Le porte-avions Ryujo
Adrien Fontanellaz, 2012
L’enfance difficile
d’un canard boiteux
A la fin des années 20, après le lancement du porte-avions Hosho
en 1921 et l’armement de l’Akagi en 1926 puis du Kaga en 1927, l’Etat-major de la
marine impériale japonaise décida d’accroître le nombre de ses bâtiments de ce
type. Mais, signataire en 1922 du traité de réduction des armements navals de
Washington, le pays avait droit à un maximum de 81'000 tonnes de porte-avions, alors
que l’Akagi et le Kaga jaugeaient déjà 54'000 tonnes à eux deux. Une clause du traité spécifiait néanmoins que
les navires d’un tonnage inférieur à 10'000 tonnes ne seraient pas inclus dans
ce comptage.
La marine impériale mit à profit cette opportunité en incluant dans son
programme de 1927
la construction d’un porte-avions de 8'000 tonnes. Cette décision fut facilitée
par un concept alors en vogue qui voulait que de petits porte-avions seraient
moins vulnérables qu’un nombre plus limité de grands vaisseaux. Cette vision se
concrétisa aux Etats-Unis par l’entrée en service du Ranger en 1933 et
au Japon par celle du Ryujo. La pratique démontra que les grandes unités
étaient plus efficaces et les deux pays construisirent des navires de taille
plus importante les années suivantes.
Le Ryujo fut mis sur cales dans le chantier naval de Yokohama le
26 novembre 1929. Il était le deuxième navire japonais destiné à être dès
l’origine un porte-avions. Conformément à la tradition pour ce type de
bâtiments, il reçut un nom d’animal céleste : Les deux idéogrammes de Ryujo
signifiant approximativement «dragon ascendant». Les ingénieurs conçurent un vaisseau dont les sorties des cheminées étaient
à tribord en dessous du pont d’envol, lui-même démuni d’ilot, le tout dans le
but de perturber au minimum la manœuvres des avions embarqués. Afin de
respecter les spécifications émises par la marine, le bâtiment était quasiment
dénué de tout blindage et initialement doté d’un seul hangar. Son armement se
limitait à des pièces d’artillerie anti-aérienne.
Mais l’Etat-major revint sur ses spécifications initiales et demanda
d’accroître la taille du groupe aérien embarqué, ce qui nécessitait l’ajout
d’un deuxième hangar en dessus du premier afin de doubler le nombre d’avions
disponibles. Ces modifications firent augmenter le tonnage du bâtiment, qui
finit par atteindre 10'150 tonnes. Ce poids additionnel, réparti
principalement au-dessus de la ligne de flottaison, compromettait la stabilité
du vaisseau. Le surpoids sur les hauts était alors un défaut fréquent dans la
conception des navires de guerre japonais, qui s’expliquait par la volonté
d’accroître au maximum leur puissance de feu afin de surclasser les bâtiments
de classes équivalentes en service dans les autres marines.
Lancé le 2 avril 1931, avant d’entrer en service le 9 mai 1933, le Ryujo était
long de 180 mètres
et large de 20.32
mètres . La longueur du pont d’envol atteignait 158.60 mètres , sa largeur 22.86 mètres , et son
épaisseur 15.24
centimètres . Il était équipé de 6 brins d’arrêt
permettant de stopper les avions en cours d’atterrissage.
Le Ryujo en construction dans l'arsenal de Yokosuka (via wikimedia) |
Les hangars d’aviation étaient reliés au pont par deux ascenseurs. Dans
la marine impériale, l’ensemble de l’entretien et de la préparation des avions
se faisait dans les hangars, ce sont donc leurs dimensions qui déterminaient la
taille du groupe aérien embarqué. Les deux hangars permettaient d’embarquer 48
avions, dont 12 appareils démontés à titre de remplacement. Les six chaudières,
d’une puissance totale de 65'000 chevaux, reliées à deux hélices, pouvaient
propulser le Ryujo à une vitesse maximale de 29 nœuds. Les cuves,
capables de contenir 2940 tonnes de fuel, lui permettaient de franchir 10'000 miles nautiques
à une vitesse de 14 nœuds. Douze pièces Type 89
de 127mm réparties en six batteries doubles et 6 affûts quadruples de mitrailleuses Type 93 de 13.2mm constituaient
son armement. Cet arsenal anti-aérien était comparativement important pour un navire entré en service au
début des années 30. Par exemple, la DCA du croiseur lourd français Dupleix
de 10160 tonnes, entré en service le 20 juillet 1932, comprenait 8 canons de
75mm, 4 affûts doubles de 37mm et 4 affûts triples de 13.2mm.
En mars 1934, le torpilleur Tomozuru chavira lors d’une tempête.
La commission d’enquête de la marine impériale chargée d’en déterminer les
causes conclut que des erreurs de conception étaient à l’origine du drame. Le
problème du surpoids au-dessus de la ligne de flottaison des vaisseaux récents fut
ainsi mis en évidence.
Par conséquent, à peine un an
après son entrée en service, en août 1934, le Ryujo entra dans les
chantiers navals de Kure pour y subir une refonte. Les renflements le long de la coque furent
agrandis, une nouvelle quille de ballast ajoutée, et deux des batteries de 127mm
remplacées par des affûts doubles de
25mm, Type 96, plus légers, dans le but d’améliorer la stabilité du vaisseau. Le tirant d’eau passa
ainsi de 5.56 mètres
à 7.08 mètres . En 1935, peu après sa
réintégration au sein de la flotte combinée, qui regroupait l’ensemble des
navires de combats nippons, le porte-avions fut pris dans un typhon alors qu’il
participait à des manœuvres au large de Honshu. De grandes quantités d’eau de
mer s’engouffrèrent dans le bâtiment du fait de la hauteur réduite de son
gaillard d’avant. Il dut une nouvelle fois être renvoyé dans un chantier naval,
en mai 1936, pour relever sa proue par l’ajout d’un nouveau pont qui offrait
aussi une moindre résistance au vent.
Début de carrière
opérationnelle
A son entrée en service, le Ryujo rejoignit l’Akagi au
sein de la 2ième division de porte-avions. Son groupe aérien était
initialement fort de cinq chasseurs, dont deux en réserve, et douze
bombardiers, dont trois en réserve. En décembre 1934, le
navire contribua à l’expérimentation d’une nouvelle technique d’attaque ;
le bombardement en piqué. Des avions de reconnaissance E4N3-C et des chasseurs
A2N1 de son groupe aérien participèrent aux essais qui allaient progressivement
mener à l’entrée en service du premier bombardier en piqué japonais, l’Aichi
D1A1, qui finit par équiper le porte-avions en 1936, à raison d’une quinzaine
d’exemplaires.
Le Ryujo photographié en septembre 1934 (via wikimedia)
La deuxième guerre sino-japonaise,
pudiquement nommée « incident de Chine » par la propagande nipponne
éclata en juillet 1937 par des échanges de coups de feu entre les troupes
impériales et l’armée du Kuomintang près du pont Marco-Polo, à la frontière
entre la Chine et la Mandchourie.
L’ouverture par les nationalistes d’un second front le 13 août 1937 à
Shanghai surprit les japonais, qui dépêchèrent des renforts de toute urgence
afin de dégager les 2500 fusiliers de marine encerclés dans la ville. C’est dans ce contexte
que la 1ère division de porte-avions, formée du Ryujo et du Hosho, appareilla de
Sasebo le 12 août 1937, pour être détachée auprès de la 3ième
flotte, en charge des opérations contre la Chine. Les deux navires étaient
indispensables pour fournir un soutien aérien aux troupes engagées sur place car
les japonais ne disposaient pas d’aéroports à terre. De son arrivée à Shanghai
jusqu'à son retour au Japon le 1er septembre 1937, le groupe aérien
du Ryujo, fort d’un daitai de 12 chasseurs A4N1 et d’un daitai
de 15 bombardiers D1A1, participa à des raids contre des terrains d’aviation et
d’autres objectifs nationalistes. L’aviation chinoise était très présente sur
le champ de bataille, et les pilotes du daitai de chasse du porte-avions
revendiquèrent 15 victoires lors de plusieurs combats contre des Hawk III et
des Boing 281 des 4ième et 5ième Pursuit Group.Le daitai de
bombardement du Ryujo perdit deux
D1A1 lors de ces opérations.
Le 5 septembre 1937, après s’être ravitaillée, la 1ère
division quitta Sasebo, à destination de Canton. A partir du 20 septembre, les
deux vaisseaux lancèrent des raids contre des objectifs situés aux alentours de
la ville. Le 21 septembre, 9 A4N1 du Ryujo et 6 du Hosho
combattirent à plusieurs reprises les chasseurs nationalistes du 29 Pursuit
Squadron, et revendiquèrent 17 victoires. Cinq chasseurs du Hosho durent
néanmoins amerrir en vue de l’escadre nippone après avoir épuisé leur
carburant. Les deux porte-avions quittèrent Canton le 30 septembre et
arrivèrent à Shanghai le 3 octobre. Deux jours plus tard, les groupes embarqués
furent détachés sur le terrain d’aviation de Kunda, conquis depuis par l’armée
impériale. Précédé par le Hosho, le Ryujo retourna au Japon le 1er
décembre 1937.
Le navire, réaffecté à la 2ième division de porte-avions avec le tout
nouveau Soryu, refit ensuite deux
apparitions au large de Canton en
mars et en octobre 1938. L’utilité des porte-avions
dans le conflit chinois perdit ensuite de son importance au fur et à mesure que
le front s’éloignait des côtes.
L’organisation de
la flotte de porte-avions
Jusqu’en 1941, les porte-avions de la marine impériale étaient organisés
en divisions (koku sentai), subordonnées à des flottes selon les
besoins. Cette organisation
reflétait la doctrine de la marine, qui voyait les porte-avions comme des
auxiliaires des cuirassés. Le rôle de l’aéronavale était, comme pour les
sous-marins ou les croiseurs lourds, d’affaiblir la ligne de bataille ennemie
avant l’engagement des divisions de cuirassés de la flotte combinée. L’ensemble
des réflexions tactiques et opérationnelles japonaises était focalisé sur cette
recherche de la victoire lors d’une bataille décisive, qui mettrait fin
rapidement à un conflit transocéanique avec les Etats-Unis, l’adversaire
autoproclamé de la marine depuis les années vingt. Cette obsession découlait des guerres sino-japonaise
et surtout russo-japonaise. Lors des batailles du Yalu le 17 septembre 1894 et de Tsushima les 27 et 28
mai 1905, la marine parvint à
anéantir les forces navales ennemies d’un coup, précipitant la fin du conflit.
En 1939, la mission prioritaire de l’aviation embarquée passa de
l’attaque des cuirassés à celle des porte-avions ennemis, leur destruction
permettant l’acquisition de la supériorité aérienne nécessaire au soutien de la
ligne de bataille japonaise. L’organisation de l’aéronavale nippone fut
progressivement modifiée à la suite de l’expérience amenée par les opérations
en Chine, de concepts testés lors d’exercices sur cartes, et sous la pression
constante maintenue par des visionnaires comme Minoru Genda, Jisaburo Ozawa et Mitsuo Fuchida.
Les griffes du
dragon : le groupe aérien du Ryujo à l’orée de la guerre du Pacifique
Dans la doctrine japonaise, les kanbaku (bombardiers, terme
désignant les bombardiers en piqué dans la terminologie de la marine, kansen
s’appliquant aux chasseurs embarqués, et kogeki, avion d’attaque,
aux bombardiers-torpilleurs) n’étaient pas considérés comme capables de couler
des cuirassés ou des croiseurs lourds et la torpille restait l’arme de prédilection
contre ce type de cibles. La taille du Ryujo ne lui permettait pas
d’embarquer trois daitai et la présence du daitai de chasse était vitale, il fallut donc choisir entre kogeki et
kanbaku.
La plus grande flexibilité des premiers, leur capacité d’emporter des
torpilles ou des bombes, et leurs ailes repliables qui permettaient leur
manutention par l’ascenseur arrière du bâtiment, leur donnaient un
avantage certain sur les kanbaku. Le deuxième daitai du groupe
embarqué fut donc doté de bombardiers-torpilleurs.
Deux kogeki du groupe embarqué
du Ryujo ; au premier plan, un
B5N2, et derrière lui, un B5N1. (via http://japaneseaircraft.multiply.com)
Cependant, les cadences de production limitées de l’industrie
aéronautique nippone, avec 4768 appareils construits en 1940 et 5088 en 1941, contraignirent la marine à faire des choix
dans l’allocation des nouveaux Mitsubishi A6M2, Aichi D3A1 et Nakajima B5N2. Ce
furent donc les six porte-avions de la force mobile, destinés à frapper Hawaï,
qui reçurent la priorité. De ce fait, au moment de l’entrée en guerre contre
les puissances occidentales, le daitai de chasse du Ryujo
alignait 22 Mitsubishi A5M4 et son daitai d’attaque
était équipé de 16 bombardiers-torpilleurs, dont deux à trois étaient de récents B5N2 et le solde des B5N1. Les deux modèles
d’appareils avaient une cellule identique mais le moteur du B5N1 était moins
puissant que celui du B5N2.
Comparé aux autres porte-avions d’escadre japonais, Le Ryujo était
handicapé par sa petite taille. De plus, ce désavantage s’était encore accru avec
la mise en service de nouveaux modèles d’avions embarqués, plus performants
mais aussi plus grands et plus lourds que leurs prédécesseurs. Leur envergure rendait leur manutention par
l’ascenseur arrière du bâtiment impossible, excepté pour les bombardiers-torpilleurs
B5N, grâce à leurs ailes repliables. Cela eut pour effet de ralentir le rythme
des opérations aériennes du vaisseau. La taille réduite du pont d’envol
limitait la taille des vagues d’assaut que le porte-avion pouvait lancer en
une seule fois à une demi-douzaine de bombardiers-torpilleurs, en sus des chasseurs que
le rapport poids/puissance plus élevé
rendait moins sensibles à la distance de décollage disponible. Pour les
mêmes raisons, seuls deux ou trois B5N2 armés d’une torpille Type 91 de 836 kilos pouvaient être
lancés simultanément, grâce à leur moteur plus puissant, et seulement s’ils
étaient placés à la fin du pont d’envol. Habituellement, les avions d’attaque emportaient un mélange de bombes de
La conquête des
Philippines
Pour les Japonais, la prise des Philippines était un préalable
nécessaire à la conquête des ressources de l’Asie du Sud-est. Les bases de départ de l’assaut japonais contre le protectorat américain
étaient Formose et Pelau. Le plan d’invasion japonais prévoyait une série de
débarquements sur plusieurs points de l’archipel. Pour s’assurer de leur
succès, la marine nippone devait neutraliser les forces aériennes et navales
présentes dans la colonie américaine. Après
avoir envisagé d’utiliser le Ryujo contre Luzon, l’état-major le choisit pour attaquer la base navale de
Davao, sur l’île de Mindanao. Le
porte-avions quitta le port de Saeki le 29 novembre 1941 et arriva dans
l’archipel des Palau le 5 décembre 1941. Ces îles, alors placées sous
administration japonaise, servirent de point de ralliement à la partie de la
force d’invasion des Philippines chargée de prendre Legaspi, Davao et Jolo. Les
deux derniers débarquements devaient servir à établir des points d’appui en
faveur des opérations prévues contre les Indes Néerlandaises. Le Ryujo y
rejoignit deux croiseurs lourds, un croiseur léger et 8 destroyers, qui devaient couvrir les
débarquements.
La flotte d’invasion leva l’ancre le 6 décembre 1941, et le Ryujo,
arrivé à portée de sa cible, lança 9 chasseurs et 13 bombardiers tôt le matin
du 8 décembre 1941. Significativement, il lui fallut 45 minutes pour assembler
la vague d’attaque. Les appareils atteignirent leur objectif un
peu moins de deux heures et demie après leur décollage. A la surprise des Japonais,
la base navale de Davao était presque vide. Seuls deux hydravions Catalina du
Patrol Wing 10 et un vieux destroyer
converti en ravitailleur d’hydravions, le William B. Preston, étaient
présents. Les kansen détruisirent les hydravions, mais le navire américain
échappa aux bombes des kogeki grâce à un appareillage d’urgence suivi de
manœuvres effrénées. Un des bombardiers-torpilleurs, endommagé par la DCA
américaine, dut amerrir non-loin du Ryujo. Plus tard, le navire lança
une seconde attaque avec 3 A5M4 et 2 B5N, qui s’en prirent aux réservoirs de
carburant de la base. Un chasseur, mortellement touché par les pièces
anti-aériennes ennemies, dut atterrir en catastrophe. Son pilote, Hiroshi
Kawanashi, se suicida plutôt que de risquer la capture. Le Ryujo soutint
ensuite la prise de Legaspi le 12 décembre par le détachement Kimura, puis rallia Palau.
Un des B5N du Ryujo survolant le William B.
Preston, à l’arrière-plan, deux Catalina du Patrol Wing 10 en
flammes. (wikimedia.org)
La force d’attaque de Davao quitta la base japonaise le 17 décembre
1941. Le croiseur léger Jintsu accompagné des destroyers Amatsukaze,
Hatsukaze, Kuroshio, Oyashio, Hayashio et Natsushio
escortaient les navires qui transportaient les 5'000 hommes du détachement
Sagakuchi, tandis que le Ryujo,
le porte-hydravions Chitose et les croiseurs lourds Nachi, Haguro
et Myoko servaient de force de couverture.
L’assaut sur les
Indes néerlandaises
Quelques jours après avoir été détaché auprès de la force de Malaisie, le
Ryujo arriva dans la baie de Cam Ranh, en Indochine française le 7
janvier 1942. Il y fit deux sorties afin d’appuyer la campagne alors en cours
dans la péninsule malaise. Puis, le 10 février, il appareilla pour soutenir
l’invasion de Sumatra, baptisée opération L. Le convoi de troupes
acheminant des éléments de la 38ième division d’infanterie de
l’armée impériale
avait quitté le mouillage indochinois un jour plus tôt. Le porte-avions arriva à proximité de Sumatra le 13 février. Les B5N
firent des reconnaissances armées dans la zone, alors que les A5M assuraient
une couverture aérienne aux transports de troupes. Le 13 février, les chasseurs
interceptèrent un Hudson du 8ième Royal Australian Air Force
squadron, qui parvint à leur échapper. Le 14, un groupe de 11 Blenheim IV
des 84ième et 211ième squadron de la Royal Air Force
attaquèrent les vaisseaux japonais. Certains des bombardiers attaquèrent le
Ryujo, mais leurs bombes manquèrent leur cible, alors que d’autres s’en
prenaient aux transports. Les kansen contribuèrent à la destruction de
deux des assaillants.
Au début de la matinée du 15 février, un hydravion du croiseur lourd Chokai
repéra plusieurs vaisseaux de guerre ennemis se dirigeant vers la flotte
japonaise. Il s’agissait de la Striking Force de l’ABDA, le commandement interallié chargé de défendre
la colonie néerlandaise, forte de cinq croiseurs et dix destroyers. Le Ryujo lança une première vague de sept B5N qui, après un vol
de deux heures, bombardèrent le croiseur lourd HMS Exeter. Aucun des
projectiles ne toucha directement le vaisseau britannique, mais les éclats et
le souffle de bombes tombées à proximité endommagèrent son hydravion
embarqué. Une deuxième vague forte de
six B5N bombarda à nouveau la Striking Force vers 17h30, sans plus de
résultat. Ces attaques, auxquelles s’étaient ajoutées deux raids de bombardiers
terrestres des Genzen et Kanoya kokutai, contraignirent la flotte
alliée à faire demi-tour. Les kogeki du Ryujo, malgré les
difficultés inhérentes au bombardement horizontal, obtinrent de meilleurs
résultats le 17 février.
Le cargo Sloet van de Beele,
escorté par le destroyer Van Nes, avait été dépêché pour évacuer la
petite garnison néerlandaise de l’île de Belitung. La formation hollandaise
fut détectée par un hydravion du croiseur lourd Chokai, puis attaquée
par 15 avions du Genzan kokutai, qui coulèrent le cargo. Une dizaine de bombardiers-torpilleurs
du porte-avions s’en prirent ensuite au destroyer, qui, touché à plusieurs
reprises, finit par aller par le fonds.
Le destroyer hollandais Van Nes en 1931 (Koninklijke Marine via Wikimedia.org
Le Ryujo retourna ensuite vers l’Indochine française, pour
mouiller à Cap St-Jacques le 19 février 1942. Le bâtiment fut aussitôt attribué
au soutien de l’opération J; l’occupation de Java, qui devait parachever la conquête des Indes Néerlandaises. Le
navire de guerre leva l’ancre le 27 février pour se joindre à l’escorte d’un convoi
de 41 vaisseaux transportant la 2ième division d’infanterie et le
230ième régiment d’infanterie de l’armée impériale. Celui-ci avait
quitté la baie de Cam Ranh le 18 février à destination de Java.
Le destroyer
américain Pope en 1924 (US Navy via Wikimedia.org)
Le 1er mars, le croiseur lourd anglais Exeter et les
destroyers Encounter et Pope étaient aperçus et attaqués par les
croiseurs Nachi, Haguro, Ashigara et Myoko et les destroyers Yamakaze,
Kawakaze, Akebono et Inazuma alors qu’ils essayaient de
quitter les eaux indonésiennes par le
détroit de la Sonde, après avoir quitté le port de Surabaya le soir du 28
février.
Les navires japonais coulèrent le croiseur lourd et l’Encounter à
coups de canons et de torpilles, mais le Pope parvint à s’échapper en se
fondant dans des bourrasques de pluies. Un appareil en maraude reprit le
contact avec le destroyer américain à 12h30, et en informa son bateau-mère, le
porte-hydravions Chitose, qui envoya une dizaine de F1M2 pour l’attaquer.
Les hydravions parvinrent à fausser un des arbres de transmissions du destroyer
avant de se retirer. Six B5N du Ryujo apparurent ensuite. Après quatre
passages où la formation largua ses bombes à une altitude de
Opération C
Afin de sécuriser les territoires récemment conquis et de couvrir
l’invasion de la Birmanie, la marine impériale
planifia une opération majeure dans l’Océan Indien. Celle-ci se subdivisait en deux éléments ; un raid de la force
mobile contre les ports de l’île de Ceylan, le cœur de la présence navale
britannique dans la région, et, simultanément, une attaque contre le trafic
maritime dans le golfe du Bengale, menée par une force de moindre importance.
L’Etat-major de la marine espérait que la deuxième part de l’opération C aurait
comme effet collatéral de créer un choc psychologique dans la population
indienne, susceptible de fragiliser la mainmise des britanniques sur le
sous-continent.
La «force de Malaisie de la deuxième
flotte expéditionnaire du Sud» sous les ordres de l’amiral Jisaburo Ozawa,
chargée de l’attaque dans le golfe du Bengale, quitta son mouillage de Mergui,
à
Opération
AL
Après une brève escale dans la baie de Cam Ranh, le Ryujo mit le cap sur le Japon et jeta l’ancre dans le mouillage de
la grande base navale de Kure le 23 Avril 1942. Il y entra en cale sèche le 28
avril pour une semaine. Pendant ce temps, le groupe aérien rejoignit le Saeki Kokutai où son daitai de chasse échangea ses A5M contre des A6M2 Zéro beaucoup
plus performants, et commença à s’entraîner sur ses nouvelles montures à partir
du 1er mai 1942. Le porte-avions rallia ensuite le port d’Ominato où
il arriva le 25 mai 1942, après avoir été réassigné à la force du Nord.
Planifiée pour être lancée en même temps que l’opération MI, l’attaque
de Midway, l’opération AL n’était pas une diversion en faveur de celle-ci, mais
une opération entièrement autonome. Son objectif, la conquête des îles
aléoutiennes, visait à permettre l’extension du périmètre défensif japonais et
à interrompre les communications maritimes entre l’URSS et les USA. Les stratèges japonais avaient sous-estimés le climat épouvantable qui y
régnait et de ce fait exagéré l’importance de l’archipel comme base de départ
potentielle pour des attaques contre le Japon. Le plan prévoyait le
bombardement de la seule grande base américaine à l’ouest des Aléoutiennes, le
port de Dutch Harbor, le 4 juin, en prévision des débarquements sur les îles de
Kiska et d’Adak qui devaient suivre deux jours plus tard.
La flotte japonaise était divisée en quatre éléments ; une force de
couverture constituée d’ un croiseur lourd et de deux destroyers, la force
d’occupation d’Attu forte de deux navires de transport de troupes protégés par
un croiseur léger, quatre destroyers et un dragueur de mines, la force
d’occupation de Kiska, deux transports escortés par deux croiseurs légers, deux
croiseurs auxiliaires, trois destroyers et trois dragueurs de mines, et enfin de
Dai-ni Kido Butai, la deuxième force
mobile.
Le 3 juin 1942 à deux heures du matin, la 4ième division de
porte-avions arriva à portée de Dutch Harbor. Le temps exécrable força les
marins japonais à repousser le décollage des avions à 2h43. Le Junyo lança douze bombardiers en piqué
et six chasseurs et le Ryujo quatorze
B5N escortés par six A6M. Un des kogeki, victime d’une panne de son moteur,
s’écrasa peu après avoir décollé et son équipage fut récupéré par un des
destroyers d’escorte. Le plafond nuageux très bas contraignit la formation à se
diviser en plusieurs groupes.
Dans la matinée du 4 juin, deux chasseurs du Ryujo abattirent un Catalina
qui suivait les mouvements de la force japonaise. Après avoir abandonné un projet d’attaque contre l’île d’Adak à cause
d’une violente tempête survenue dans la nuit du 3 au 4 juin, l’amiral Kakuta,
commandant de la 4ième division, ordonna un deuxième raid contre
Dutch Harbor. Onze kanbaku et six kogeki escortés par dix A6M2 débutèrent
leur attaque contre le port à 18h10, après une heure de vol.
Dutch Harbor
sous les bombes le 3 juin 1942 (Wikimedia.org)
Tandis que les bombardiers détruisaient quatre réservoirs de carburant et incendiaient le vieux navire à vapeur Northwestern, un shotai de Zero du Ryujo abattit un Catalina. Un des chasseurs, piloté par le premier maître Tadayoshi Koga, fut touché par un projectile de mitrailleuse, qui rompit une canalisation d’huile. Accompagné par ses deux ailiers, le premier maître tenta un atterrissage forcé sur l’île d’Atukan, toute proche, prévue comme lieu de regroupement pour un tel cas, de manière à ce que les équipages abattus puissent être récupérés par un sous-marin. Le terrain meuble fit capoter le Zéro, qui, en se retournant, brisa les vertèbres cervicales du pilote. Les deux autres aviateurs devaient détruire le chasseur afin de préserver ses secrets, mais ne purent s’y résoudre dans l’espoir que leur camarade vivait encore. Les Américains découvrirent l’appareil un mois plus tard, et après l’avoir remis en état de vol, eurent l’occasion de le tester et d’en déterminer les forces et les faiblesses, puis d’en informer leurs propres unités de chasse.
Le 5 juin, la 4ième division de porte-avions fut dépêchée
vers le Sud de toute urgence dans l’espoir d’inverser le cours désastreux pris
par les combats au large de Midway. Le Zuiho
rejoignit peu après les navires de l’amiral Kakuta. L’immensité de la distance
à parcourir rendait impossible une intervention ponctuelle et la tentative
avorta très vite. La 4ième division retourna alors vers les
Aléoutiennes pour fournir une couverture aérienne aux troupes débarquées le 7
juin sur les îles d’Attu et de Kiska. Le temps calamiteux rendit les opérations
de l’aviation embarquée impossibles et le Ryujo
rallia Ominato le 24 juin 1942. Le vaisseau, accompagné par le porte-avions Zuikaku,
fut ensuite affecté à la protection d’un convoi acheminant des renforts
vers les Aléoutiennes du 28 juin au 12 juillet. Le voyage se déroula sans
encombre.
Dernière opération
La bataille de Midway et la perte des grands porte-avions Akagi, Kaga, Hiryu et Soryu qui en découla rendit nécessaire
une réorganisation de l’aviation embarquée. Ainsi, le Ryujo, qui embarquait dorénavant 24 A6M2 et 9 B5N2, fut affecté à
la 1ère division de porte-avions en compagnie du Shokaku et du Zuikaku le 8 août 1942. Le
jour précédant, la 1ère division de Marines, couverte par une
puissante force aéronavale, avait débarqué à Guadalcanal et facilement occupé
l’aérodrome que les Japonais y construisaient. L’opération américaine, baptisée
Watch Tower, prit la marine impériale
totalement au dépourvu. L’intervention des forces aériennes, navales et
terrestres disponibles sur le théâtre des opérations ne permirent pas de
chasser l’ennemi de son nouveau bastion, et il apparut que cet objectif
nécessitait une action majeure pour être atteint.
L’amiral Yamamoto, chef de la flotte combinée, conçut, comme à son
habitude, un plan complexe. Un convoi devait débarquer des troupes sur
Guadalcanal. Plusieurs formations séparées, comprenant trois porte-avions, un
porte-hydravions, deux cuirassés, onze croiseurs lourds, trois croiseurs légers
et vingt-quatre destroyers, étaient chargées de le protéger et de détruire
toute présence navale américaine rencontrée lors de l’opération. Un élément clé
de ce déploiement était la force mobile, commandée par le vice-amiral Nagumo, qui
appareilla de Kure le 16 août 1942. Bien moins puissante que quelques mois
auparavant, Kido Butai ne comptait
plus que trois porte-avions ; les Shokaku,
Zuikaku, Ryujo, escortés par la 11ième division de cuirassés (Hiei et Kirishima), la 8ième division de croiseurs (croiseurs
lourds Tone et Chikima), le croiseur léger Nagara
et dix destroyers.
Au même moment, les quatre F4F de la patrouille de couverture piquèrent
sur l’escorte des kogeki et
abattirent un des Zéros avant de mettre leur vitesse à profit pour regagner de
l’altitude ; il s’agissait d’une tactique fréquente des pilotes américains
pour contrer la maniabilité bien supérieure de leurs adversaires. Le bombardement fut suivi par les neuf
Zéros du deuxième groupe qui, divisés en shotai
de trois appareils, et venant de directions différentes, firent des passes de
mitraillage du terrain d’aviation et abattirent un Wildcat du VMF-223 surpris à
150 mètres d’altitude, juste après avoir décollé. Dans le même temps, deux
P-400 détruisirent un des chasseurs du groupe.
Un Wildcat des Marines photographié sur l’aérodrome
d’Henderson Field en 1942 (National
Archives via Wikimedia)
Plus au Nord, six Zéros affrontaient 2 P-400 et trois
Wildcat ; un des chasseurs japonais, touché par un appareil du VMF-212,
dut atterrir en catastrophe sur l’île, mais son pilote, Takeo Okumura, fut
récupéré par la suite par des troupes amies. Un avion du VMF-223 fut aussi
abattu. Alors qu’ils se retiraient, les B5N2 furent interceptés par des
Wildcat, qui en abattirent quatre, dont un parvint à faire un amerrissage
d’urgence. Les appareils américains furent ensuite chassés par les cinq
survivants de l’escorte et par deux autres Zéros du second groupe, qui
parvinrent à détruire un Wildcat du VMF-212. Au total, le raid coûta quatre kogeki et trois chasseurs au groupe
aérien du Ryujo, pour un résultat
mineur. Les pilotes japonais revendiquèrent la destruction de quinze chasseurs
ennemis, mais les Américains ne perdirent que trois F4F dans l’affaire.
La
fin du Ryujo
A 14h40, trois sections de reconnaissance du porte-avions Enterprise, de deux avions chacune,
approchèrent simultanément du Ryujo et
de son escorte, venant de directions différentes. Une de ces sections, formée
de deux bombardiers en piqué SBD Dauntless signala la position des navires
japonais, puis rebroussa chemin. Une autre paire, composée d’un SBD accompagné d’un bombardier-torpilleur
TBF Avenger, approcha à basse altitude, mais se fit refouler par les Zéros de
la patrouille de couverture du porte-avions.
La troisième section, de deux TBF, monta à 3600 mètres, avant d’être
aperçue à 14h55 par les navires japonais qui les confondirent avec des B-17. Le
Tone et les deux destroyers ouvrirent
le feu avec leurs pièces anti-aériennes de 127mm, tandis que le Ryujo lançait un shotai d’A6M2 et un kogeki
comme appareil de veille anti-sous-marine. Quelques minutes après, les TBF
lâchèrent quatre bombes de 250 kg qui manquèrent leur cible, la plus proche
éclata à 150 mètres du porte-avions, avant de s’échapper sans être interceptés
par les Zéros. Vers 15h00, le Ryujo,
peut-être suite à une critique acerbe du commandant de l’Amatsukaze, fit décoller encore deux chasseurs. Au même moment, une
nouvelle paire de TBF de la VT-3 venant de l’Enterprise aperçut le Tone et
grimpa à 3000 mètres. Le croiseur les repéra et ouvrit le feu. Les deux
derniers chasseurs lancés par le Ryujo intervinrent
et abattirent un des Avenger.
A 15h36, une formation d’attaque lancée par le Saratoga deux heures plus tôt, forte de vingt-neuf bombardiers en
piqué SBD Dauntless (quinze du VS-3, treize du VB-3) et sept TBF du VT-8,
aperçut les navires japonais. Les appareils américains se séparèrent, les SBD
grimpèrent à 4600 mètres alors que les TBF armés de torpilles restaient 1000
mètres en dessous. Six SBD du VB-3 et un Avenger se détachèrent afin de s’en
prendre au Tone, les autres appareils
se préparant à attaquer le porte-avions. Dès que les vigies japonaises firent
état du nouveau danger, le Ryujo, se
mit face au vent et lança une paire de Zéros pour renforcer les cinq chasseurs déjà
en vol. Les vaisseaux nippons naviguaient alors de manière séparée. Il
s’agissait là aussi d’une réaction courante dans la marine impériale face à une
attaque aérienne ; la capacité individuelle des navires à manœuvrer pour
éviter les projectiles adverses primait sur leur capacité à concentrer les feux
de l’artillerie antiaérienne.
A 15h50, les quinze Dauntless de la VS-3 piquèrent sur le porte-avions
depuis plusieurs directions. Le vaisseau manœuvra en cercle pour gêner la visée des appareils
ennemis, et les bombes de 454 kilos, larguées à une altitude de 600 mètres par les SBD, le
manquèrent. Ces premiers assaillants furent suivis par les sept bombardiers en
piqué restants du VB-3, qui ne mirent pas non plus de coups au but. Quatre
Zéros s’en prirent à eux alors qu’ils s’échappaient à basse altitude après leur
piqué, et endommagèrent un des Dauntless. Le commandant de la formation américaine,
voyant que le Ryujo avait jusque là
échappé aux assauts de ses pilotes, ordonna aux appareils affectés à l’attaque
du Tone de changer de cible, puis
piqua à son tour. A l’issu de son attaque, il eut la certitude d’avoir placé le
premier coup au but.
Après avoir reçu le contrordre du leader, les six SBD du VB-3
interrompirent leur approche vers le Tone,
et malgré l’intervention de quatre chasseurs nippons, rapportèrent avoir touché
le Ryujo à trois reprises. Durant
l’assaut des Dauntless, les Avenger du
VT-8 perdirent rapidement de l’altitude jusqu’à 60 mètres, deux se dirigèrent
vers le croiseur lourd, et les cinq autres prirent la direction du
porte-avions. Ces derniers, malgré l’intervention de plusieurs Zéros, se
divisèrent pour mener une attaque en tenaille. La première section de trois
appareils attaqua à tribord et une de leurs torpilles, larguée à moins de 800
mètresde la cible, toucha l’arrière du Ryujo, endommageant le gouvernail et la
salle des machines. Quant au Tone, il
parvint à échapper sans dommages à l’attaque des deux Avenger qui le visaient.
Le Ryujo stoppa, et commença à prendre de la gîte, qui atteignit 21° vers 17h00. Un quart d’heure plus tard, le contre-amiral Hara ordonna l’abandon du bâtiment, alors que le Tokitsukaze et l’Amatsukaze s’approchaient pour recueillir l’équipage. Trois B-17 du 11ième Bomber Groupapparurent à ce moment et effectuèrent deux largages, sans mettre de coup au but. Trois A6M2 prirent les quadrimoteurs en chasse, et touchèrent durement un d’entre eux, qui finira par s’écraser près de sa base. Le porte-avions, en flammes, sombra à 20h00, emportant avec lui 120 officiers et marins de son équipage. Pour les Japonais, une seule torpille et des brèches dans la coque causées par l’explosion de bombes tombées à proximité étaient responsables de la perte du bâtiment. Le seul appareil survivant de son groupe aérien fut le B5N de patrouille anti-sous-marine, qui parvint à rejoindre l’aérodrome japonais de Buka. Faute de carburant, les autres appareils du Ryujo durent amerrir près des navires d’escorte.
Le reflet d’une stratégie
La carrière du Ryujo est révélatrice de certains traits de l’institution dont il faisait partie. Le bâtiment fut, par exemple, directement victime d’une défaillance de Kaigun, la marine impériale japonaise ; sa propension à créer des plans sophistiqués dont résultait la dispersion d’unités incapables de s’appuyer mutuellement. Moins de trois mois auparavant, le porte-avions léger Shohocoulait lors de la bataille de la Mer de Corail dans des circonstances analogues à celles qui causèrent la destruction du Ryujo. Le déroulement simultané des opérations MI et AL constitua une autre illustration du même phénomène, où le Ryujoet le Junyo ne purent être d’aucun secours à la première force mobile. Pourtant, ce fut bien la même marine qui, la première, regroupa en une seule unité tactique ses grands porte-avions d’escadre. Grâce à cette concentration de ses moyens aéronavals, elle put infliger des coups terribles à ses adversaires durant les premiers mois du conflit. Paradoxalement, la marine agit comme si elle n’avait pas entièrement compris les causes de sa propre supériorité.
La conception du Ryujosacrifiait la protection au bénéfice de la capacité offensive, elle-même directement liée à la taille de son groupe embarqué. Cet arbitrage découlait de la doctrine de la marine et se retrouvait dans une grande partie de ses navires et de ses avions.
De fait, cette doctrine postulait que la victoire dans une guerre navale serait acquise lors d’une bataille décisive, et la marine impériale passa des décennies à se préparer à un tel affrontement. Dans cette perspective, sacrifier la durabilité à la puissance de feu se justifiait. Une éclatante victoire ne pourrait ensuite que causer l’ouverture de négociations qui se concluraient à l’avantage du vainqueur. Les vaisseaux japonais devaient donc vaincre, et non pas survivre pour combattre un autre jour. Cependant, la deuxième guerre mondiale s’avérera être une guerre d’attrition, et cette erreur de jugement dans la formulation stratégique japonaise fut une des nombreuses causes de l’entrée en guerre de l’Empire du Soleil levant contre les Etats-Unis, un adversaire démesurément plus puissant.
Pour conclure, l’on peut constater que ces différences de perspectives dans la vision des belligérants apparaissent de manière récurrente. Ainsi, par exemple, en 216 avant Jésus-Christ déjà, Hannibal fut surpris par le refus des romains d’ouvrir des négociations alors qu’il venait d’écraser à Cannes la plus puissante armée jamais déployée par la République romaine.
L’agonie du Ryujo photographiée par un B-17 du 11ième
Bomber Group
(Wikimedia.org)
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Encore un bel article sur une unité méconnue de la marine impériale.
RépondreSupprimerJuste une question : le fameux Zéro capturé aux Aléoutiennes n'était-il pas piloté par Koga (et pas Kogi) ? De mémoire.
Cordialement.
Bonsoir Stéphane,
RépondreSupprimerC'est bien Koga, il s'agissait d'une erreur de ma part, je viens de la corriger. Merci beaucoup de me l'avoir signalée.
Cordialement