La Suisse fut, à bien des égards, un pays
privilégié durant le XXe siècle, ne serait-ce que parce qu’elle échappa à ce
qu’une certaine historiographie a nommé les « guerres civiles
européennes », ou en d’autres termes, aux premières et deuxièmes guerres
mondiales. Préservée des combats, l’histoire de l’armée suisse suscite logiquement
un intérêt bien moindre que celui porté aux forces belligérantes durant ces
conflits. En Suisse même, de manière générale, si le rôle du pays durant la
deuxième guerre mondiale a fait l’objet d’âpres débats politico-historiques durant
les années 90 et au-delà, l’histoire de l’armée suisse avant et pendant la
« Der des Ders » reste largement une affaire d’initiés. Pourtant, à
bien des égards, l’étude de cette institution à l’aube de la Grande Guerre
n’est pas sans intérêts. En effet, si l’on peut arguer que, en 1914, l’armée helvétique
était raisonnablement bien préparée, du moins si on la compare à celles
d’autres petites nations, ses lacunes sont révélatrices d’une cécité alors
presque générale dans le monde occidental face à l’avènement de ce que l’on
appellera par la suite la guerre totale. En revanche, certaines autres
faiblesses révélées par la guerre étaient intrinsèques au pays ou à la
perception stratégique de ses dirigeants.
Adrien Fontanellaz (Publié sur l'autre côté de la colline le 20 août 2013)
Au
moment où débuta la première guerre mondiale, l’armée suisse était une
institution encore récente, dont la genèse débuta un siècle plus tôt, à l’issue
des bouleversements causés par les guerres napoléoniennes. Cette évolution fut à
la fois la résultante de la lente mutation de l’espace politique helvétique en un
système fédéral et un élément essentiel de la formation du sentiment national. En
1815, il n’existait pas réellement d’armée suisse, mais des armées, ou milices,
cantonales pouvant participer ensemble à la défense de la Confédération
helvétique. Cependant, un règlement national fut adopté le 20 août 1817 dans le
but d’uniformiser les armements, l’ordre de bataille et l’entraînement de ces
contingents cantonaux. Une première école militaire suisse ouvrit ses portes à
Thoune en 1818 afin de garantir une formation adéquate des officiers supérieurs
alors que la société suisse des officiers était fondée en 1833. Entre 1820 et
1852, des contingents cantonaux furent rassemblés à quatorze reprises dans des
camps fédéraux, destinés à leur permettre de manœuvrer ensemble. L’armée eut
l’occasion d’entrer en campagne en 1847, lors de la guerre du Sonderbund, où, forte
de 100'000 hommes et placée sous les ordres du général Dufour, elle mit fin en
vingt-cinq jours à une révolte des cantons catholiques. L’adoption d’une
nouvelle constitution, fortement inspirée par celle des Etats-Unis d’Amérique
en 1848, ne tarda pas à engendrer un renforcement des prérogatives fédérales,
alors qu’en 1856, des troupes furent à nouveau levées pour faire face à la
menace prussienne lors de l’affaire de Neuchâtel. La guerre franco-prussienne
de 1870 causa ensuite la mobilisation de 40'000 hommes, qui menèrent à bien
l’internement des dizaines de milliers de soldats français de l’armée Bourbaki
en février 1871. Les graves lacunes constatées dans l’entraînement de certains
contingents cantonaux encouragèrent un nouvel élargissement des prérogatives fédérales
en matière militaire en 1874, la Confédération se voyant attribuer la
responsabilité de l’instruction, de l’armement et de l’équipement des troupes.
Enfin, entre 1907 et 1911, une série de réformes modifièrent profondément la
structure et les tactiques de l’armée.
Ordre de bataille
A
la suite de ces réorganisations, et à l’aube de la Grande Guerre, l’armée
comprenait trois corps de deux divisions. Les six divisions, fortes chacune d’environ
21'000 hommes et 5'000 chevaux, se subdivisaient en trois brigades. Chaque brigade
chapeautait deux régiments de deux ou trois bataillons. A partir de 1911,
quatre des dix-huit brigades endivisionnées étaient spécialisées dans le combat
en montagne. Ces brigades de montagne alignaient, en sus des habituelles unités
de soutien, cinq bataillons d’infanterie répartis entre deux régiments, un
groupe d’artillerie à deux batteries de quatre pièces et une compagnie de
mitrailleurs, soit un effectif réglementaire de 4’973 hommes.
Canon Krupp et ses servants (via www.switzerland1914-1918.net) |
L’armée
avait bénéficié d’une augmentation considérable de son budget dans les années
précédant la guerre. En effet, les dépenses du Département militaire, qui
étaient de 30'511'498 CHF en 1906, atteignirent 45'840'619 francs en 1913.
Cette croissance se traduisit notamment par la modernisation du parc de
l’artillerie de campagne à partir de 1903. Ce fut la firme allemande Krupp qui
bénéficia le plus de cet effort, avec des commandes successives portant sur 288
canons de 7.5 cm et leurs munitions pour 21.7 millions de francs, 24 pièces de
montagne de 7.5 cm pour 2'515'000 francs et enfin 86 obusiers de 12 cm.
L’armement des fantassins, avec des fusils et mousquetons de conception
relativement récente, était comparable à celui des autres armées européennes. En
1887, après une série de tests, les militaires helvétiques commandèrent une
première série de 20 mitrailleuses Maxim à la firme anglaise Vickers. A
l’évidence, l’armée n’accorda pas immédiatement une grande importance à cette
nouvelle arme, dans la mesure où 27 années plus tard, en 1914, le parc ne
comprenait que 110 mitrailleuses, réparties en compagnies attachées aux
divisions et à certaines brigades. A titre de comparaison, chaque régiment
d’infanterie allemand disposait alors d’une compagnie avec sept mitrailleuses,
dont une de réserve. Enfin, l’armée pouvait s’appuyer sur une série d’ouvrages fortifiés
relativement récents, couvrant les voies de chemin de fer traversant les Alpes,
à l’image de celle du Gothard.
Le
Conseil fédéral refusa de soutenir la création d’une aviation militaire dans
les années précédant la guerre, percevant l’usage de cette nouvelle technologie
comme purement expérimentale. Des essais menés au cours de grandes manœuvres en
1911 et 1913 à l’aide d’appareils civils avaient obtenu des résultats mitigés,
principalement à cause d’une météo défavorable. Cependant, nombreux étaient les
cadres convaincus de la nécessité de disposer d’une aviation, et durant 1913,
la Société suisse des officiers mena une collecte, destinée à financer
l’entraînement de pilotes, qui rapporta CHF 1734'564.- In fine, les troupes d’aviation furent formées le 1er
août 1914. Elles ne comprenaient alors qu’une dizaine de pilotes mobilisés,
parfois avec leurs propres appareils, et huit avions de six types
différents. Cette collection disparate
fut subdivisée en deux escadrilles, l’une pourvue de biplans et l’autre de
monoplans. A ce moment, l’armée français comptait 200 avions, et son homologue
allemande 250.
Le système de milice
Comme
dans la plupart des nations européennes, les Suisses en âge de porter les armes
étaient appelés sous les drapeaux pour un service national, l’école de recrues,
avant de devenir réservistes, mobilisables en cas de besoin. Les réservistes
étaient définis par leur classe d’âge ; les hommes de 20 à 32 ans
faisaient partie de l’Elite, ceux de 33 à 40 ans de la Landwehr et ceux âgés de
41 à 48 ans de la Landsturm. En cas de guerre, l’Elite fournissait les
effectifs nécessaires aux unités régulières de l’armée, alors que les hommes de
la Landwehr formaient des brigades et des régiments dépendant directement du commandement
de l’armée. L’école de recrue durait 65 jours pour les fantassins, mais était
suivie par sept cours annuels, dit de répétition, d’une durée de sept jours. Outre
leur parcours militaire, la plupart des hommes étaient familiarisés avec
l’usage des armes au sein d’un réseau extrêmement dense de sociétés de tir. En
1885, le seul canton de Zurich aurait ainsi compté 285 associations de ce type,
totalisant près de 11'000 membres. De ce fait, l’armée ne comprenait pas
réellement d’unités d’active mais pouvait mobiliser environ 450'000 hommes,
dont 105'425 appartenaient à l’Elite et 97'054 à la Landwehr, et près de 50'000
chevaux. Il s’agissait là d’une taille respectable compte tenu de la population
du pays, qui était de 3.9 millions d’habitants en 1914.
Une
des spécificités du système de milice suisse résidait dans le fait que la plupart
des cadres étaient aussi des miliciens,
l’armée ne disposant que d’un nombre extrêmement limité d’officiers de métier.
Les officiers de milice devaient cependant consacrer un temps sous les drapeaux
bien supérieur à celui des simples soldats, selon le principe du
« paiement de galons » mis en place à partir de 1880. Si
théoriquement, la possibilité d’accéder à un poste d’officier était donc ouverte
à tous, le manque à gagner occasionné tendait à favoriser l’accession à ces
postes de citoyens disposant de revenus relativement confortables, comme les
employés de commerce, les instituteurs, les universitaires ou les membres des
professions libérales. De fait, à partir d’un certain seuil, ce système
n’allait pas sans rappeler par certains aspects le cursus honorum romain, l’appartenance aux élites politiques et
économiques du pays allant souvent de pair avec un poste d’officier. Nombre de
parlementaires fédéraux étaient par exemple aussi officiers de milice. Ainsi,
le prestige de la fonction et l’ascenseur social qu’elle pouvait représenter
firent que l’armée ne manquait pas de candidats désireux de grader.
Doctrine et tactique
Outre
la réorganisation de son ordre de bataille et une modernisation de son
artillerie, l’armée vit aussi ses tactiques se modifier durant la décennie
précédant la guerre mondiale. L’impact de la guerre russo-japonaise fut à cet
égard important, et ce d’autant plus que la Suisse avait dépêché des
observateurs militaires auprès des belligérants. Un nouveau règlement militaire,
intégrant certaines leçons tirées des affrontements entre armées impériales
japonaise et russe, fut donc adopté en 1908. L’accent était mis sur l’usage de
l’ordre dispersé et de lignes de tirailleurs, ainsi que sur la mise à profit
des couverts offerts par le terrain, afin de minimiser l’impact du feu sur
l’infanterie, qui s’était avéré particulièrement dévastateur pour les colonnes
de soldats nippons avançant en ordre serré lors du siège de Port-Arthur.
Les
dirigeants de l’armée étaient partagés entre deux écoles de pensée antagonistes
quant au système d’instruction et de sélection des cadres. L’école
« nouvelle », et dont l’une des figure de proue était le colonel
Ulrich Wille, prônait l’adoption du modèle « prussien », et
préconisait l’usage du drill et une sélection des officiers intégrant leur
origine sociale tout en accroissant les exigences en terme de compétence
militaire et en élargissant leur marge décisionnelle par l’adoption de l’Auftragstaktik. La seconde école, dite « nationale », se voulait plus
égalitaire et souhaitait imposer aux candidats de servir au préalable comme
sous-officiers. In fine, ce fut l’école « nouvelle » qui se
révéla la plus influente au sein de l’institution, la marquant pour plusieurs
décennies. De fait, durant la guerre, les plaintes de soldats portant sur un
usage excessif du drill et une attitude perçue comme irrespectueuse de la part
de leurs officiers ne furent pas rares.
La neutralité Suisse
fut reconnue par les grandes puissances européennes dès le congrès de Vienne en
1815. En 1907, la conférence de paix de la Haye réglementa plus précisément les
droits et devoirs des Etats neutres. Investis de la responsabilité d’empêcher
l’usage de leurs territoire par une puissance tierce, ceux-ci étaient libres,
en réaction à une agression, de s’allier militairement avec d’autres
belligérants. Percevant la France comme le pays le plus susceptible de violer
la neutralité suisse en cas de guerre, des hauts gradés entretinrent dans les
années précédant le conflit des rapports informels avec des officiers allemands
et austro-hongrois, destinés à faciliter une éventuelle collaboration en cas
d’agression française, alors que l’inverse n’était pas vrai et qu’aucune
conversation de ce type ne fut menée avec l’armée française avant 1914. Cette
asymétrie pouvait partiellement s’expliquer par la germanophilie notoire
d’hommes comme le colonel Ulrich Wille, mais aussi parce que l’état-major
impérial allemand avait depuis longtemps opté pour une offensive contre la
France orientée au Nord, dans le cadre du plan Schlieffen. Dans ce contexte, la
visite de Guillaume II en 1912, à l’occasion de manœuvres menées par l’armée
suisse, visait entre autres à s’assurer que cette dernière était suffisamment
puissante pour empêcher une avance rapide des troupes françaises à travers le
territoire suisse, susceptible de contrarier la mise en place du plan
Schlieffen, qui imposait que les gros la Deutsches Heer soient
concentrés bien plus au Nord. A cette occasion, le Kaiser aurait déclaré au
colonel Wille que l’armée suisse ferait économiser 300'000 hommes à son
homologue allemande.
Carte postale illustrant la visite du Kaiser en 1912 (via www.switzerland1914-1918.net) |
La doctrine suisse
postulait que l’armée devait sembler suffisamment puissante pour empêcher un
belligérant de prendre son adversaire au dépourvu au moyen d’une avance rapide
à travers le territoire de la Confédération. Force est de constater que cet
objectif fut largement atteint dans les années précédant la guerre. En effet,
les comptes rendus d’observateurs militaires étrangers, français et anglais
pour l’Entente ou encore allemands et austro-hongrois pour les Empires
centraux, tendirent à accorder une crédibilité certaine à l’armée suisse, tout
en se montrant parfois critiques, spécialement à l’égard de ses officiers, dont
ils estimaient les compétences comme inférieures à celle de leurs homologues étrangers,
et ce particulièrement dans la conduite de grandes unités. Cette perception
s’expliquait sans doute par le fait que, depuis 1859, date de l’entrée en vigueur de la loi proscrivant
l’enrôlement des Suisses dans le service étranger, et mettant ainsi fin à une
longue tradition, le pays ne disposait plus d’officiers ayant l’expérience de
la conduite d’hommes au combat. En revanche, il est aussi probable que ces
observateurs, officiers de carrière, aient également éprouvé un certain dédain
pour des officiers de milice, bien qu’à contrario, cette particularité suisse
ait aussi joué en sa faveur grâce aux descriptions enthousiastes que put faire
de l’armée suisse un Jaurès, pour des raisons éminemment politiques.
Face à la montée des
périls, le Conseil fédéral ordonna la mobilisation générale le 1er
août 1914, alors que deux jours plus tard, l’Assemblée fédérale lui confiait
les pleins pouvoirs pour la durée du conflit. Dans le même temps, l’assemblée
attribua à Ulrich Wille le poste de chef de l’armée, lui faisant accéder au
titre de général, alors que le colonel Theophil
Sprecher von Bernegg était nommé chef d’état-major. Du 3 au 7 août, près de
220'000 hommes furent mobilisés.
Courant
août, l’armée fut concentrée dans le Nord-Ouest du pays. Ce dispositif, qui
perdura peu ou prou durant toute la guerre, prit le nom d’occupation des
frontières, et permettait au gros des troupes d’être facilement redéployé pour
faire face alternativement à une menace allemande ou française. Dans le détail,
trois divisions, flancs-gardées par des unités de cavalerie et de la Landwehr, étaient
échelonnées entre Bâle et Les Rangiers. Trois autres divisions, concentrées
dans le quadrilatère constitué par les villes de Guin, Berne, Bienne et Soleure
constituaient une réserve d’armée relativement puissante, apte à
contre-attaquer dans le cas où le dispositif aux frontières était percé. Enfin,
les quatre brigades de montagnes, stationnées dans les cantons du Tessin, du
Valais et des Grisons, couvraient les Alpes.
Puis,
dès le mois de septembre 1914, l’armée diminua le
nombre de ses troupes en service actif. Outre le fait que l’économie nationale
ne pouvait supporter indéfiniment l’absence de la main d’œuvre mobilisée, il
était devenu claire pour l’état-major suisse que le centre de gravité sur le
front Ouest se situait bien plus au Nord, dans les Flandres, et que la menace
s’était donc réduite, et ce d’autant plus que les lignes s’étaient stabilisées
en Haute-Alsace. Durant les quatre années qui suivirent, le nombre d’hommes en
service actif varia considérablement en fonction de l’appréciation du danger
par les autorités politiques et militaires du pays. Le nombre d’hommes sous les
drapeaux passa ainsi de 38'000 à plus de 100'000 à la fin de 1916, avant de
fortement diminuer pour atteindre 12'500 soldats dans les derniers mois de la
guerre, avant de remonter à 100'000 hommes du fait de la grève générale de 1918.
Conclusion
Comme la plupart des
Européens, les Suisses ne perçurent pas le changement de paradigme lié à
l’avènement de la guerre dite totale, soit l’opposition non plus d’armées en
campagne, mais de sociétés entières. Le pays s’était donc préparé à des
conflits courts comme le montre la commande des 24 pièces de montagne passée à
Krupp en 1906. En effet, le stock de munitions inclus dans le contrat était de
900 obus par canon, alors que la pratique démontra que durant certaines périodes
d’affrontement intensif, la consommation quotidienne d’un 75 français pouvait
atteindre 1'000 obus. Durant toute la guerre, l’artillerie helvétique se trouva
ainsi confrontée à une pénurie de munitions que l’industrie locale ne parvint
pas à résorber faute de matières premières. Le fait que les stocks de céréales
ne permettaient l’approvisionnement de l’armée que pour deux mois illustre
également cette impréparation. Enfin, il n’existait pas de système universel de
compensation de la perte de gains pour les hommes mobilisés, qui ne touchaient
qu’une solde minime, alors que par exemple, un soldat de l’infanterie passa en
moyenne 608 jours sous les drapeaux durant la guerre. Cette dernière lacune ne
manqua pas d’avoir des conséquences dramatiques pour les familles de soldats issus
des classes populaires, privées de revenus suffisants du fait de l’absence du
mobilisé alors que trois ans et demi après le début des hostilités, l’index des
prix à la consommation avait plus que doublé tandis que le revenu moyen
diminuait de 25 à 30 %. Ce facteur facilita sans doute l’émergence de comités
de soldats antimilitaristes en Suisse
alémanique à partir de 1917. Enfin, la
réputation pro-germanique plus ou moins justifiée d’une partie des cadres de
l’armée engendra une méfiance certaine dans la population suisse-romande du
pays, plus sensible au point de vue de Paris de par sa proximité linguistique.
Ainsi, l’émotion en Suisse romande fut particulièrement vive lorsque, en 1916,
deux officiers d’Etat-major n’encoururent qu’une peine disciplinaire symbolique
après avoir été convaincus d’avoir livrés des informations confidentielles aux
attachés militaires allemands et austro-hongrois.
Carte postale présentant une vision idyllique du soldat rentrant au foyer (via www.switzerland1914-1918.net) |
Par
ailleurs, le pays, dépourvu de matières premières et très dépendant de ses
échanges avec l’extérieur, fut durement touché par les restrictions au commerce
imposées par les belligérants. Les Alliés en particulier se montrèrent particulièrement
soucieux d’éviter que la Suisse ne présente une brèche dans le blocus imposé
aux Empires centraux. Si une partie de la population s’accorda relativement
facilement avec ce climat de pénuries, à commencer par la paysannerie, celui-ci
frappa durement la classe ouvrière, bientôt rejointe par les petites classes
moyennes. Ce contexte troublé affecta de manière différenciée les secteurs de
l’économie ; alors que l’industrie du tourisme s’effondrait, certaines
entreprises exportatrices réalisaient des profits faramineux en répondant aux
besoins gargantuesques des pays en guerre. Ces tensions, en partie inévitables,
furent aggravées par le Conseil fédéral qui tarda à intervenir et à prendre des
mesures régulatrices. In fine, les
conditions de plus en plus dures subies par une partie de la population contribuèrent
au déclenchement d’une grève générale en novembre 1918, suivie durant quelques
jours par près de 250'000 personnes. A cette occasion, le gouvernement fit
appel à l’armée, qui déploya notamment 8'000 hommes dans les rues de Berne et
de Zürich.
L’impréparation
conceptuelle des élites politico-militaires du pays ne manqua donc pas d’avoir
un impact de long terme sur l’armée. Son emploi contre les grévistes
approfondit par exemple le fossé la séparant
des mouvements de gauche. En revanche, en matière de gestion de l’économie
nationale, les erreurs commises servirent de leçons qui furent mises à profit
durant la Seconde guerre mondiale, évitant ainsi à la population une partie des
épreuves subies entre 1914 et 1918.
Bibliographie
Jean-Jacques
Langendorf et Pierre Streit, Face à la
guerre, l’armée et le peuple suisse, 1914-1918 / 1939-1945, Infolio, 2007
Hervé
de Weck, La Suisse peut-elle se défendre
seule ?, Editions Cabédita, 2011
Dimitry
Queloz, L’Escadre de surveillance et la
neutralité aérienne de la Suisse 1933-1941, Centre d’Histoire et de
Prospective Militaires, 2012
Pierre
Streit, Histoire militaire suisse,
infolio, 2006
Hans-Rudolf
Kurz, Histoire de l’armée suisse, de 1815
à nos jours, Editions 24 heures, 1985
François
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création de la Suisse moderne (1830-1930), Tome 4, Editions Alphil, Presses
universitaires suisses, 2010
Adrien Tschumy, « La défense militaire du
Simplon au XXe siècle », Revue historique des armées, 243 | 2006, [En ligne], mis en ligne le
01 décembre 2008. URL : http://rha.revues.org/5052. Consulté le 11 juillet
2013.
Divers entrées du Dictionnaire historique de la Suisse, URL :
http://www.hls-dhs-dss.ch/index.php
Organisation des unités de mitrailleuses dans
l’Armée allemande in Les mitrailleuses du premier conflit mondial,
URL : http://mitrailleuse.fr/Allemandes/Organisation/Organisation.htm
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