l’enceinte du complexe à l’aide de
bulldozers. Plusieurs des chauffeurs de ces béliers improvisés furent tués par
les tirs des assiégés. Plus tard dans la soirée, un bataillon de commandos
caserné dans la ville se rallia aux jeunes insurgés et appuya un nouvel assaut
avec des ZPU montés sur des pick-up et deux T-55. Grâce à ce renfort, la Katiba chuta à 21h30,
et avec elle, le contrôle du régime sur Benghazi. Les survivants de la garnison, composée en
partie de prétoriens du régime, prirent la fuite. Les insurgés découvrirent les cadavres de militaires
exécutés sur place pour avoir refusé d’ouvrir le feu sur les manifestants.
Le 23 février, les villes de Benghazi,
Tobrouk, Darnah , El-Beïda, Ajdabiya , Misrata, Zintan, et Zawiyah étaient sous
le contrôle des insurgés. Dans toutes ces villes, certaines unités de l’armée
et de la milice firent défection. Mais, dans la capitale, les forces de
sécurité parvinrent, après être allées jusqu’à utiliser des hélicoptères de
combat, à reprendre le contrôle des rues de la cité. L’espoir d’un écroulement rapide du régime
s’évanouissait.
Le
régime se réorganise
Une fois mobilisés, les
bataillons d’élite du régime furent utilisés pour former le noyau dur de
plusieurs brigades, auxquelles furent ensuite
rattachées les unités de l’armée et de la milice restées fidèles depuis
le début de l’insurrection. Ces brigades
incluaient un bataillon d’artillerie ou de LRM et plusieurs bataillons
mécanisés ou motorisés auxquels s’ajoutaient des bataillons de miliciens
équipés de « technicals » ; des pick-up armés de mitrailleuses
lourdes, de canons antiaériens, de canons sans recul ou de LRM légers. Plusieurs de ces brigades, comme la 32ème,
disposaient en sus d’un ou plusieurs bataillons de chars d’assaut.
Les
relations privilégiées établies entre le clan Kadhafi et plusieurs chefs
d’états africains furent mises à profit pour recruter des mercenaires originaires
d’Afrique subsaharienne, qui furent acheminés en Libye avec l’aide des avions
d’Ifriqiya Airways, la compagnie nationale. Parallèlement, des
travailleurs émigrés présent dans le pays étaient enrôlés de force. Ces combattants, volontaires ou
involontaires, furent utilisés pour renforcer les brigades du régime.
Le
siège de Zawiyah
La
première contre-attaque d’envergure eut lieu à Zawiyah, une ville de plus de 200'000 habitants
située à une cinquantaine de kilomètres à l’Ouest de Tripoli. Les insurgés avaient pris le contrôle de la
cité à partir du 20 février. Ceux-ci disposaient du soutien du bataillon local
qui s’était rallié à l’opposition avec armes et bagages. Une demi-douzaine de
T-72 tombèrent ainsi aux mains de la rébellion.
Le 3
mars 2011, la
32ème brigade commandée par Khamis Kadhafi ainsi que les brigades
Kuwelidi al-Hamidi et Sabhan entouraient la ville rebelle. Ces unités représentaient
une part importante de la force de frappe du régime, mais leur effectif ne
permettait pas d’encercler hermétiquement une cité de cette importance, ni de
mener des opérations de siège lentes et méthodiques. Pour
pallier à ce handicap, les loyalistes usèrent d’une méthode semblable à celle
des américains lors de la prise de Baghdâd en 2003. Des convois de blindés
circulèrent le long des artères principales de la ville dans le but d’attirer
les tirs des insurgés, les forçant à se découvrir, puis les écrasèrent en
mettant à profit leur puissance de feu supérieure.
Cette
tactique, répétée pendant plusieurs
jours, eut raison de la résistance des insurgés, la ville étant reconquise le 10 mars 2011,
même si des groupes de francs-tireurs continuèrent à harceler les
loyalistes. Les
blindés libyens qui composaient ces
« colonnes infernales » étaient néanmoins bien moins protégés que les
M-1 Abrams et les M-2 Bradley américains, pratiquement invulnérables face aux
tirs de RPG-7. La prise de la ville
coûta une trentaine de véhicules blindés aux loyalistes.
Le début de la bataille de Misrata
Troisième
agglomération du pays, située à 200 kilomètres au Sud-est de Tripoli, Misrata
compte 400'000 habitants. La cité abrite un des ports les plus importants de la
Lybie. Les rebelles prirent le contrôle
de la ville dans les premiers jours de l’insurrection, puis, le 24 février,
parvinrent à s’emparer de la plus grande partie de la base aérienne, siège de
l’académie de l’air libyenne. Les
troupes locales, mises en difficulté par
les défections, durent mobiliser 400
cadets de la force aérienne pour combattre les insurgés.
La
situation bascula avec l’arrivée de la 5ème brigade blindée venue
secourir la garnison de l’aéroport. Malgré la désertion de l’un de ses
bataillons, elle parvint à repousser les insurgés de la base le 27 février, après
de violents combats, où elle perdit l’équivalent d’une compagnie. Les rebelles eurent le temps de saboter plusieurs
des chasseurs présents sur le terrain avant de se replier. Cette
première brigade fut ensuite renforcée par les brigades Jermawi dépêchée sur place début
mars après avoir écrasé l’insurrection dans la ville de Beni
Walid,
et Kuwelidi
al-Hamidi qui arriva à la mi-mars. Les loyalistes maintinrent une pression
constante sur les assiégés par des tirs de harcèlement de leur artillerie
lourde.
Comme
à Zawiyah, et pour les mêmes raisons, des « colonnes infernales » furent
lancées dans les rues de la ville. Les rebelles parvinrent toutefois à contrer la
tactique loyaliste en barricadant les grands axes de progression avec des
camions et des conteneurs remplis de sable. La lutte se focalisa bientôt le
long de la rue de Tripoli, qui fit office de ligne de front. Celle-ci ne tarda
pas à se transformer en combat urbain classique, les loyalistes s’efforçant par
exemple d’établir des positions au sommet des bâtiments les plus hauts, et les
rebelles de les en déloger.
Ce
contexte ne pouvait que défavoriser les troupes du régime ; plus les
combats duraient, plus les rebelles s’aguerrissaient. Grâce au port, ces
derniers bénéficiaient d’une voie de communication avec l’extérieur. A partir
du 19 mars, la menace représentée par les aviations occidentales restreignit
l’usage de l’artillerie lourde placée dans la périphérie de la ville. Les loyalistes privilégièrent alors l’usage
des LRM montés sur châssis de camions. Capables de tirer une salve de 40
roquettes en quelques minutes, puis de changer d’emplacement rapidement, ils
représentent des cibles difficiles pour la coalition.
LRM
BM-21 loyalistes, lors de
leur avance vers Benghazi (via http://forum.hardware.fr)
Misrata devint un abcès de fixation pour
l’armée du régime, contrainte d’y immobiliser une partie importante de ses effectifs
car la ville est idéalement placée pour menacer les communications terrestres
entre Tripoli et Syrte.
Contre-offensive à l’Est
A la fin
du mois de février, une colonne d’insurgés venue de Benghazi débuta sa progression
le long de l’ancienne Via Balbia, la
route côtière reliant la Cyrénaïque et la Tripolitaine. L’objectif de cette colonne hâtivement
constituée, forte de plusieurs milliers de volontaires désorganisés montés sur
des pick-up équipés d’armes récupérées dans les arsenaux libérés, était de
secourir les insurgés de l’Ouest. Le 6
mars, ils étaient parvenus à s’emparer de Marsa El Brega, de Ras Lanouf et se dirigeaient vers Bin Jawad, dernier verrou avant Syrte,
porte de la Tripolitaine.
La
progression des rebelles fut stoppée à Ben Jawad par la brigade Saadi Tabouli , casernée à Syrte. Celle-ci, bientôt renforcée par des détachements
des 5ème et 32ème brigades, contre-attaqua et reprit Marsa
El Brega, puis Ras Lanouf avant , dès le 15 mars, d’être confrontée à Ajdabiya à une résistance farouche opposée par
une unité de commandos passée du côté de la rébellion. L’avance des bataillons
mécanisés loyalistes était appuyée par des tirs d’artillerie prodigués par
leurs unités organiques et des navires
de la marine, ainsi que par des frappes intensives menées par la FAAL.
Celles-ci étaient coordonnées à l’aide de drones et d’An-26 faisant office
d’avions de reconnaissance. En terrain
découvert, les loyalistes mirent à profit la portée supérieure de leurs armements
pour engager les rebelles à distance, sans que ceux-ci ne puissent riposter.
Pressé
par le risque d’une intervention internationale, le régime tenta un coups de
force contre Benghazi. Le 17 mars, des éléments de la 32ème brigade,
contournant Ajdabiya par la mer, débarquèrent près de Gorgora, à une
cinquantaine de kilomètres de Benghazi , puis arrivèrent dans la périphérie de
la ville dans la soirée du 18 mars 2011. Le lendemain, les loyalistes pénétraient
dans la capitale rebelle, mais furent refoulés après être arrivés à 3
kilomètres du centre de la cité. Les insurgés capturèrent une demi-douzaine de
chars au cours des combats.
Le chant du cygne de la FAAL
La FAAL
fut durement touchée par l’insurrection. Les escadrons basés en Cyrénaïque durent
être évacués vers des bases plus sûres, alors que des officiers de la base
Gamal Abdel Nasser se rallièrent aux rebelles dès le 21 février 2011. A Tripoli
même, des officiers de la force aériennes auraient été exécutés pour refus
d’obéissance. Des hélicoptères étaient
alors utilisés contre les manifestants, alors que des avions de combat étaient
envoyés bombarder les bases et les arsenaux
dont le régime avait perdu le contrôle.
Un Su-24 MK du 1124ème escadron, vu à
l’occasion d’un des salons LAVEX (via http://www.aereo.jor.br)
Plusieurs pilotes profitèrent de ces missions pour
faire défection ; deux Mirage F1ED
du 1020ème escadron se pausèrent à Malte le 21 février, et
par la suite, d’autres aviateurs s’éjectèrent délibérément de leurs appareils
ou allèrent pauser leurs avions sur des terrains tenus par les rebelles. Durant
les premières semaines de l’insurrection, le manque de précision de certains
bombardements était tel qu’il ne pouvait s’expliquer que par la volonté des
pilotes de manquer volontairement leurs cibles.
Plusieurs appareils furent abattus par la DCA rebelle, comme le 5 mars,
où un Su-24MK s’écrasa après avoir été atteint par des tirs de ZPU.
La
situation changea radicalement à partir du 6 mars. Les attaques de l’aviation
se multiplièrent. Des paires de Su-24MK
et de Su-22M3-K, volant au-dessus de l’enveloppe des tir de la DCA légère
rebelle, guidés par des drones ou des
An-26, appuyèrent massivement les forces du régime opérant le long de la route
côtière entre Ben Jawad et Ajdabiya.
Entre le 17 et le 19 mars, des attaques intensives eurent lieu contre
l’aéroport de Benina, d’où étaient partis plusieurs raids menés par des
aéronefs rebelles.
Odyssey Dawn
Les
frappes aériennes de la coalition internationale mandatée par les Nations-Unies
commencèrent dans la nuit du 19 au 20 mars 2011. Un de leurs premiers effet fut d’annihiler la tentative de reprise de Benghazi. Les éléments mécanisés
menaçant la ville furent décimés par les frappes aériennes ; entre le 19
et le 27 mars, au moins 41 T-72, 13 obusiers automoteurs, 9 LRM et 13 véhicules de combat d’infanterie ou de transport de troupes avaient été
détruits entre Benghazi et Ras Lanouf.
Les insurgés, appuyés par les bombardements
occidentaux, reprirent dans les jours qui suivirent les villes d’Ajdabiya,
Marsa El Brega, Ras Lanouf et Ben Jawad pour arriver à une soixantaine de
kilomètres de Syrte le 28 mars. Ils y subirent une nouvelle contre-attaque loyaliste,
appuyée par une puissante artillerie, mais menée cette fois par des troupes
montées sur pick-up qui tentaient de déborder les rebelles par les flancs.
L’usage de ces véhicules les rendaient très difficiles à différencier des insurgés
pour les occidentaux. Après plusieurs jours de retraite des rebelles, le front
se stabilisa entre Mars El Brega et Ajdabiya.
Conclusion
Au début
du mois d’avril 2011, les fronts s’étaient stabilisés. A l’Ouest, deux brigades
essayaient, sans succès, de reprendre la région montagneuse de Zintan et de
couper les voies de communications des rebelles avec la frontière tunisienne. Au Centre, trois autres brigades tentaient toujours
de crever l’abcès de Misrata, et au Sud, une à deux brigades échelonnées entre
Syrte et Ajdabiya faisaient face aux rebelles de Cyrénaïque. Enfin, la brigade Liwa Haris Al-Jamahiriya
sécurisait Tripoli.
Le
contrôle des opérations de la coalition internationale passa à l’OTAN à partir
du 31 mars. Les frappes aériennes, effectuées avec un effectif relativement limité,
étaient dispersées sur l’ensemble du théâtre des opérations. Il n’eut y pas,
dans les premiers mois de l’opération, de politique de destruction systématique
d’unités, si l’on excepte les frappes contre la 32ème brigade durant
les premiers jours de l’opération. L’intensité
des bombardements ne peut donc pas être
comparée à ceux subis par l’armée irakienne en 1991 ou en 2003. Lors de Allied Forces, la campagne aérienne
contre la Serbie, les moyens engagés étaient près de trois fois supérieurs à
ceux disponibles pour Odyssey Dawn,
puis Unified Protector. Le régime
continua ainsi à pouvoir déplacer ses unités en fonction des besoins même si
elles durent s’adapter à la menace aérienne.
L’attrition
subie dans les combats et à cause des bombardements de l’OTAN ne peut qu’affaiblir
graduellement la capacité combative des forces du régime. Outre les pertes
qu’elle leur inflige, la campagne aérienne limite aussi leur capacité
offensive, car elle les contraint à se camoufler et à se disperser. Une grande inconnue subsiste ; l’importance
de la base politique du clan Kadhafi. En effet, celle-ci détermine la taille du
réservoir démographique dans lequel il peut puiser pour alimenter ses unités en
combattants déterminés capables de remplacer les pertes subies dans une guerre
d’attrition. Le remplacement du matériel
perdu présente par contre moins de difficultés, grâce aux immenses stocks
disponibles.
La
supériorité tactique de l’appareil militaire du régime reposait sur un noyau
dur d’une taille relativement limitée. Ce dernier a été le fer de lance des
différentes opérations menées jusqu’ici, et a subit des pertes en conséquence. La 32ème brigade blindée a par
exemple été décimée dans les jours qui suivirent le 19 mars. Or, reconstituer des unités efficaces demande
du temps, comme l’illustre la très lente montée en puissance des rebelles à
Benghazi.
Après sa
réconciliation avec l’Occident au début du millénaire, le régime libyen
réorganisa son appareil militaire en fonction de la dernière menace qu’il
craignait ; sa propre population.
Mais c’est finalement une campagne militaire exogène qui rendit possible à l’opposition de pouvoir espérer, à
terme, renverser le régime par les armes.
Même un investissement limité aurait pu permettre au clan Kadhafi de rendre une campagne aérienne le visant
plus difficile à mener. Quelques batteries de missiles anti-aériens réellement
modernes et ne serait-ce qu’un seul escadron d’intercepteurs récents, auraient
suffi pour rendre la tâche autrement plus délicate pour les planificateurs de
l’OTAN.
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Il est vrai que la Lybie est à des dépôts d'armes permettant d'assouvir les rêves de tout les ''collectionneurs'' de matériel militaires.
RépondreSupprimerOn à même retrouvé des automoteurs M109 US ainsi que armes légères modernes européennes laissant penser qu'il y eu un ''marché noir'' entre l’Égypte et la Libye.
A priori les stocks de gaz de combat et les dépôts clandestins d'uranium sont sous contrôle des FS occidentales d'après les rares dépêches que l'on peut lire dans les magazines spécialisé.
Effectivement, je viens de voir également ces photos de M-109. D'après ce blog, http://esotericarmour.blogspot.fr/2012/09/libya-m109.html, il s'agirait d'exemplaires livrés par les USA avant la chute du roi Idriss. Pour les armées légères modernes, avant la révolution, je crois que la Libye avait acheté des FN-2000 directement auprès de la Belgique.
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