Dimitry Queloz est docteur ès lettres de
l'Université de Neuchâtel et est l'auteur d'une thèse sur la doctrine tactique
de l'armée française de la Belle Epoque, récompensée par les prix 2007 de
l'Association suisse d'histoire et de science militaire et de la Société
jurassienne des officiers. Celle-ci a été publiée aux éditions Economica sous le titre de De la manoeuvre napoléonienne à l'offensive à outrance. La tactique générale de l'armée française. 1871-1914. Il anime également le blog Blogdefense.overblog.com
où il propose principalement des recensions, compte-rendus et interviews.
Publié par le Centre d'Histoire et de
Prospective Militaires en 2012, préfacé par Christophe Keckeis, ancien chef de
l'armée suisse entre 2003 et 2007, L'Escadre de surveillance et la
neutralité aérienne de la Suisse 1933-1941 est un ouvrage court, d'un peu
moins de 200 pages, subdivisé en sept chapitres couvrant une période
s'étendant, contrairement à ce que laisserait penser son titre , du
début du XXe siècle jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le point fort du livre est de présenter de
manière chronologique et unifiée des thèmes interagissant étroitement les uns
avec les autres mais qui tendraient habituellement à faire l'objet de
publications séparées. Il offre donc au lecteur la possibilité de se
familiariser à la fois avec la genèse et les premières décennies d'existence de
l'aviation militaire suisse, la manière dont la politique de défense était
élaborée dans le pays mais aussi les problématiques initialement suscitées par
la nécessité de définir concrètement ce qu'était la souveraineté d'un Etat sur
son espace aérien alors que l'aviation était encore une technologie
balbutiante. Il est par exemple très intéressant de constater que les conceptions
originales comprenaient des proposition de reprises du droit maritime supposant
que cette souveraineté ne s'exerce que jusqu'à une certaine altitude, ce qui
constituait un lointain héritage du temps où les eaux territoriales d'un pays
s'étendaient aussi loin que la portée des canons de ses batteries côtières, ou
encore qu'un droit d'escale de 24 heures serait accordé à un avion belligérant
se posant sur le sol d'un Etat neutre.
Ce livre satisfera également le pur
passionné d'histoire de l'aviation militaire dans la mesure où il détaille de
manière détaillée le développement de cette arme en Suisse et les immenses
difficultés que ses responsables rencontrèrent pour ce faire. Ces dernières
étaient d'ordre budgétaire mais illustrent également les contraintes que
subirent les petits pays pourvus de capacités industrielles limitées pour mener
leurs programmes de réarmement dans les années précédant la Seconde Guerre
mondiale, alors que les grandes nations privilégiaient leurs propres besoins
pour des raisons évidentes. A une époque où il ne paraît pas abscond qu'un Chef
d'Etat puisse faire office de VRP pour engranger une commande d'avions de
combat produits par son pays, rappeler qu'en cas de graves tensions
internationales, la demande peut soudainement devenir supérieure à l'offre
n'est sans doute pas inutile. Enfin, l'ouvrage de Dimitry Queloz relate une
autre contrainte très spécifique qui pesait sur l'aviation militaire suisse, à
savoir le principe de la milice, voulant que ses unités devaient être mobilisées
pour être opérationnelle, ce qui s'avérait évidemment très problématique pour
assurer les missions de police aérienne en temps de paix. C'est de ce constat
que naîtra, après bien des tergiversations, l'Escadre de Surveillance, composée
de militaires professionnels, en 1941. Ironiquement, un peu plus de soixante
ans plus tard, les forces aériennes suisses dans leur ensemble deviennent de
plus en plus semblables à ce qu'était l'Escadre de surveillance avec la
disparition progressive des escadrilles de milice.
Bref, L'Escadre de surveillance et la
neutralité aérienne de la Suisse 1933-1941 est un ouvrage indispensable
pour toute personne intéressée de près ou de loin par l'histoire de l'aviation
suisse, et ce d'autant plus qu'il s'agit bien là d'un domaine ayant fait
l'objet de bien peu de publications, si l'on fait abstraction des albums
destinés surtout à combler les afficionados
de belles images et en général avares en analyses.
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