La Roumanie fut le pays de l’Est qui engagea
le plus grand nombre de troupes aux côtés de la Wehrmacht sur le front de
l’Est. Pourtant, l’histoire, aidée en cela par des généraux allemands pressés
de s’exonérer de toute erreur dans leurs mémoires, a surtout retenu le rôle
majeur que joua l’effondrement du flanc tenu par les troupes roumaines durant
la bataille de Stalingrad. Cette très courte présentation de la 1ère division
blindée roumaine durant la seconde guerre mondiale illustre pourtant à quel point
les Allemands n’étaient guère pressés de soutenir leurs alliés.
Adrien Fontanellaz, mai 2013
La genèse de
l’arme blindée roumaine remonte au 1ère août 1919, avec la création
du Regiment 1 Care de Lupta (1er
régiment de char). Celui-ci se vit équipé, durant les années 20, par 74 Renault
FT livrés par la France, alliée traditionnelle du pays. Puis dans les années
30, la Roumanie se lança dans un programme de modernisation de son armée,
visant entre autre à accroître sa motorisation. Cette tâche était d’autant plus
malaisée que les capacités de l’économie nationale à soutenir un tel effort
étaient limitées. En effet, seuls 34'000 véhicules à moteurs circulaient dans
le pays en 1934, qui ne comptait qu’une seule usine Ford capable de produire 10
camions par jour en 1938. L’achat de 2'000 engins auprès de ce fournisseur
ainsi que l’importation de véhicules à l’étranger permirent néanmoins de
motoriser plusieurs formations de l’armée à partir de 1936, à l’instar des 3e
et 4e régiments de fusiliers (Vanatori).
En 1936, le
gouvernement roumain commanda à la firme tchécoslovaque Skoda 36 chars de
reconnaissance AH-IV-R et 126 chars
S-11-a, localement baptisés R-2. Ceux-ci étaient pratiquement identiques aux
exemplaires récupérés par la Wehrmacht à la suite du démembrement de la
Tchécoslovaquie, et désignés Pzkpfw. 35(t) par celle-ci. En mai 1938, une nouvelle commande de
cinquante chars R-35 fut passée à la
firme Renault. La livraison de ces
nouveaux matériels permit de rééquiper le 1er régiment de char qui
reçut l’intégralité des R-2 et abandonna ses antiques FT au profit d’un
bataillon d’entraînement. Une nouvelle unité, le 2e régiment de
tanks, fut créée à la fin de l’année 1939 et reçut les R-35. Ce second régiment
vit ses effectifs renforcés par 34 R-35 supplémentaires. Ceux-ci faisaient
partie d’une unité blindée polonaise qui s’était réfugiée en Roumanie à la fin
du mois de septembre 1939. Les deux régiments étaient divisés en deux
bataillons forts de trois compagnies de char et une compagnie de maintenance.
Les compagnies du 1er régiment étaient cependant plus étoffées que
leurs homologues du 2e régiment, avec cinq sections de trois chars
pour les premières contre trois pour les secondes. Chaque régiment comprenait
en sus une dizaine de canons anti-aériens et anti-char de 20 et 47mm
respectivement.
R-35 du 2e régiment de tanks photographiés en 1940 (via www.worldwar2.ro) |
En avril 1941,
l’armée roumaine franchit une nouvelle étape en constituant la 1ère
division blindée avec l’aide de conseillers allemands. Le pays était en
effet tombé quelques mois plus tôt dans
l’orbite du IIIe Reich à la suite de l’arrivée au pouvoir de Ion Antonescu. A
sa création, la division rassemblait les 1er et 2e
régiments de chars, les 3e et 4e régiments de fusiliers
et le 1er régiment d’artillerie motorisé. En outre, elle disposait
d’un bataillon de génie, d’un groupe de reconnaissance et d’autres unités de
soutien. La nouvelle formation ne tarda pas à être engagée au combat, et ce dès
le début de l’opération Barbarossa, durant laquelle l’armée roumaine s’engagea
massivement aux côtés de la Wehrmacht. Détachée auprès de la 4e
armée roumaine, elle combattit en tant qu’une unité constituée en Bessarabie et
joua un rôle majeur dans les opérations qui aboutirent à l’encerclement de la
ville d’Odessa. La division participa ensuite au siège de la cité, mené
uniquement par les Roumains. Cette sanglante bataille débuta le 18 août 1941
avec une première tentative d’investissement, et ne s’acheva que le 15 octobre,
avec l’évacuation par la mer de la garnison soviétique. L’armée roumaine
engagea dans le siège 18 divisions appartenant à cinq corps différents et
perdit 17'729 soldats tués ainsi que 74'816 blessés et disparus. La Divizei
Blindate, engagée en soutien de l’infanterie, fut
dispersée en de nombreux petits détachements. Entre le début de Barbarossa et
la fin du siège, ses pertes se montèrent à 1261 hommes, 111 tanks et 206 autres véhicules, et elle fut donc
rapatriée en Roumanie pour être reformée.
R-2 destinés à la Roumanie en cours d'assemblage (via wikimedia) |
La livraison
par les Allemands de 26 Pzkpfw 35(t) issus de la 11. Panzerdivision, et d’une vingtaine de
Panzer III Ausf N et Panzer IV Ausf G permit de compléter les effectifs du 1er
régiment de char. Celui-ci alignait alors deux bataillons forts de quatre
compagnies de 11 chars chacune, dont trois équipées de R-2 et une de Panzer III
ou IV. Cependant, en 1942, en plus de souffrir d’une forte usure mécanique qui
accentuait leur taux d’indisponibilité, les R-2 étaient complètement obsolètes
face aux T-34 alignés par les Soviétiques. Si l’ordre de bataille divisionnaire
comprenait toujours les 3e et 4e régiments de Vanatori motorisés, forts de deux
bataillons chacun, et un régiment d’artillerie motorisée, l’unité avait perdu
son second régiment de chars. Avant d’être déployée au front une seconde fois,
la Divizei Blindate rassemblait 12'632 officiers, sous-officiers et hommes de
troupes, 1358 véhicules, 36 pièces d’artillerie et 133 chars. Sa capacité
anti-char avait été accrue par la livraison d’une quinzaine de canons Pak-38 et
Pak-40, alors que le groupe de reconnaissance divisionnaire avait été rééquipé
avec des blindés légers allemands.
Un R-2 touché par un canon anti-char soviétique dans la région d'Odessa, en août 1941 (via www.worldwar2.ro) |
Recomplétée, la formation roumaine retourna sur le front
de l’Est à l’automne 1942, où elle fut intégrée au XXXXVIII.
Panzerkorps en compagnie de la 22. Panzerdivision et d’éléments de la 14. Panzerdivision. La Divizei
Blindate se trouva ainsi aux premières loges lorsque, le 19 novembre 1942,
les Soviétiques déclenchèrent l’opération Uranus, qui déboucha sur
l’encerclement de Stalingrad. L’unité fut laminée au cours de très violents
combats contre les chars ennemis, notamment durant les premiers jours d’Uranus,
où le 26e corps blindé soviétique manqua de peu de l’éliminer
totalement. Ainsi, le 1er janvier 1943, à l’issue de son retrait
derrière le Donets, la division avait perdu l’ensemble de ses Panzer III et IV
ainsi que 81 R-2, dont la majorité avait dû être abandonnée à la suite de
pannes mécaniques ou par manque d’essence. Les rescapés furent rapatriés en
Roumanie afin de reformer l’unité, tandis que les Allemands livrèrent cinquante
PzKpfw 38(t) qui furent intégrés à un bataillon autonome de chars, qui fut
engagé dans la région du Kouban puis en Crimée, avant de regagner le territoire
national en avril 1944, avec seulement dix chars opérationnels.
In fine, la 1ère division
blindée ne fut reconstituée qu’en avril 1944,
après que son noyau de personnels expérimentés ait servi de cadre à plusieurs
détachements motorisés interarmes de taille variable ainsi qu’à la constitution
d’une école de formation. Lors de sa
reconstitution, la division restait centrée sur les 3e et 4e
régiments de fusiliers et sur le 1er régiment de char. Ce dernier
alignait 90 blindés, répartis entre deux bataillons forts de trois compagnies,
le premier étant équipé de Panzer IV et le second de Stug III, livrés par les
Allemands. La division, qui reçut le nom
de « Grande Roumanie » le 28 avril, ne tarda pas à être engagée contre
les Soviétiques, alors aux portes du pays. Elle fut à nouveau durement éprouvée,
avant que la Roumanie ne se rallie au camp allié le 23 août 1944.
Un TACAM T-60, photographié durant une parade à Bucarest en mai 1943 (via www.worldwar2.ro) |
Ce bref survol de
l’histoire de la division ne peut que mettre en évidence le temps précieux
perdu à chaque fois que cette unité du compléter ses effectif à la suite d’une
période de combat, et ce à cause de la réticence allemande à livrer de nouveaux
tanks en nombre significatifs. De plus, non seulement les quantités livrées
semblent dérisoires au regard du nombre de troupes engagées par la Roumanie
contre l’ennemi commun, mais les modèles concernés étaient de surcroît techniquement
dépassés au moment où ils rejoignaient
la Divizei Blindate. Pire encore, les autorités du IIIe Reich s’opposèrent à
plusieurs reprises aux tentatives roumaines de produire sous licence des chars
Skoda, et de mettre ainsi à profit les capacités limitées de leur industrie.
Ainsi outre l’indispensable soutien au parc existant, la contribution de cette
dernière à l’effort de guerre se limita
à la conversion de modèles de chars devenus obsolètes en chasseurs de
char. La pénurie était telle que les Roumains transformèrent même une trentaine
de T-60 capturés en chasseurs de char à l’aide de pièces de 76.2 mm, également
d’origine russe. Sans doute sous la
pression de l’évolution défavorable de la situation sur le front de l’Est, et
probablement en raison de l’augmentation du nombre de blindés produits dans
leurs usines, les Allemandes modifièrent néanmoins leur politique dans l’année
précédant le changement d’alliance roumain, en livrant des chars récents et en
quantités plus importantes qu’auparavant.
Chars livrés par l'Allemagne à la Roumanie
- juin-juillet 1942 : 26 Pzkpfw 35(t)
- septembre 1942 : Entre 19 et 22 Pzkpfw III et IV
- Mars 1943 : 50 PzKpfw 38(t)
- Novembre 1943 à juillet 1944 : 114 Pzkpfw IV & 98 Stug III
Steven Zaloga, Tanks of
Hitler’s Eastern Allies 1941-45, Osprey Publishing, 2013
Mark Axworthy, The Romanian
Army of World War II, Osprey Publishing, 1992
Dragos Pusca et Victor Nitu, http://www.worldwar2.ro/,
consulté le 2 mai 2013
Ce texte est la propriété de son auteur et n’est pas libre de droits. La publication, sur internet ou sous toute autre forme, de tout ou partie du contenu de ce texte est soumise à l'accord préalable de l'auteur ; cet accord peut être sollicité par e-mail (adrienfontanellaz@hotmail.com). L'obtention de cet accord est soumise à l'engagement de citer, clairement et sans équivoque, la source. Toute utilisation commerciale de tout ou partie de cet article est strictement interdite en l'absence d'accord préalable et exprès de l'auteur, et aucune clause des présentes conditions ne peut être interprétée comme dérogeant à cette interdiction. Toute utilisation de texte implique l'acceptation des présentes conditions d'utilisation.
Ce texte est la propriété de son auteur et n’est pas libre de droits. La publication, sur internet ou sous toute autre forme, de tout ou partie du contenu de ce texte est soumise à l'accord préalable de l'auteur ; cet accord peut être sollicité par e-mail (adrienfontanellaz@hotmail.com). L'obtention de cet accord est soumise à l'engagement de citer, clairement et sans équivoque, la source. Toute utilisation commerciale de tout ou partie de cet article est strictement interdite en l'absence d'accord préalable et exprès de l'auteur, et aucune clause des présentes conditions ne peut être interprétée comme dérogeant à cette interdiction. Toute utilisation de texte implique l'acceptation des présentes conditions d'utilisation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire