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dimanche 1 janvier 2012

Sensuikan


La genèse et le développement des sous-marins d’escadre japonais

L’arme sous-marine japonaise à l’orée de la guerre du Pacifique était sans nul doute une force digne de respect. Certains de ses bâtiments étaient sans équivalents, l’ensemble des équipages avaient subi un entraînement draconien, et ils disposaient de la meilleure torpille au monde. Cet article tente de remonter aux origines de cette arme.

Adrien Fontanellaz, avril 2012

    La marine impériale japonaise s’intéressa aux sous-marins à l’orée du 20ième siècle. Plusieurs officiers furent envoyés aux Etats-Unis entre 1987 et 1900 pour étudier un modèle de submersible parmi les plus aboutis, la classe Holland, produite par l’Electric Boat Company. Cinq navires du même type furent commandés auprès de la compagnie américaine dans les années qui suivirent. Ces sous-marins, déplaçant 103 tonnes en surface, emportant treize hommes d’équipage, armés d’un unique tube lance-torpille, et capables d’une vitesse maximale de 8 nœuds en surface et 7 nœuds submergés, furent livrés à la marine en octobre 1905 après avoir été assemblés au chantier naval de Yokosuka. Deux autres sous-marins, plus petits, furent construits au Japon à l’aide de plans fournis par la société américaine. Ces vaisseaux permirent la création de la 1ère flottille de sous-marins, mais aucun d’entre eux ne fût prêt à temps pour jouer un rôle dans la guerre russo-japonaise.

Sous-marin de classe Holland (via wikimedia.org)

     Les Japonais s’initièrent par la suite aux différentes technologies développées dans d’autres pays en y achetant des vaisseaux. Une douzaine de sous-marins furent commandés auprès des chantiers Fiat-Laurenti en Italie, Schneider-Laubeuf en France et Vickers en Grande-Bretagne. Impressionnés par les succès remportés par les Unterseeboot allemands de la Kaiserliche marine, les dirigeants japonais inclurent, dans leur programme d’expansion de 1917, l’acquisition de 18 sous-marins de classe océanique. Cette ambition se concrétisa par la mise sur cale, en 1921, d’un premier prototype de sous-marin d’escadre (Kaigun dai, abrégé en Kaidai ou encore KD), basé sur le type K anglais. Achevé en 1924, et baptisé I-51, il avait un déplacement de 1390 tonnes, atteignait une vitesse de 20 nœuds en surface et 10 nœuds submergé, et avait une distance franchissable de 20'000 miles. Néanmoins, à la fin du premier conflit mondial, la flotte sous-marine nippone était encore une collection disparate de navires dont l’aptitude se limitait à la défense côtière. Parallèlement, une école de sous-mariniers, la Sensui Gakko, ouvrit ses portes en 1920 à Kure. 

    Les années vingt allaient voir une évolution rapide de l’arme sous-marine japonaise, sous l’impulsion du contre-amiral Suetsugu Nobusama, initialement commandant de la 1ère flottille. Traditionnellement, la vision japonaise de la guerre navale se basait sur la recherche d’une bataille décisive, sur le modèle de Trafalgar ou Tsushima, permettant au vainqueur d’accéder à la suprématie sur les mers. La signature du traité de Washington en 1922 allait avoir une influence décisive sur le développement des submersibles nippons. Le traité allouait au Japon un tonnage en navires de premier rang, croiseurs de batailles ou cuirassés, équivalant aux 6/10 de celui accordé à son plus grand rival maritime, les Etats-Unis. En cas de guerre, la marine impériale (Kaigun) se serait vue ainsi surclassée. Les Japonais se mirent donc à la recherche d’un moyen d’affaiblir la flotte de cuirassés ennemie avant de l’affrontement décisif entre les navires de premier rang des deux pays. Hors, le traité de Washington ne limitait pas le tonnage de sous-marins autorisé pour les contractants.  Progressivement, les submersibles furent chargés de la détection d’une flotte ennemie voguant vers le Japon, puis de son affaiblissement au moyen d’attaques répétées. Cette stratégie d’interception à longue distance se superposant aux missions déjà confiées à l’arme sous-marine, les Japonais établirent dès 1924 une nouvelle nomenclature pour classifier leurs submersibles: I pour les modèles de sous-marins d’escadre, RO pour les modèles moyens, et HA pour les modèles côtiers. Cette évolution doctrinale avait pour corollaire de nécessiter l’acquisition de nouveaux sous-marins bien plus grands, rapides et endurants. Les marins nippons eurent fortuitement accès en parallèle à une nouvelle source de technologie qui leur permit de développer de tels vaisseaux.
Le I-52, unique bâtiment de la classe KD-2 (via wikimedia.org)

     En 1919, le Japon reçut, à titre de réparation de guerre, sept Unterseeboot bien supérieurs aux submersibles alors en leur possession. En parallèle avec l’envoi d’officiers en Allemagne, à partir de l’été 1919, plusieurs centaines d’ingénieurs, techniciens et officiers allemands furent employés sur les chantiers Kawasaki de Kobe, afin de transmettre leurs précieuses connaissances aux spécialistes locaux. Cet afflux de savoir-faire ne tarda pas à produire ses premiers fruits ; un nouveau prototype de Kaidai, basé sur l’U-139, fut mis sur cale en 1922. Baptisé I-52 et muni d’une double coque, il était capable de plonger à une profondeur de 60 mètres, bien plus que les modèles de sous-marins précédents. L’expertise allemande permit aussi le développement d’une nouvelle classe de submersibles encore plus imposants; les Junsen (diminutif de Jungo sensuikan, ou sous-marin de croisière océanique). La construction d’une première série de quatre Junsen débuta dans les chantiers Kawasaki de Kobe en 1923. Achevés, ils avaient un déplacement de 1970 tonnes et pouvaient atteindre une vitesse de 18 nœuds en surface grâce à leurs deux moteurs diesel MAN, et pouvaient plonger à une profondeur de 80 mètres. Ils disposaient de deux canons de 140 mm qui complétaient leurs six tubes lance-torpilles, dont quatre étaient à la proue et deux à la poupe. Ces sous-marins pouvaient parcourir 24'000 miles ou rester deux mois en mer sans être ravitaillés. Alors que la numération des Kaidai débuta à partir de 51, celle des Junsen débuta à 1, les quatre nouveaux submersibles furent donc baptisés I-1, I-2, I-3 et I-4. Enfin, les Kiraisen (sous-marins mouilleurs de mines, Kirai fusetsu sensuikan) constituèrent la troisième branche de la famille des grands submersibles japonais développés à partir de la technologie allemande. Celle-ci s’avéra cependant éphémère, seule quatre Kiraisen, les I-21, 22, 23 et 24, étant lancés durant les années vingt. Par contre, de nouvelles classes de Kaidai et Junsen furent développées au fil des ans.

Le I-21, un des quatre Kiraisen entrés en service (via wikimedia.org)

     La marine impériale continua en parallèle à mettre en service des sous-marins moyens (RO). Les cinq premiers, basés sur des plans italiens, furent suivis par 37 autres navires lancés ou complétés à la fin de 1926. Les dirigeants de la marine donnèrent ensuite la priorité aux Kaidai et Junsen, seuls deux autres submersibles moyens de 1200 tonnes furent lancés dans les années trente, le RO 33 en 1935 et le RO 34 en 1937. La plupart de ceux entrés en service dans les années vingt furent retirés du service avant la guerre du Pacifique, une grande partie de leur carrière ayant été consacrée à l’entraînement.

    Dans l’esprit des Japonais, l’appel à des conseillers étranger n’était qu’une mesure nécessaire, mais transitoire, pour parvenir à développer leur propre expertise. Ils s’émancipèrent rapidement de leurs mentors allemands, et seule une poignée de ceux-ci étaient encore au Japon à la fin des années vingt. La motorisation des submersibles illustre la rapidité avec laquelle les constructeurs nippons s’affranchirent de leur dépendance envers l’étranger. Dès le début des années 30, des moteurs diesels développés et produits localement remplaçaient les engins importés durant la décennie précédente. Les diesels japonais demandaient une maintenance intensive, mais, à poids égal, avaient une puissance deux fois plus élevée que les modèles américains contemporains.

     Durant les années trente, la marine impériale continua à développer ses réflexions sur la préparation d’une éventuelle bataille décisive contre la flotte du Pacifique américaine. Le postulat initial restait invariablement celui d’une avance de la flotte ennemie à partir d’Hawaï, que les sous-marins devaient affaiblir avant l’engagement décisif des gros de la flotte combinée nippone. La doctrine d’emploi des sous-marins gagna en sophistication avec les années. Le quartier-général de la marine étudia ainsi la création de véritables escadres de submersibles, capables de se coordonner entre eux en mer et disposant de leurs propres hydravions de reconnaissance embarqués. En parallèle, l’usage de sous-marins de poche fut également développé. Ces évolutions influèrent directement sur la conception des bâtiments.

     Trois classes de Junsen distinctes virent le jour pour faciliter l’emploi coordonné d’escadrons de sous-marins. Les types A devaient servir de navires de commandement. Capables d’une vitesse de 23 nœuds, de parcourir une distance de 16'000 miles, et de rester en mer trois mois, ils emportaient un hydravion de reconnaissance et disposaient de moyens de communications spécifiques. Deux furent mis sur cale en 1938 et terminés en 1941, un autre suivant en 1942. Les types B étaient des sous-marins éclaireurs plus petits que les types A, mais emportaient aussi un hydravion de reconnaissance. Le premier type B fut lancé en 1939. Une première commande passée en 1937 incluait six exemplaires, suivie d’une seconde pour quatorze exemplaires peu après. Enfin, les Junsen types C étaient identiques aux type B, mais dépourvus d’hydravion. Ils étaient armés de huit tubes de 53.3 cm, et pouvaient emporter un sous-marin de poche en cas de besoin. Cinq des six types C commandés en 1937 furent terminés en 1941.
Le I-15, premier des Junsen B (via wikimedia.org)

     Les premiers prototypes de sous-marins de poche apparurent en 1934, et permirent la mise au point d’un modèle définitif de 46 tonnes; la classe A. 36 exemplaires furent produits entre 1939 et 1940. Ceux-ci, propulsés uniquement par des moteurs électriques, avaient une autonomie très réduite de 13 heures en surface à une vitesse de 6 nœuds. Par contre, submergés, ils pouvaient atteindre la vitesse alors phénoménale de 19 nœuds pendant 50 minutes. Ils étaient pilotés par un équipage de deux hommes et emportaient deux torpilles de 45 cm. Initialement, la marine prévoyait de les transporter à l’aide de vaisseaux spécialement conçus pour cette mission en avant de la flotte de bataille, de les larguer en mer massivement, puis de les laisser attaquer l’ennemi. Par la suite, des Junsen furent modifiés pour servir de bateau-mère et emmener à proximité des ports ennemis ces sous-marins de poche.

grands sous-marins entrés en service avant la guerre du Pacifique
Classes
vaisseaux
Total
Années
Commentaire
Kaidai 2
I-52
1
1925
Prototype
Junsen 1
I-1 à I-4
4
1926-1929

Kiraisen
I-21 à I-24
4
1927-1928
Mouilleurs de mines
Kaidai 3a et b
I-53 à I-60, I-63
9
1927-1930

Kaidai 4
I-61, 62 et I-64
3
1928-1930

Junsen 1 modifié
I-5
1
1932
Prototype, emporte un hydravion
Kaidai 5
I-65 à I-67
3
1931-1932

Junsen 2
I-6
1
1935
Emporte un hydravion
Kaidai 6a et b
I-68 à I-75
8
1934-1938

Junsen 3
I-7 et I-8
2
1937-1938
Emportent un hydravion
Kaidai 7
I-76
1
1940

Junsen A
I-9 et I-10
2
1941
Emportent un hydravion
Junsen B
I-15, 17, 19, 21,23, 25 et 26
7
1940-1941
Emportent un hydravion
Junsen C
I-16, 18, 20, 22 et 24
5
1940-1941
Peuvent emporter un sous-marin de poche
Compilé selon combinedfleet et The Japanese Submarine Force and World War II

   Le 7 décembre 1941, la marine impériale disposait donc d’une petite cinquantaine de sous-marins à capacité océanique, capables de naviguer rapidement en surface et de parcourir des distances immenses. Equipés de tubes de 53.3 cm depuis la série des Kaidai 4, ils pouvaient tirer une arme sans équivalent ; la torpille de type 95, adaptée de la torpille à oxygène de type 93. L’usage de l’oxygène pour la propulser avait d’immenses avantages. L’arme ne laissait pas de sillage visible pour les vigies ennemies, atteignait une vitesse de 48 nœuds associée à une portée de plus de 9000 mètres. Il s’agissait de caractéristiques bien supérieurs aux torpilles des autres marines, disposant d’autres modes de propulsion. Le revers de la médaille était le danger induit par la présence d’oxygène dans des espaces confinés. Le Japon fut aussi le seul pays à équiper ses submersibles d’hydravions, avec pour bénéfice de multiplier la surface maritime couverte par un sous-marin. Enfin, l’existence de sous-marins de poche déployés à partir d’autres submersibles donnait à la marine la capacité de frapper des bâtiments ennemis au mouillage. Ces performances techniques avaient néanmoins un revers ; ces grands vaisseaux mettaient du temps pour plonger, un défaut aggravé par les connections complexes entre leurs moteurs diesels et électriques. De plus, ils plongeaient à une profondeur maximale inférieure à celle des U-Boot allemands.
Comparaison d’un Junsen C avec d’autres sous-marins océaniques



Junsen C

Classe Tambor (Etats-Unis)

Type IXA

(Allemagne)

Classe 1500

(France)

Vitesse (surface)

23.5

21

18.2

17

Vitesse (submergé)

8

8.75

7.3

10

déplacement (surface)

2554

1475

1051

1570

Immersion maximale

100 mètres

76 mètres

200 mètres

80 mètres

Autonomie (miles)

14’000

12’000

8’700

10’000

Nombres de tubes

8

10

6

11

Equipage

101

65

48

62

Torpilles embarquées

20

24

22

13
Compilé selon www.valoratsea.com, www.uboataces.com, combinedfleet.com et sous-marin.france.pagesperso-orange.fr.







    Contrairement à la pratique habituelle dans Kaigun, les plans définissant l’usage des submersibles dans le contexte de la bataille décisive ne furent pas rigoureusement testés lors de manœuvres d’ampleur. La vision du contre-amiral Suetsugu Nobusama était devenue un article de foi au sein de la marine impériale sans avoir été confrontée à la réalité opérationnelle. Le fait que les sous-marins ne disposèrent pas d’une chaîne de commandement centralisée avant la création de la 6ième flotte en 1941 favorisa ce manque de réalisme. Les différentes escadres de submersibles étant jusque-là directement subordonnées aux flottes, la perception des sous-mariniers n’était pas bien représentée au sein des Etats-majors de la marine. L’entraînement des équipages se limita à la manœuvre stricto sensu des navires au détriment des aspects tactiques. Cette situation changea brusquement à partir de 1938. Une série de manœuvres mirent en évidence les graves lacunes de l’arme sous-marine japonaise. La surveillance des bases ennemies demandait beaucoup plus de moyens que prévu, tandis que dans la pratique, la destruction de navires de guerres ennemis s’avérait bien moins simple que dans la théorie.


     Ce constat fut à l’origine d’un intense programme d’exercices menés durant les vingt mois précédant l’entrée en guerre contre les Etats-Unis. Menés par tous les temps, leur difficulté s’avéra telle que certains commandants devaient les décrire par la suite comme plus difficiles que les opérations de guerre ; comme le démontra la perte de trois sous-marins, les I-61, I-63 et I-67, durant cette période. Cette phase de mise en condition livra plusieurs enseignements majeurs. Il était extrêmement difficile de coordonner une flottille depuis son submersible-amiral, et des centres de commandement furent établis à terre. La mobilité des sous-marins décroissait considérablement en conditions opérationnelles, ceux-ci devant plonger régulièrement pour échapper à toute détection. Enfin, le trafic radio des navires les rendaient localisables par triangulation. Il s’avéra par contre impossible, faute de moyens, de tester l’application de l’ensemble du plan d’interception, et la marine dut se contenter de le tester lors de Kriegspiel.


Le I-68, classe Kaidai 6 (via wikimedia.org)
     L’extrême focalisation de la marine impériale japonaise sur la préparation d’une bataille décisive fit qu’elle prêta un très faible intérêt à la guerre au commerce, caractéristique d’une guerre d’attrition qu’elle voulait éviter à tout prix. Pourtant, les submersibles démontrèrent leur adéquation pour cette tâche lors de manœuvres en octobre 1940, où les arbitres attribuèrent aux sous-mariniers la destruction fictive de 133 navires marchands. La situation de l’arme sous-marine nippone à la veille de la guerre du Pacifique était donc paradoxale. Ses excellents bâtiments, capables de frapper l’ennemi sur d’immenses distances à l’aide des meilleurs torpilles au monde et pourvus d’équipages bien entraînés, étaient au service d’une stratégie incomplète à l’origine d’une doctrine extrêmement difficile à mettre en application. Enfin, avant même que le premier coup de feu ne soit tiré, la stratégie de la bataille décisive s’écroula. En frappant Pearl Harbour, l’Amiral Yamamoto garantit que la flotte ennemie n’avancerait pas  à travers les immensités du Pacifique au début du conflit.
Ordre de bataille des sous-marins de classe I, décembre 1941
Flottilles
Divisions
Sous-marins
1ère flottille (navire-amiral ; I-9)
1ère division
I-15, I-16, I-17
(rattachée à la 6ième flotte)
2ième division
I-18, I-19, I-20

3ième division
I-21, I-22, I-23

4ième division
I-24, I-25, I-26
2ième flottille (navire-amiral ; I-7 et I-10)
7ième division
I-1, I-2, I-3
(rattachée à la 6ième flotte)
8ième division
I-4, I-5, I-6
3ième flottille (navire-amiral ; I-8)
11ième division
I-74, I-75
(rattachée à la 6ième flotte)
12ième division
I-68, I-69, I-70

20ième division
I-71, I-72, I-73
4ième flottille
18ième division
I-53, I-54, I-55
(rattachée à la flotte combinée)
19ième division
I-56, I-57, I-58
5ième flottille
28ième division
I-59, I-60
(rattachée à la flotte combinée)
29ième division
I-62, I-64

30ième division
I-65, I-66
6ième flottille
9ième division
I-23, I-24
(rattachée à la 3ième flotte)
13ième division
I-21, I-22
Compilé selon http://niehorster.orbat.com/index.htm
     Au début des hostilités, la flotte sous-marine comprenait 63 unités de première ligne, dont 47 étaient de classe I. Le rôle de ces grands submersibles était primordial dans la conception du plan d’attaque de Pearl Harbour. Ils étaient non seulement chargés de l’éclairage et de la couverture de Kido Buntai, la force centrée autour des six porte-avions d’escadre chargés de mener l’attaque aérienne, mais se virent également attribuer des tâches offensives. Cinq sous-marins de poche devaient accompagner l’assaut aérien en pénétrant dans le port ennemi pour y torpiller des cuirassés, tandis que les jours suivants,  vingt-cinq grands submersibles embusqués dans les eaux hawaïennes devaient couler les navires ennemis en transit. L’amiral Yamamoto espérait que l’action des sous-marins causerait à l’ennemi des pertes supérieures à celles engendrées par le raid aérien du 7 décembre. Les 1ères, 2ième  et 3ième  flottilles de sous-marins furent attribuées à l’opération contre Hawaï, alors que les 4ième, 5ième et 6ième flottilles devaient soutenir les opérations de conquête du Sud-Est Asiatique.  La confrontation avec la réalité allait s’avérer amère ; les défauts d’une doctrine insuffisamment testée allaient entraver l’action des sous-mariniers japonais. La cohérence du déploiement des grands submersibles fut bien vite compromise par la propension de l’état-major japonais à disperser des forces déjà limitées en leur attribuant des objectifs multiples et simultanés. Enfin, la complexité des tactiques adoptées avait pour corollaire un trafic radio important, source de précieux renseignement pour l’ennemi.
    Sans doute la marine impériale japonaise fut-elle trop avant-gardiste dans les missions attribuées à ses submersibles. Ces tâches s’avérèrent trop complexes et ambitieuses compte tenu de la technologie de l’époque. Ironiquement, plus de 60 ans après la guerre du Pacifique, des projets de drones aériens déployés depuis des sous-marins refont surface, alors que ceux-ci se voient attribuer des missions de plus en plus diversifiées, et dont certaines  ne sont pas si différentes de celles imaginées par les amiraux de Kaigun.

Bibliographie
Carl Boyd et Akihiko Yoshida, The Japanese Submarine Force and World War II, Naval Institute Press, 1995
David C. Evans et Mark R. Peattie, Kaigun : Strategy, Tactics, and Technology in the Imperial Japanese Navy, 1887-1941, Naval Institute Press, 1997
Alan Zimm, The Attack on Pearl Harbor : Strategy, Combat, Myths, Deceptions, Casemate, 2011

David W. Grogan, Operating below Crush Depth: The Formation, Evolution, and Collapse of the Imperial Japanese Navy in World War II
Sensuikan !, in www.Combinedfleet.com


9 commentaires:

  1. Bonjour,
    Article très bien documenté sur un sujet assez peu traité.
    J'ai beaucoup aimé, merci.

    T.Courtheoux

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  2. Je crois savoir que le développement de l'arme sous-marine au Japon avait été largement freiné, tout au long des années 1920 et 1930, par le caractère peu honorable, selon les japonais, de l'utilisation de cette arme qui attaquait son ennemi tout en étant invisible. On sait que les japonais ont toujours donné beaucoup d'importance au sens de l'honneur. C'est pourquoi pendant très longtemps ils ont préféré utiliser leur sous-marin plus comme des éclaireurs que comme de véritables unités offensives.

    J'ai l'impression que cet aspect des choses n'est pas précisé dans votre article, très intéressant au demeurant. Je suis loin d'être un spécialiste de la question aussi aimerais-je avoir, si possible, votre avis sur la question.

    Je précise que je suis l'administrateur d'un blog qui vous intéressera peut être : http://troisponts.wordpress.com/

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  3. Bonjour,

    Merci pour le lien vers votre site, que je trouve très intéressant, quoi de plus fascinant en effet que ces magnifiques vaisseaux de ligne, surtout si l’on a dévoré plus jeune les aventures d’Horatio Hornblower. Je l’ai donc référencé sur la page idoine de mon blog.

    Pour être honnête, je suis un peu dubitatif quant à une éventuelle perception négative de l’arme sous-marine dans la marine impériale japonaise. Si j’ai bonne mémoire, Kaigun : Strategy, Tactics, and Technology in the Imperial Japanese Navy, 1887-1941 n’en fait pas mention, tandis que The Japanese Submarine Force and World War II indique plutôt le contraire, à savoir que les sous-mariniers bénéficiaient d’un certain prestige. A ma connaissance, l’usage des submersibles n’était en aucun cas réservé à la reconnaissance uniquement. Dans le cadre de la stratégie d’attrition de la flotte américaine lors de son hypothétique avance dans le Pacifique, les submersibles devaient la détecter, pour ensuite converger vers celle-ci afin de la soumettre à des attaques répétées. C’est pour cette raison que la conception de ces navires mettait l’accent sur une vitesse en surface importante. Leur tâche était donc duale. De plus, la notion que les Japonais auraient considéré comme déshonorant d’attaquer de manière « invisible » me semble contradictoire avec l’importance accordée par Kaigun aux attaques de nuit. Par contre, il est vrai, en tout cas pour l’aviation navale, que la reconnaissance était moins valorisée que l’attaque. Dans une perspective plus large, et bien que je ne sois pas familier avec le sujet, il me semble que l’usage de la ruse, de la déception ou d’autres stratagèmes ne soit pas considéré comme déshonorant dans la tradition militaire asiatique . Il serait, sur ce dernier point, intéressant d’avoir l’avis d’un érudit en la matière.

    Avec mes cordiales salutations.

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  4. Comme je le disais, je suis loin d'être un spécialiste dans ce domaine. Je me souviens avoir lu quelque part ce que j'expliquais dans mon précédent message, mais où ? Bref, je vous fais confiance...

    Merci pour le référencement ! J'ai également ajouté votre site dans la page "liens" de mon blog. A bientôt !

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  5. Mais merci à vous, ceci étant dit, je ne prétend pas tout savoir sur le sujet non plus, simplement, je ne suis jamais tombé, dans mes lectures sur un développement identique. Ceci étant dit, il faut rester modeste; après tout, le regard historique sur la bataille de Midway est resté tronqué durant des décennies.

    A bientôt

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  6. Sur le forum uchronique ''1940, la France continue la guerre'', il y a une petite annexe sur la sous-marinade nippone :

    http://www.1940lafrancecontinue.org/FTL/annexes/1945/45-6-2_doctrine_sm_japs.htm

    On indique que l'entrainement avant 1940 était délaissé, ce qui explique le ''forcing'' en 1941. A notez que sur ce forum, si à partir de la bataille de France de mai 1940, il s'agit d'une fiction, les événements et techniques avant cette date sont réels ;)

    Au niveau technique, si les performances techniques globales des sous-marins japonais étaient honorable, plusieurs éléments étaient en dessas des standards occidentaux tels les batteries qui étaient resté au niveaux des années 1920.

    Concernant les hydravions embarqué sur les ''bateaux noirs'', ne pas oubliez le Surcouf tricolore :)

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    1. Bonjour,

      Merci d’avoir signalé ce site que je ne connaissais pas. L’article sur la doctrine des sous-marins est fort bien fait. Les Japonais accusaient en effet un retard certain dans certaines technologies clés. Il s’agit cependant d’un vaste sujet que l’on pourrait, j’imagine, résumer en invoquant la base industrielle alors limitée du pays à laquelle s’ajoutait un manque de coordination au niveau de la planification et de l’allocation des ressources devant alimenter la recherche et les applications industrielles en découlant. Sinon, merci de la précision pour le Surcouf ; obnubilé par ses canons, j’en avais oublié qu’il pouvait aussi emporter un hydravion 

      Cordialement.

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  7. Il y eu aussi un sous-marin britannique qui à une courte et malheureuse carrière en temps que porte-hydravion. Transformé entre 1925 et 1928, il coula en 1932 :

    http://en.wikipedia.org/wiki/HMS_M2

    Concernant ce site ou je me suis inscrit il y a quelques semaines, ils en sont à leur 3e livre ;)

    Deux grosses uchronies écrit comme un livre d'Histoire disponible en autre sur Amazon qui n'est qu'un résumé des textes mit sur le forum :

    * http://www.amazon.fr/Et-France-avait-continu%C3%A9-guerre/dp/2847347070
    * http://www.amazon.fr/1941-1942-France-avait-continu%C3%A9-guerre/dp/2847347747/ref=pd_bxgy_b_text_b

    Et un troisième roman disponible sur commande sur le site Lulu :

    * http://www.lulu.com/shop/carthage/en-tunisie-rien-de-nouveau-la-geste-des-joyeux/paperback/product-20229816.html

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