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samedi 5 novembre 2011

Le réduit en perspective


Introduction

     Durant les dernières décennies, le rôle joué par l’armée suisse dans le maintien de la neutralité du pays durant la deuxième guerre mondiale a été l’objet d’une nécessaire remise en question.  Les travaux de différents historiens, puis ceux de la commission Bergier, ont détaillé de manière approfondie les mécanismes de collaboration économique entre les puissances de l’Axe et la Confédération. Ceux-ci ont, de facto, eu pour effet de casser le mythe entretenu durant les années qui suivirent la guerre, celui d’une Suisse héroïque parvenue à dissuader une invasion allemande uniquement grâce aux vertus martiales de son armée et de sa population. 

     Malheureusement, le débat historique fut bien vite réduit à de stériles postures politiques, abondamment reprises par les médias. Cette situation a généré le déni réciproque des éléments  amenés par « l’autre camp ».  On a ainsi vu le rapport Bergier voué aux gémonies dans des écrits qui n’amenaient pourtant pas réellement de contradiction factuelle, et dans le même temps, une institution entière, l’armée,  réduite à l’état de cache-sexe des financiers et industriels suisses.   Si l’on part du principe qu’un événement historique ne s’explique que rarement par un seul facteur, mais plutôt par un enchevêtrement de causes variées, et que,  donc, des perspectives différentes ne sont pas forcément antagonistes, mais peuvent être aussi complémentaires, on ne peut que regretter cette situation. Au lieu de faire progresser le débat historique, le risque existe de substituer un mythe à un autre ; de l’héroïque armée qui fit reculer Hitler, on passerait à celle abandonnant sciemment la population aux nazis en cas d’invasion dans le seul but d’alimenter en main d’œuvre les usines exportant des armes vers l’Allemagne. 

     De nos jours, la connaissance de la chose militaire est devenue superflue aux yeux de beaucoup. Depuis la chute du mur de Berlin, le risque que l’Europe soit victime d’une nouvelle guerre conventionnelle est devenu insignifiant. Nous faisons parties de générations bénies qui n’ont plus de raisons pressantes de s’intéresser aux choses de la guerre parce que celle-ci ne peut plus, à priori,  réellement nous frapper.  Mais, tenter de juger les choix de l’armée entre 1939 et 1945 ne peut se faire sans les replacer aussi dans une perspective militaire. Or, il faut bien admettre que certains tenants de l’ histoire critique s’affranchissent allégrement de cette contrainte.  Cet article tente donc d’évaluer la stratégie du réduit dans une perspective limitée strictement au plan militaire. Il n’essaie donc pas de trancher le nœud gordien que représenterait la détermination d’une cause unique ayant permis à la Suisse d’être épargnée par le conflit armé le plus meurtrier du XXIème siècle, mais tente plus simplement de contribuer à ce vieux débat en présentant quelques éléments qui, bien que déjà connus, méritent sans doute d’être rappelés, à savoir le contexte militaire dans lequel la décision de mettre en place le réduit à été prise.  Par contre, il n’est pas fait mention des plans  allemands, ni de leur évaluation de l’armée suisse, dans la mesure où les dirigeants helvétiques n’en avaient pas connaissance au moment où le réduit fut mis en place.  Enfin, les aspects liés au moral de la troupe ne sont pas mentionnés, en partie parce que le sujet est complexe, et en partie parce la notion de « moral » telle qu’elle était comprise dans les années 40 a été fortement relativisée par la recherche en histoire militaire depuis la fin de la guerre. 

Adrien Fontanellaz, octobre 2011


I. La stratégie suisse de septembre 1939 à mai 1940

     Dès la mobilisation, en septembre 1939, les trois corps d’armée que comptait  alors l’armée suisse furent déployés afin de couvrir l’ensemble du territoire national, l’état-major gardant deux divisions en réserve. Moins d’un mois plus tard, le dispositif changea complètement, et l’armée se redéploya le long de la ligne de la Limmat. Ce changement indiquait clairement que, pour l’état-major suisse, le IIIème Reich était la menace principale. 
    Pour expliquer ce repositionnement des troupes confédérées, il convient de revenir brièvement sur la situation stratégique durant la « drôle de guerre ». La France avait fait le choix de la défensive. Sur le long terme, le temps jouait en effet en faveur des Alliés ; l’Allemagne ayant débuté son réarmement plus tôt, elle bénéficiait d’un avantage militaire transitoire qu’elle devait mettre à profit pour vaincre les Alliés rapidement, avant que les atouts économiques de ceux-ci ne fassent peser la balance trop lourdement en leur faveur.
    Une offensive majeure de la Wehrmacht contre la France était donc très probable, d’autant plus que la doctrine allemande prônait la recherche de la victoire par l’anéantissement des forces ennemies en une campagne décisive.  La France avait consenti, dans la première moitié des années trente, à d’énormes investissements dans la construction de la ligne Maginot, une série de fortifications couvrant sa frontière avec l’Allemagne.  En cas d’offensive, la Heer avait un intérêt évident à éviter celle-ci en la contournant ; une attaque frontale risquait en effet de dégénérer en bataille d’attrition.  L’armée allemande avait deux possibilités pour déborder la ligne Maginot ; par le Nord en traversant la Belgique ou par le Sud en passant par la Suisse, avant de déboucher sur les arrières des fortifications françaises. Les deux cas impliquaient le viol de la neutralité d’un état.

L’ordre d’opération 4 ; la tracé rouge correspond à la Limmatstellung (carte disponible sur www.schweiz1940.ch)

      C’est donc pour parer à cette éventualité que le gros de l’armée suisse fut déployé le long de la Limmatstellung, qui partait du plateau du Gempen dans le Jura, traversait l’Aare, suivait ensuite le cours de la Limmat, puis s’appuyait successivement sur les rives du lac de de Zürich, du canal de la Linth, du lac de Walenstadt, avant de s’ancrer dans le complexe fortifié de Sargan dans le canton de St-Gall .  Faute d’effectifs suffisants l’armée renonçait donc à tenir fermement la partie de la Suisse orientale située entre la frontière et la Limmatstellung.  Cet espace était cependant défendu par des  brigades de frontière, appuyés par des détachements de démolition et des unités territoriales, chargés de gagner le temps nécessaire pour permettre au gros de l’armée d être mobilisé et de rejoindre ses positions. 
     Après la création d’un corps d’armée supplémentaire le 1er janvier 1940 pour encadrer des unités alors directement placées sous les ordres de l’état-major général, la position Limmat était défendue par les 2ème, 3ème et 4ème corps d’armée et la division ad hoc Gempen qui couvrait Bâle avec la brigade frontière 3. Ces trois corps incluaient sept divisions, trois brigades légères, six brigades frontière et une brigade de montagne. Chaque division devait en moyenne tenir un front de dix kilomètres.
     Le 1er corps, chargé de la défense des Alpes face à l’Italie, comprenait une division et deux brigades de montagne ainsi qu’une brigade de frontière. Enfin, une autre division ad hoc, Morat, couvrait le Jura avec les Brigades frontière 11 et 12. La seule réserve d’importance dont l’état-major disposait était la division d’infanterie 2, stationnée dans la région de Bienne. Cette absence de réserves constituait un danger en cas de percée de la Limmatstellung, comme l’illustre le tableau A.

A.   Répartition des grandes unités de l’armée en avril 1940


Limmatstellung
Reste du pays
Total
Brigades
10
5
15
Divisions
7
2
9
Compilé selon données disponibles sur www.schweiz1940.ch

     L’état-major général suisse était conscient de cette faiblesse. Depuis plusieurs années, des contacts informels avaient lieu entre officiers suisses et français portant sur la possibilité d’acheminer des troupes françaises en renfort en cas d’attaque allemande. Cette hypothèse reposait sur des intérêts convergents ; les militaires suisses considéraient leur capacité à repousser une offensive allemande comme limitée, alors que leurs homologues français reconnaissaient le besoin vital de sécuriser le flanc sud de la ligne Maginot. Pour eux, aider la Confédération à stopper les Allemands sur la Limmatstellung demanderait moins d’effectifs que de défendre l’ensemble de la frontière entre les deux pays dans le cas où la Wehrmacht parviendrait à percer le dispositif suisse. Après la déclaration de guerre, ces contacts informels évoluèrent en une planification opérationnelle beaucoup plus précise.  En avril 1940, le VIIème corps d’armée français fut chargé d’occuper le plateau de Gempen si les Suisses en faisaient la demande. Il disposait à cet effet de deux divisions d’infanterie et d’une brigade motorisée. Ces unités devaient permettre de protéger l’acheminement du « lot suisse » ;  l’ensemble des troupes françaises devant entrer dans le pays en cas d’attaque allemande.
II. Le coup de faucille     
     La situation stratégique de la Suisse allait se trouver radicalement altérée par la grande offensive allemande de mai 1940.  Dans un premier temps, le groupe d’armée B de la Wehrmacht, simulant une réédition du plan Schlieffen de 1914, attaqua la Belgique et les Pays-Bas. Cette manœuvre correspondait aux prévisions des états-majors alliés. Les meilleurs formations françaises  entrèrent donc en Belgique pour stopper les Allemands. Il ne s’agissait cependant que d’une diversion masquant l’axe de l’attaque principale. Simultanément, et pour accroître la confusion chez l’adversaire, la 7ème armée allemande, qui, avec quatre divisions, couvrait le secteur entre Karlsruhe et la frontière suisse simulait les préparatifs d’une attaque contre la Confédération à l’aide de faux mouvements ferroviaires, d’ états-majors fictifs, de  déplacements de troupes en vue des sentinelles helvétiques et à la diffusion la nuit par haut-parleurs d’enregistrements de bruits de colonnes blindées.  En Suisse, la mobilisation générale fut décrétée le 11 mai 1940.
     Le rideau se leva quant, le 12 mai, sept Panzerdivisionen et trois divisions mécanisées commencèrent à déboucher du massif des Ardennes face à Sedan. Le 13 mai, les troupes allemandes,  appuyées par une attaque massive de la Luftwaffe, réussirent à franchir la Meuse et à percer le front français défendu par des formations de second ordre.  Les blindés s’élancèrent ensuite en direction des côtes de la Manche, et arrivèrent le 24 mai à quinze kilomètres de Dunkerque, sans que les contre-attaques françaises et britanniques désordonnées ne soient parvenues à entraver leur progression.  La meilleure partie des armées alliées se trouvait encerclée.
     Après la prise de Dunkerque onze jours plus tard, la Wehrmacht entra dans la deuxième phase des opérations et attaqua la ligne Somme-Aisne hâtivement établie par le général Weygand.  L’armée française avait changé de tactique et abandonné son ancienne défense linéaire et statique.  Les unités françaises  se formaient en  «hérissons » échelonnés en profondeur dans les localités et les petits bois.  Les Allemands parvinrent finalement à percer ce dispositif après de très violents combats et au prix de lourdes pertes. Le 10 juin, l’Italie entrait dans le conflit, et le 17, le XIXe Korps motorisé du général Guderian atteignait la frontière suisse, scellant l’encerclement des troupes françaises chargées de la protection de la ligne Maginot. L’armistice fut signé le 22 juin 1940. L’ armée considérée comme la meilleure du monde avait été vaincue en moins de deux mois, entraînant dans sa chute les piliers sur lesquels s’appuyait la stratégie militaire helvétique. 
III. L’armée suisse en 1940
Ordre de bataille
     Le commandement suisse dut faire face à cette situation en tenant compte de l’évolution de la guerre et des armées y prenant part, mais devait aussi prendre en considération les caractéristiques de l’outil dont il disposait. C’est pourquoi une brève description de l’armée dans les mois précédents le choc de mai 1940 s’avère nécessaire.  Le tableau B indique le nombre d’unités de l’armée par type.
A.   Ordre de bataille de l’armée par types d’unités


Brigades frontière

9

Brigades légères

3

Brigades de montagne

3

Divisions d’infanterie

6

Divisions de montagne

3
Compilé selon données disponibles sur www.schweiz1940.ch
     Le système de milice propre à la Suisse permettait au pays de lever rapidement une armée d’une taille importante.  Mobilisée, elle comptait environ 630'000 hommes, dont un tiers était affecté aux services. Cela représentait près de 15 % de la population du pays. La totalité des troupes ne pouvait,  de ce fait, pas rester sur un pied de guerre longtemps, car l’économie se trouvait rapidement affectée par une pénurie sévère de main d’œuvre. Neuf brigades frontières étaient donc chargées de gagner le temps nécessaires à la mise en place du reste de l’armée en cas d’attaque.  Les 24 tanks dont disposait l’armée étaient répartis dans les trois brigades légères. Outre les unités mentionnées dans le tableau B, l’armée pouvait compter sur des troupes territoriales, organisées en bataillons et en régiments autonomes.  Comme dans la plupart des pays occidentaux, ces formations tendaient à être structurées sur une base ternaire ; trois compagnies constituaient un bataillon, trois bataillons formaient un régiment, et trois régiments une division. Aucune grande unité de l’armée n’était intégralement motorisée, ce qui réduisait leur vitesse de déplacement à celle des chevaux utilisés pour tracter les pièces d’artillerie.  Enfin, il convient d’ajouter à l’ordre de bataille helvétique les garnisons des ensembles fortifiés du pays, concentrés principalement dans les zones de Sargans, du Gothard et de St-Maurice.
Le réarmement
     Dans le années vingt, le pacifisme universel résultant des massacres de la Première Guerre mondiale et l’absence de tensions graves sur la scène européenne causèrent une diminution considérable des budgets attribués à la défense.  Sous-financée, l’armée vécut en partie sur les stocks accumulés durant les années de guerre. La situation évolua radicalement dans les années trente, avec la montée des périls liée à l’avènement de Hitler en Allemagne et les postures de plus en plus belliqueuses adoptées par le régime fasciste italien, et des sommes importantes furent allouées au rééquipement de la troupe. Mais les fonds disponibles n’étaient pas le seul obstacle au processus de réarmement. Il fallait d’abord compter sur un délai de plusieurs années entre la sélection d’une arme et sa mise en service.  Le contexte politique international avait lui aussi un impact sur les achats d’ armements à l’étranger. Ainsi, seuls 24 des 300 chars commandés en Tchécoslovaquie purent  être livrés, à cause de la crise des Sudètes et de ses conséquences. D’autre part,  plus la probabilité d’une guerre généralisée augmentait, et plus les états étaient réticents à exporter des équipements dont ils avaient besoin pour leurs propre armées.  Les résultats de l’effort suisse ne furent pourtant pas négligeables ; 830 exemplaires du canon d’infanterie de 47 mm furent ainsi introduits auprès de la troupe entre 1931 et 1939.
L’infanterie
     Avec une dotation de douze fusils-mitrailleurs par compagnie, l’infanterie disposait d’une puissance de feu comparable à celle que l’on pouvait trouver dans les armées étrangères. Les compagnies d’infanterie d’un bataillon bénéficiaient du support des seize mitrailleuses lourdes et des quatre lances-mines de 80 mm de la compagnie d’appui. Celle-ci incluait également deux canons de 47 mm, capables de tirer des obus antipersonnels ou anti-chars. Ceux-ci représentaient une menace mortelle pour la plupart des tanks en service dans le monde en 1940. Afin de mettre ces chiffres en perspective, le tableau C compare les dotations d’un régiment d’infanterie suisse avec le régiment d’infanterie motorisé Grossdeutschland , un régiment d’infanterie d’active français et un régiment d’infanterie italien. Le régiment Grossdeutschland était doté en sus de six canons d’assauts automoteurs, mais cela restait exceptionnel dans la Wehrmacht. Les Suisses, les Français et les Italiens n’avaient par contre pas d’équivalent aux dix obusiers du régiment allemand.  Globalement, l’unité suisse disposait d’une puissance de feu comparable à ses homologues étrangères, bien que l’image donnée par ce tableau soit incomplète car il ne tient pas compte  de l’appui-feu que pouvait apporter le régiment d’artillerie divisionnaire. 
 
B.   Dotations régimentaires en armes d’appui




Régiment

suisse

Régiment

Grossdeutschland

Régiment

français

Régiment italien

Mitrailleuses lourdes

48

36

48

24

Mortiers légers (lance-mines) de 45 à 60 mm



27

9

54

Mortiers moyens (lance-mines)  de 81 mm

12

18

8

6

Canons d’infanterie/anti-char, de 25 à 65 mm

6

12

12

4

Obusiers de 75 mm



6





Obusiers de 150 mm



4




Compilé selon données disponibles sur www.schweiz1940.ch, enpointe.perso.infonie.fr, Green Jack, Massignani Alessandro et Blennemann Ulrich, Mare Nostrum :The War in the Mediterranean, Jack Green, 1990 et Frieser Karl-Heinz, le mythe de la guerre-éclair, Belin, 2003.
      L’artillerie
     Au 31 août 1939, l’artillerie de campagne helvétique comptait 935 pièces de calibre égal ou supérieur à 75 mm.  La conception de la plupart d’entre elles était antérieure au premier conflit mondial, et même si elle firent l’objet de modernisations, leurs performances restaient inférieures à des modèles plus lourds et plus récents, comme le canon de 105 mm dont 84 exemplaires avaient été pris en compte par l’armée.  La Suisse n’était pas un cas isolé en la matière; les parcs d’artillerie français et italiens comptaient aussi d’immenses stocks de canons entrés en services durant les vingt premières années du siècle.  Par contre, la Wehrmacht se démarquait car elle avait dû reconstituer son artillerie ex-nihilo depuis le début des années trente, à cause des clauses du traité de Versailles qui restreignirent drastiquement la taille des ses arsenaux tout au long des années vingt. Ses canons étaient en moyenne d’un calibre supérieure et plus récents que ceux des autres armées.  Le tableau D illustre les dotations de l’artillerie d’une division d’infanterie « modèle » dans les différentes armées.
A.   Artillerie divisionnaire
 



Division

suisse

Division

allemande

Division

française

Division

italienne

Canons ou obusiers de 75 mm

36



36

24

Canons ou obusiers de 100 à 105 mm

8

36



12

Canons ou obusiers de 150 à 155 mm



12

24



Total

44

48

60

36
Compilé selon données disponibles sur www.schweiz1940.ch, enpointe.perso.infonie.fr et niehorster.orbat.com
     Ces canons étaient concentrés dans un régiment d’artillerie inclu dans l’organigramme divisionnaire, à l’exception des divisions françaises qui en comptaient deux. Enfin, une division italienne n’avait que sept bataillons d’infanterie au lieu de neuf dans les autres pays ; le nombre de canons par fantassin n’était donc pas aussi défavorable que le tableau D ne le laisserait supposer. Enfin, dans toutes ces armées, des unités d’artillerie autonomes étaient attachées aux corps d’armée, qui pouvaient les allouer à une division si le besoin s’en faisait sentir.  En conclusion, l’armée suisse disposait d’une artillerie, qui, bien que légèrement inférieure à celle des autres armées européennes, restait respectable.  
La défense anti-aérienne
     A la mobilisation du 1er septembre 1939,  les déficiences en matière de défense anti-aérienne étaient abyssales ; l’armée alignait en tout et pour tout sept canons de 75 mm et vingt-quatre canons de 20 mm.  La situation s’améliora durant la « drôle de guerre » car, à la fin du mois de mai 1940, la DCA helvétique comprenait une quinzaine de batteries légères, avec une dotation théorique de douze canons de 20 mm chacune, et six batteries lourdes (à six tubes de 76 mm par batterie). Enfin, de nouvelles pièces de 34 mm commençaient à entrer en service.  Malgré cette montée en puissance, les effectifs disponibles restaient totalement insuffisants ; concentrés, ils n’auraient permis de défendre convenablement que quelques points précis alors que leur dispersion aurait drastiquement réduit leur efficacité.  En effet, avant l’avènement des conduites de tir guidées par radar, il fallait tirer des milliers de projectiles pour détruire un avion. 
L’aviation
     Début mai 1940, l’aviation suisse comptait vingt-et-une compagnies d’aviation opérant depuis une douzaine d’aéroports. Celles-ci étaient réparties en douze compagnies de chasse et neuf compagnies de reconnaissance et de bombardement léger. Approximativement un tiers des 286 avions de combat de l’armée était consigné dans des dépôts, le solde étant répartis au sein des compagnies d’aviation.    
    La chasse était correctement équipée ; la moitié de ses compagnies alignait des Me-109E qui étaient  alors le meilleur appareil en Europe avec les Spitfires anglais. Douze exemplaires d’une version plus ancienne et bien moins performante, le Me-109D, étaient aussi présents. Enfin, des Morane-Saulnier 406 français, fabriqués sous licence en Suisse et rebaptisés D-3800, complétaient les inventaires. Ces derniers, bien qu’inférieurs aux Me-109E, restaient des adversaires respectables. En comparaison, les neuf compagnies d’aviation de reconnaissance et de bombardement léger faisaient figure de parents pauvres ; leurs pilotes volaient sur des Dewoitine D-27 et des C-35, tous deux obsolètes.
Doctrine
      Les ordres de bataille et les armements ne suffisent pas à caractériser une armée. Idéalement, ils ne sont que des outils conçus pour mettre en œuvre une stratégie, dont découle une doctrine d’emploi.  Par défaut, la stratégie suisse restait simple ; si elle subissait une agression armée, la Confédération était instantanément libérée de toute obligation liée à son statut de puissance neutre, et pouvait de ce fait passer des alliances militaires. L’armée avait donc pour mission de défendre seule le pays suffisamment longtemps pour permettre à ses nouveaux alliés de se porter à son secours.  Les négociations secrètes entre états-majors suisses et français durant les premiers mois de la guerre avaient ainsi pour objectif principal de limiter au maximum la période durant laquelle l’armée helvétique devrait combattre seule. La vocation de cette dernière était donc avant tout défensive.  
     En septembre 1939, l’armée suisse n’avait pas de doctrine unifiée.  D’une part, parce que son système de milice favorisait une certaine liberté parmi les cadres, mais surtout, parce que l’entre-deux-guerres fut une période de mutations doctrinales, tactiques et technologiques.  Il était extrêmement difficile de trier le bon grain de l’ivraie dans  les concepts qui émergeaient alors. Par ailleurs, même après les avoir identifiés, encore aurait-il fallu pouvoir les concrétiser en une doctrine d’emploi praticable. Paradoxalement, même les institutions militaires à l’origine de ces révolutions peinaient souvent à comprendre totalement les caractéristiques de leurs créations. Le haut-commandement allemand chercha par exemple à freiner l’élan des Panzerdivisionen plusieurs fois durant la campagne de France.  Contrairement aux idées reçues, les militaires des années trente n’étaient pas en retard d’une guerre, mais ignoraient la forme que prendrait la suivante.
     En novembre 1939,  un nouveau manuel fut diffusé dans l'armée suisse; les « Instructions sur la conduite du combat défensif ». Celui-ci définissait une doctrine défensive qui tentait de prendre en compte les enseignements révélés par la campagne de Pologne.  Le principe de la défense en profondeur était préconisé, avec l’échelonnement du dispositif en trois zones. La première était la frontière proprement dite, la seconde une zone intermédiaire, où la progression ennemie devait être ralentie, et la troisième la ligne de défense principale, dite position d’armée, occupée par la majorité du corps de bataille, et où l’adversaire devait être stoppé.  A l’évidence, le concept suisse s’inspirait en partie de la doctrine défensive allemande développée à la fin de la première guerre mondiale puis dans les années vingt et qui s’opposaient au principe de front continu, ou linéaire,  si typique de la guerre des tranchées.  
Un outil imparfait
     L’armée suisse de mai 1940 était un instrument apte seulement à la défense.  Elle ne pouvait espérer, à cause de sa taille,  repousser seule l’attaque d’une grande puissance militaire comme la France ou l’Allemagne que pendant une période limitée et dépendait de l’assistance d’éventuels alliés pour mener une résistance prolongée avec succès.  Son potentiel défensif était diminué par l’absence de formations motorisées d’une taille significative, à l’image d’une DIM (Division d’Infanterie Motorisées) française ou d’une divisione celeri italienne, capables d’intervenir très rapidement pour renforcer un secteur du front risquant d’être rompu.  La petite aviation helvétique et une DCA insuffisante n’étaient pas en mesure de fournir une ombrelle protectrice suffisante au corps de bataille suisse, et les troupes auraient été très vulnérables à des attaques aériennes en cas de déplacement. Enfin, il existait de sérieuses déficiences dans la formation des cadres, et bien souvent, la construction de positions défensives se fit au dépens de l’entraînement de la troupe. La structure même de l’armée lui imposait donc d’éviter d’être entraînée dans une guerre de mouvement pour laquelle elle était inadaptée.
IV. Le réduit
 Au bord du précipice
     L’armée suisse fut prise au dépourvu par la défaite de la France, qui la plaçait dans une situation potentiellement désastreuse. Seul le Jura, faiblement défendu, faisait obstacle aux formations mécanisées allemandes avant  qu’elles ne puissent déboucher sur les arrières du corps de bataille helvétique, concentré le long de la position Limmat. En cas d’attaque, l’armée se serait trouvée prise à front renversé avant même que les premiers coups de feu n’éclatent.
     Ce contexte déjà tendu fut également marqué par l’internement des 41’700 Français et Polonais du 45ième corps d’armée français et surtout de violents combats entre avions suisses et allemands. Plusieurs interceptions de He-111 ayant violés l’espace aérien suisse engendrèrent des opérations de représailles de la Luftwaffe.  Entre le 10 mai et le 8 juin 1940, un  Me-109D et un C-35 furent abattus par les Allemands, alors que les pilotes helvétiques causèrent la destruction de quatre chasseurs Me-110 et quatre bombardiers He-111. 
      A ce moment de la guerre, la Wehrmacht victorieuse était libre de concentrer une part importante de ses 157 divisions où bon lui semblait. Par ailleurs, une offensive allemande risquait  de provoquer une intervention italienne, Mussolini ayant déjà démontré sa propension à « voler au secours de la victoire » pour réaliser des gains territoriaux à faible coût. Le Regio esercito, dont les limitations n’étaient alors pas encore évidentes, disposait de cinq divisions d’Alpini spécialisées dans le combat en montagne qui,  à elles seules, représentaient près de deux fois les effectifs du 1er corps suisse.  Enfin, une démobilisation partielle de l’armée débuta le 7 juillet 1940, à un moment particulièrement inopportun.
     La menace était pourtant encore pire que ce que la disproportion des forces en présence et la situation stratégique ne le laissaient supposer. L’armée allemande gagna la campagne de France en dépit de son infériorité numérique grâce à une série d’innovations tactiques passées à la postérité sous le vocable de Blitzkrieg. Celles-ci consistaient principalement en une concentration des moyens sur un point décisif (Schwerpunkt), dans le regroupement des tanks en unités spécifiques et autonomes, les Panzerdivisionen, dans l’autonomie des formations mécanisées vis-à-vis des unités d’infanterie plus lentes, par l’octroi d’une grande flexibilité aux cadres, qui commandaient de l’avant et pouvaient s’adapter rapidement à une situation fluide (Auftragstaktik), par l’usage massif de la radio qui accroissait la réactivité des unités, et enfin par l’étroite coordination entre unités blindées et aériennes . La Wehrmacht parvint ainsi à imposer à ses adversaires un tempo qu’ils n’étaient pas en mesure de suivre. Ces derniers se trouvèrent donc condamnés à réagir, le plus souvent avec retard, aux initiatives allemandes. L’armée française avait considérablement aidé à sa propre chute par une répartition catastrophique de ses réserves, et par une doctrine centralisatrice à l’extrême, conforme à son concept de « Bataille méthodique », dont découlait ce qu’on appellerait aujourd’hui une tendance excessive au micro management. Or, force est de constater que l’armée suisse partageait certains défauts similaires à ceux de son homologue hexagonale. 
Changement de dispositif
     L’état-major général, durant le mois de juin 1940, redéploya deux divisions et une brigade légère entre Lausanne et Bienne pour couvrir  le Jura, et faire face à la nouvelle menace. Ce glissement du dispositif vers l’Ouest permettait de couvrir l’ensemble du territoire, mais au prix d’un étirement important du front, et donc d’une diminution de sa profondeur. Cette réorganisation garantissait aux Allemands une victoire rapide en cas d’attaque ; il leur aurait suffit de percer les défenses dans le Jura pour déboucher sur le Plateau puis encercler les principales unités suisses.
     Quelques jours plus tard, l’orientation de la stratégie défensive suisse changea radicalement avec les premières discussions d’état-major portant sur la création d’une position centrale dans les Alpes.  Plusieurs esquisses furent soumises au général Guisan entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet. Celles-ci se différenciaient principalement par la taille de la position.  Ce fut finalement l’option d’un dispositif flanqué par les zones fortifiées de Sargans, de Saint-Maurice et du Gothard qui fut choisie. L’ordre d’opération 11 du 12 juillet 1940 consacra l’avènement du réduit, schématiquement  représenté sur la carte ci-dessous.  

1.Position centrale (réduit)  2. Position avancée  3. Zone frontière (carte basée sur als:Benutzer:Senna, via http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:ReduitSchweiz.gif, mais modifiée par l’auteur)
Organisation du réduit
     On retrouve dans l’ordre d’opération 11 le principe de l’échelonnement en trois zones défensives qui caractérisait la Limmatstellung.  Dans le nouveau dispositif, les secteurs frontaliers  étaient occupés par les neuf brigades frontière et une brigade de montagne.  Leur mission restait de couvrir la mobilisation de l’armée en tenant le plus longtemps possible. Une position de couverture, suivait la Limmatstellung avant de s’appuyer sur le Jura bernois et neuchâtelois puis Morat et Bulle, défendait une grande partie du plateau suisse et  servait de bastion à la position des Alpes.  Les quatre divisions et les trois brigades légères (regroupées en une division légère) chargées de la défense de la position avaient pour mission de retarder et d’user l’envahisseur. 
     Le reste de l’armée, soit deux brigades de montagnes et cinq divisions, était stationnée dans le réduit, ou position des Alpes. La finalité  de sa mission était d’infliger un maximum de pertes à l’adversaire et de le priver de l’emploi des transversales alpines. Ces troupes devaient mener des contre-attaques à la moindre occasion. Le tableau E illustre la répartition des unités entre zone frontière, position avancée et position des Alpes.  
B.   Répartition des grandes unités de l’armée selon l’ordre d’opération 11




Brigades

Divisions

Zone frontière

10



Position de couverture



5

Position des Alpes

2

5

Total

12

10
     Par la suite, des effectifs supplémentaires furent transférés de la position de couverture au réduit, alors que ce dernier bénéficiait d’intenses travaux de fortifications. La menace militaire contre la Suisse faiblit progressivement au fur et à mesure que les machines de guerre allemandes et italiennes se trouvèrent engagées sur d’autres fronts.  La Luftwaffe fut engagée dans la bataille d’Angleterre à partir du 10 juillet 1940. La Wehrmacht lança ensuite les opération Marita contre la Yougoslavie en avril 1941 et surtout, le 22 juin 1941, l’opération  Barbarossa ; l’invasion de l’Union soviétique. Dès le premier hiver de la campagne, l’infanterie allemande fut saignée à blanc.
     Cependant, la menace représentée par le IIIème Reich resta bien réelle car il garda la possibilité de libérer des forces suffisamment importantes pour ouvrir un nouveau front contre la Confédération pendant une année encore. Dès 1943, l’engagement de forces de plus en plus importantes sur le théâtre des opérations méditerranéen, la montée en puissance de l’armée rouge et la nécessité de libérer des troupes pour faire face à un débarquement sur la côte atlantique de la Festung Europa ne permirent plus à l’Allemagne de disposer des réserves stratégiques nécessaires pour lancer une attaque contre la Suisse.  

     Quant au Regio Esercito, il se trouva bien vite embourbé dans une guerre contre la Grèce d’octobre 1940 à avril 1941, puis subit une défaite de grande ampleur en Cyrénaïque contre les troupes anglaises entre décembre 1940 et février 1941. L’Italie contribua ensuite massivement à l’effort allemand contre l’URSS en dépêchant sur le front de l’Est le Corpo Spedizione Italiana in Russia.   



Conclusion


     Le réduit national fut une réponse élaborée dans l’urgence pour faire face à une situation militaire complètement bouleversée.  Certes, un repli dans les Alpes après une percée de la Limmatstellung avait été envisagé, mais on était loin de songer à y basculer la position de résistance principale de l’armée. Il convient également de rappeler à quelle vitesse les événements se sont précipités ; l’offensive à l’Ouest de la Wehrmacht débuta le 10 mai et le 22 juin, la France signait l’armistice. La Suisse se trouvait presque totalement encerclée par l’Axe, et seule.  

     L’armée suisse de 1940 était, comparée à son adversaire potentiel le plus dangereux, petite, lente et dépourvue d’ombrelle aérienne suffisante. Même si elle alignait une infanterie raisonnablement équipée et entraînée, elle restait condamnée à la défaite. Pour exprimer les choses crûment, la question pour ses dirigeants n’était pas de trouver un chemin vers la victoire, mais de s’assurer que sa défaite serait la plus coûteuse possible pour l’ennemi.   Parvenir à un tel but impliquait de réussir à neutraliser, par un moyen ou un autre, les caractéristiques qui rendaient la Wehrmacht si dangereuse en 1940.  L’application du principe de défense en profondeur prôné par «les instructions pour le combat défensif» constituait sans nul doute une bonne réponse tactique à une offensive mécanisée, comme le démontra l’armée française, pourtant déjà mortellement affaiblie, sur la ligne Somme-Aisne, ou encore la Wehrmacht elle-même en Normandie quelques années plus tard.


     Mais, défense en profondeur ou pas, le vieil adage qui veut que la force d’une forteresse soit proportionelle à celle de la garnison qui l’occupe gardait toute sa pertinence. Il fallait donc que la densité d’occupation du front par les troupes suisses soit la plus forte possible. Les Alpes suisses se prêtaient à ce second impératif. Un terrain montagneux canalise les mouvements de troupes, et limite le nombre de points qui doivent être couverts par le défenseur. Plus important encore pour l’armée suisse en 1940 , ce type de terrain permet de ralentir le tempo opérationnel d’un adversaire plus mobile.  Un tel ralentissement aurait par exemple permis aux unités helvétiques de se déplacer la nuit et minimiser ainsi leur vulnérabilité face aux attaques aériennes. Bref, combattre en zone montagneuse permettait d’imposer à l’ennemi une bataille d’usure. Dans les positions occupées en juin 1940, les gros de l’armée suisse auraient étaient anéantis en quelques jours, alors que dans les Alpes, leur résistance aurait pu se prolonger durant des mois. 


     Enfin, les militaires suisses disposaient-elle d’alternatives crédibles au réduit ? L’armée suisse était avant tout défensive, et ne pouvait pas espérer mener d’attaques préemptives.  Les opérations de guérilla étaient déjà intégrées dans la stratégie suisse, mais des troupes irrégulières auraient été extrêmement vulnérables sans disposer d’une zone géographique difficilement accessibles à l’ennemi, et auraient dû obligatoirement opérer depuis les Alpes, ce qui serait revenu, in fine, à créer une forme de réduit plus vulnérable, et aurait demandé moins de troupes à l’ennemi  pour en venir à bout.  Se servir des villes du Plateau comme forteresses aurait peut-être représenté une alternative, si l’on fait abstraction de la petite taille des cités suisses d’alors, et  que les sièges de Stalingrad ou de Breslau étaient encore à venir. 

     Ainsi, la mise en place du réduit était sans conteste la solution la plus rationnelle dans une perspective militaire. Dans la nouvelle donne stratégique consécutive à la défaite française, conserver la plus grande partie de l’armée sur le Plateau eût été un non-sens stratégique.


Bibliographie
Streit Pierre, Histoire militaire suisse, Infolio éditions, 2006.
Langendorf  Jean-Jacques et Streit Pierre, Le Général Guisan et l’esprit de résistance, éditions Cabédita, 2010.
De Weck  Hervé, La Suisse peut-elle se défendre seule ? éditions Cabédita, 2011.
Langendorf Jean-Jacques et Streit Pierre,  Face à la guerre. L’armée et le peuple suisses 1914-1919/1939-1945, Infolio éditions, 2007.
Guisan Henri,  Rapport du Général Guisan à l’assemblée fédérale sur le service actif 1939-1945, 1946
Senn Hans,  Bâle et le plateau de Gempen  au début de la Seconde Guerre  mondiale 1939-1940, Société d’officiers du Jura et du Jura bernois, 1997.
Green Jack, Massignani Alessandro et Blennemann Ulrich, Mare Nostrum :The War in the Mediterranean, Jack Green, 1990.
Frieser Karl-Heinz, le mythe de la guerre-éclair, Belin, 2003.
Site dédié à l’armée suisse en 1940 et aux plans d’attaque allemands, www.schweiz1940.ch
Ordes de bataille de l’armée française, enpointe.perso.infonie.fr
Vaste bibliothèque d’ordres de bataille, http://niehorster.orbat.com
Site sur les forces armées italiennes sous le régime fasciste,  http://www.comandosupremo.com

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