1938 - 1942
Moins connus que les unités de Mitsubishi A6M de
l’aéronavale, les régiments de chasse de l’armée impériale jouèrent pourtant un
rôle vital dans l’acquisition de la supériorité aérienne par les forces japonaises
dans le Sud-Est asiatique. Le 64e sentai bénéficia d’une grande
notoriété au Japon durant la guerre, en partie grâce à l’exploitation du
charisme de son commandant par la propagande, mais aussi avec la sortie d’un
film relatant de manière très romancée les exploits de l’unité. Voici donc
l’histoire de ce régiment, de sa création à la conquête de la Birmanie.
Adrien Fontanellaz
Le 64e hikosentai
fut formé le 1er août 1938 dans le cadre d’une réorganisation affectant l’ensemble de l’aviation de l’armée impériale japonaise.
Les hikorentai mixtes, subdivisés en daitai spécialisés dans la chasse, le bombardement ou la reconnaissance
et comprenant deux chutai furent
remplacés par des sentai alignant un seul type d’appareil. Ces nouveaux sentai se composaient d’un sentai hombu (Etat-major) et de plusieurs
chutai. Un chutai alignait théoriquement 12 avions, dont trois en réserve. Cette
réorganisation simplifia la composition des régiments, la coordination entre
les différentes spécialités s’opérant dorénavant à l’échelon de la brigade ou
de la division aérienne. A ce moment, l’histoire de la chasse de l’armée
impériale remontait à deux décennies. Un des trois Hikodaitai aériens crées à la suite de l’arrivée au Japon d’une
mission de conseillers français en novembre 1918 fut consacré à cette
spécialité et alignait deux chutai équipés
de Nieuport Delage NiD 29. Une
école de chasse ouvrit ensuite ses portes à Akeno en avril 1921. Treize ans
plus tard, le service aérien de l’armée impériale alignait 15 chutai de chasse,
12 de reconnaissance, 6 de bombardement léger et 6 de bombardement lourd,
répartis en huit Hikorentai.
Traduction approximative des types d’unités
Hikochutai
|
Compagnie aérienne
|
Dokoritsu hikochutai
|
Compagnie aérienne indépendante
|
Hikodaitai
|
Bataillon aérien
|
Hikorentai
|
Régiment aérien (pré-1938)
|
Hikosentai
|
Régiment aérien (post-1938)
|
Hikodan
|
Brigade aérienne
|
Hikoshidan
|
Division aérienne
|
Le 64e sentai
était l’héritier direct de deux unités distinctes ; le 2e hikodaitai
du 5e hikorentai et le 9e dokuritsu hikochutai
du 6e hikorentai. Le nouveau sentai comprenait trois chutai
de douze appareils chacun. Le commandement de l’unité revint au Major Tamiya
Teranishi, auparavant chef du 2e hikodaitai. Ce dernier, équipé de chasseurs Type 95, était
actif en Chine depuis le début de l’invasion japonaise en juillet 1937. Ses
pilotes y revendiquèrent la destruction de 86 Vought V-93 Corsair et Polikarpov I-15 chinois, au prix de la vie de deux des
leurs. Toujours engagé en Chine, les pilotes du nouveau sentai ne rencontrèrent ensuite que peu d’opposition jusqu’au 29
avril 1939, où sept ki-27 affrontèrent une vingtaine de I-15 dans la région de
Nanchang. Les Japonais revendiquèrent 11 victoires pour la perte de deux
pilotes. Ces revendications doivent être relativisées car il n’existait pas de
processus strict de validation des victoires au sein de l’aviation de l’armée
impériale, contrairement aux méthodes plus ou moins vigoureuses ayant cours
dans la Royal Air Force ou la Luftwaffe. De plus, les registres
des unités japonaises mentionnaient rigoureusement les pertes humaines, mais
pas forcément le nombre d’appareils perdus. A ce titre, lorsqu’un journal
d’unité rapportait la destruction d’un nombre donné d’avions ennemis lors d’un
combat aérien, il s’agissait bel et bien des succès que les pilotes pensèrent
avoir remporté, et non d’une vérité absolue.
Type 97 du 64e sentai (via warbirdphotographs.com) |
Le 64e
sentai se convertit progressivement sur une nouvelle
monture bien plus performante, le Nakajima Ki-27, entre avril 1938 et mars
1939. Celle-ci était issue d’une compétition lancée à la fin de 1935 par
l’armée impériale, et relevée par les firmes Mitsubishi, Nakajima et
Kawasaki. Les spécifications émises par le
koku hombu (l’état-major du service
aérien) stipulaient que l’appareil devait être un monoplan à ailes basses, atteindre
une vitesse maximale d’au moins 450 km/h, être capable de grimper à une
altitude de 5'000 mètres en moins de six minutes, et son armement devait être
constitué de deux mitrailleuses de 7.7 mm. Ce fut Nakajima qui remporta la
compétition, l’appareil entrant officiellement en service en décembre 1937 sous
le nom de type 97. Celui-ci était
propulsé par un moteur radial Nakajima Ha-1 Otsu d’une puissance de 710 chevaux
au décollage. Equipé d’un train fixe, sa vitesse maximale était de 470 km/h, et
il pouvait grimper à 5'000 mètres en 5 minutes et 22 secondes. Son rayon d’action
était de 400 kilomètres. La raison
majeur de son adoption fut son exceptionnelle manœuvrabilité, proche de celle
d’un biplan traditionnel ; il était ainsi capable d’effectuer un virage
sur 86 mètres en 8.1 secondes. Enfin, son armement était constitué par deux
mitrailleuses type 89 de 7.7 mm, approvisionnées par 500 coups chacune. Il se
révéla être une plateforme de tir stable, compensant en partie la faiblesse de
son armement. L’ensemble des appareils était équipé d’un récepteur radio, mais
seuls ceux des chefs d’unités disposaient aussi d’un émetteur. De plus, les
radios manquaient de fiabilité. Nakajima avait réussi à développer un avion
satisfaisant à la fois la faction des « traditionnalistes » et celle
des « avant-gardistes » au sein du koku hombu, les premiers ne jurant que par la manœuvrabilité, alors
que les seconds favorisaient la vitesse pure et la vitesse ascensionnelle. Le
chasseur fut produit à 3386 exemplaires à partir du mois de décembre 1937. Les
appareils du 64e sentai
reçurent comme signe distinctif un aigle stylisé en dessous du cockpit, alors
que la couleur des capot-moteur était spécifique à chaque chutai. Durant le mois de juillet 1937, le régiment se sépara de
plusieurs pilotes expérimentés qui servirent de noyau au 84e dokuritsu hikochutai, qui opéra par la suite en Chine et en Indochine.
Dans
les cieux du Nomonhan
Le 26 juillet
1939, Yatsuo Yokoyama, commandant du 64e sentai depuis le
mois de mars 1939, reçut l’ordre de rejoindre la Mandchourie afin de prendre
part aux violents combats opposants l’armée impériale japonaise à l’armée
rouge. En effet, un incident de frontière survenu le 11 mai 1939, aux confins
de la Mandchourie et de la Mongolie prosoviétique, dégénéra en affrontement
ouvert entre les deux puissances, chacune dépêchant des renforts terrestres et
aériens. Les pilotes japonais, bien formés et dont beaucoup avaient vu le feu
en Chine, ravagèrent initialement l’aviation ennemie en exploitant les qualités
de leurs Nakajima Ki-27. Cette supériorité ne dura qu’un temps ; avec l’expérience
et l’arrivée de pilotes vétérans de la guerre d’Espagne placés à la tête des
unités de chasse, les Soviétiques devinrent des proies de plus en plus
difficiles. Ils renoncèrent au combat tournoyant individuel, où leur adversaire
était maître, pour privilégier le combat en formation et les tactiques de
frappe et d’esquive. Des modèles de
chasseurs plus évolués apparurent sur le front en grandes quantités, comme les
Polikarpov I-153 ou I-16 type 10 et 18, équipés de quatre mitrailleuses ShKAS
de 7.62 mm très supérieures aux type 89 japonaises. Les Soviétiques parvinrent aussi
à une nette domination sur le plan quantitatif et purent aligner jusqu’à
quatre fois plus d’avions que les Japonais sur le théâtre des opérations. Enfin, ce dernier étant de petite taille, à
peine 80 kilomètres de long sur 80 kilomètres de profondeur, les rencontres
entre aviateurs des deux camps étaient fréquentes. Il en résulta que les pilotes
japonais étaient épuisés par la moyenne
de 4 à 6 sorties quotidiennes qu’ils
devaient mener, et que les 1e,
11e et 24e sentai, engagés depuis la mi-mai,
étaient très durement éprouvés.
Les trente-trois ki-27 du 64e sentai constituèrent donc un renfort
bienvenu lorsqu’ils se posèrent sur
l’aéroport de Hosiu, non loin de la ligne de front, le 15 août 1939, après avoir
parcouru 5000 kilomètres depuis leurs bases chinoises. La première patrouille
fut menée deux jours plus tard, une fois les appareils révisés. Le terrain
d’aviation fut frappé par l’aviation soviétique dans l’après-midi du 19 août,
lorsque vingt-cinq I-16 du 22 IAP (régiment d’aviation de chasse) y détruisirent
deux type 97 et y endommagèrent plusieurs autres, sans subir de pertes. Le 20
août, l’aviation russe lança 1094 sorties de bombardiers et de chasseurs contre
les positions terrestres japonaises. Les pilotes du 64e sentai interceptèrent les formations
massives de l’ennemi aux côtés de ceux des autres sentai, et revendiquèrent la destruction de 10 I-16 sans subir de
pertes. Dans la soirée, les Soviétique s’en prirent une seconde fois au terrain
de Hosiu avec une vingtaine de chasseurs, dont certains étaient équipés de
roquettes, et détruisirent cinq Ki-27 et en endommagèrent plusieurs autres. Un
seul chasseur japonais parvint à décoller à temps, son pilote revendiquant la
destruction d’un monomoteur ennemi. Le 64e sentai se replia sur l’aéroport de Saïenjo, moins exposé.
Un Polikarpov I-16, ici aux couleurs chinoises (via wikimedia) |
Le 21 août, Les
1e, 11e et 64e sentai, soit un total de 88 chasseurs, escortèrent 51 bombardiers
chargés de frapper les troupes de l’armée rouge pour soulager leurs propres
forces terrestres, menacées de débâcle. A la fin de la journée, les Japonais
avaient perdus six appareils, dont trois appartenaient au 64e sentai, et rapporté 94 victoires, alors
que leurs adversaires admirent la destruction de huit chasseurs ; sept en
vol et un au sol. Puis, dans les jours qui suivirent, les pilotes du régiment revendiquèrent cinq victoires pour un
pilote tué, mais le 64e sentai
était exsangue ; le 1er chutai
ne comptait plus qu’un seul type 97 disponible, alors que le commandant
Yatsuo Yokoyama était blessé le 25 août 1939 dans un combat aérien opposant 80
chasseurs nippons à 109 I-16 et I-153. A la fin du mois d’août, la situation était suffisamment
grave pour que les Japonais fassent appel au 33e sentai, pourtant encore équipé de Ki-10
dépassés. Le 1er septembre, près de deux cent Polikarpov affrontèrent
moins d’une centaine de chasseurs nippons. Le 64e sentai revendiqua 14 victoires, dont
trois probables, mais perdit quatre avions et trois pilotes, dont le commandant
du 2e chutai. L’arrivée du
froid ralentit ensuite le rythme des opérations, mais le 9 septembre, l’unité
ne comptait plus que 20 ki-27. Le 15 septembre, un dernier combat opposa le
régiment aux Russes, un pilote étant tué pour deux victoires revendiquées, puis
les affrontements prirent fin avec l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu le 16
septembre 1939. Le 64e sentai perdit
au total huit pilotes tués et revendiqua 52 victoires durant sa participation à
l’incident du Nomonhan.
Nouveau
chef, nouvel avion
Le régiment resta
ensuite basé à Dongjingcheng en Mandchourie, avant que le 1e chutai
ne soit détaché à Canton en janvier 1940, où il fut rejoint par le reste de
l’unité en mars 1941. Il y fut placé le mois suivant sous les ordres d’un
nouveau commandant, le major Tateo Kato. Ce dernier, né en 1903, était déjà une
célébrité dans le service aérien de l’armée impériale. Après avoir débuté sa
carrière dans l’infanterie, il entra à l’école de pilotage en juin 1926, et
figura parmi les mieux notés de sa promotion. Il commanda dès le début de
l’incident de Chine le 1e chutai
du 2e hikodaitai. Tateo
Kato se distingua entre le 30 janvier 1938 et le 10 avril 1939, où il fut
crédité de neuf victoires aériennes obtenues durant quatre engagements, soit le
plus haut score obtenu par un pilote de l’armée en Chine entre 1937 et 1941. Il
fut ensuite détaché auprès du koku hombu,
ce qui lui donna l’occasion de voyager en Europe en juillet 1939, d’y
rencontrer des membres de la Luftwaffe,
et de piloter un Bf-109. Il introduisit au 64e sentai l’usage systématique d’une division de son unité en trois
formations, l’une étant chargée de couvrir les deux autres depuis une altitude supérieure. Fin août 1941, le régiment se rendit sur la
base du Fussa, près de Tokyo, pour y recevoir une nouvelle monture ; le Ichio-shiki sentoki, ou chasseur type 1,
sur laquelle il volera jusqu’à la fin de la guerre du Pacifique. Il était la deuxième unité, après le 59e
sentai, à être équipée de cet appareil.
Tateo Kato, photographié en 1942 (via wikimedia) |
L’origine de ce
chasseur remontait au mois de décembre 1937. Le koku hombu, enchanté par les performances du Nakajima type 97, se
tourna directement vers cette firme pour lui confier la conception d’un nouvel
appareil d’une maniabilité égale à celle du type 97, mais qui devait avoir une
autonomie deux fois plus élevée et être capable d’une vitesse de 500 km/h en
palier et de grimper à 5'000 mètres en cinq minutes. Le koku hombu imposa par ailleurs à l’industriel l’usage d’un train
rentrant. La tâche s’avéra ardue pour les ingénieurs de Nakajima, et leur
premier prototype effectua son vol inaugural le 12 décembre 1938. Trop lourd, il
s’avéra être une déception. Il fallut d’intenses recherches et la construction
de douze autres prototypes entre 1939 et septembre 1940 avant que les services
techniques de l’armée n’approuvent la production en série du ki-43-I, ou encore
chasseur type 1, le 9 janvier 1941. L’exigence de maniabilité, contradictoire avec
celle de l’autonomie, avait contraint les ingénieurs à alléger la structure de
l’appareil au maximum, et finalement, seul l’ajout de volets de type Fowler
permit au ki-43-I de virer aussi serré que le ki-27. Le moteur radial Ha-25
d’une puissance de 990 chevaux au décollage entraînait une hélice bipale à pas
variable et permettait à l’avion d’atteindre une vitesse maximale de 492 km/h
en palier et de monter à 5'000 mètres en cinq minutes et douze secondes. Initialement,
l’armement devait être identique à celui du type 97, avec deux mitrailleuses
type 89 de 7.7 mm, mais il fut décidé par la suite d’y intégrer le nouveau
canon Ho-103 de 12.7 mm (dans la terminologie de l’armée, la désignation de
canon se rapportait à toute arme capable de tirer des obus explosifs, même si
dans les autres armées, le calibre de 12.7 mm appartenait à la catégorie des
mitrailleuses). D’une puissance de feu bien supérieure à la mitrailleuse de 7.7
mm, cette arme avait l’inconvénient de s’enrayer fréquemment. Il fut donc
décider de coupler un canon Ho-103 avec une mitrailleuse de type 89 moins puissante
mais plus fiable. Les deux armes étaient
montées au-dessus du capot du moteur. A l’évidence, celles-ci étaient
facilement interchangeables, le major Tateo Kato ayant demandé que son avion
soit équipé d’une paire de Ho-103 à titre expérimental. Contrairement à leurs
homologues de la marine impériale, qui sacrifiaient volontiers toute forme de
protection sur l’autel de la performance, les aviateurs de l’armée demandèrent
que les réservoirs du nouveau chasseur soient protégés par deux couches de
caoutchouc, les rendant ainsi moins vulnérables au combat. La production en
série de la première version de l’appareil débuta en avril 1941, et s’acheva en février 1943 avec 716 appareils livrés. Début mars 1942, ce modèle de chasseur
fut rebaptisé Hayabusa (faucon
pèlerin) par les journaux nippons, sur l’initiative d’un attaché de presse du
quartier général du service aérien.
Nakajima Ki-43-I ou encore chasseur type 1, ou encore Hayabusa (via warbirdphotographs.com) |
A peine les
nouveaux avions perçus, le 64e sentai
fut soumis à un entraînement intensif au vol à longue distance et à la
navigation au-dessus de la mer, les pilotes parvenant à parcourir des distances
de 700 kilomètres, alors que leurs rivaux du 59e sentai, qui n’avaient pas suivi
d’entraînement identique, ne dépassaient pas les 600 kilomètres. Les chasseurs
du 64e sentai furent ornés
d’un symbole régimentaire sous la forme d’une flèche descendante peinte sur
leurs dérives. Une flèche blanche signalait un avion du premier chutai, alors que le rouge correspondait
au second chutai et le jaune au
troisième. Le type 1 ne tarda pas à acquérir une funeste réputation, plusieurs
avions s’écrasant peu après leur entrée en service. Un examen approfondi de la
flotte révéla des fissures autour des puits du train d’atterrissage et à
l’emplanture des ailes ; à l’évidence, Nakajima avait compromis l’intégrité
structurelle du ki-43-I dans sa quête de légèreté. L’ensemble des chasseurs des
deux sentai dut donc être renvoyé en
usine pour renforcer l’emplanture des ailes. Le constructeur en profita pour
installer des conduits permettant l’emport de réservoirs supplémentaires. Le 64e
sentai retourna ensuite à Canton au
début du mois de novembre 1941, puis rallia l’aéroport de Dueng Dong, sur l’île
de Phu Quoc, en Cochinchine, le 3 décembre 1941, afin de participer à l’offensive
imminente contre les puissances occidentales. A son arrivée, le régiment
alignait 35 ki-43-I, et était rattaché à la 7ième hikodan en
compagnie des 12e, 60e et 98e sentai de bombardement lourd équipés de
bimoteurs Mitsubishi ki-21.
La Malaisie
et Singapour
Les jours
suivants, le 64e sentai
participa à la couverture des convois de vaisseaux transportant les soldats de
la 25ième armée du général Yamashita vers leurs points de
débarquement le long de l’isthme de Kra.
Le régiment subit ses premières pertes de la campagne le jour précédent
l’ouverture officielle des hostilités. Le 7 décembre à 17h30, six ki-43-I
dirigés par le major Kato décollèrent de Dueng Dong pour effectuer la dernière
patrouille de la journée. A l’issue de celle-ci, et malgré l’envoi d’un
bombardier pour guider les chasseurs durant leur retour, trois pilotes
perdirent le contact avec la formation et disparurent dans le mauvais temps et
l’obscurité sans laisser de traces. Le 8 décembre 1941, le régiment contribua aux
opérations aériennes visant à la destruction des forces aériennes dans le Nord
de la Malaise. Ses chasseurs escortèrent des formations de bombardiers, et le 1e
chutai mitrailla le terrain de
Butterworth où il y endommagea quatre Blenheim IV britanniques en train d’être
ravitaillés, sans être inquiété par la DCA de l’aérodrome, réduite à deux
mitrailleuses légères, alors que d’autres type 1 attaquaient l’aéroport civil
de Bayan Lebas sur l’île de Penang, mais sans résultats. Les pilotes du
régiment utilisèrent la tactique nommée « schéma d’attaque 8 » contre
les terrains ; celui-ci consistait
en un piqué suivi d’une passe de tir, avant de grimper, de virer, et de
replonger pour enchaîner avec une autre passe. Dans la même journée, trois
chasseurs du 64e sentai interceptèrent
un Blenheim IV du squadron 34 surpris en train de bombarder des barges de débarquement
japonaises à Kota Bharu. L’appareil britannique parvint à échapper à ses
poursuivants, mais, endommagé, dut se poser en catastrophe sur une piste
secondaire. Le régiment fut crédité de cinq avions détruits au sol et d’un en
combat aérien, pour la perte d’un seul chasseur. En effet, au retour, un type 1
dût amerrir au large de Phu Quoc après avoir été touché par les tirs d’un
destroyer japonais qui l’avait confondu avec un appareil ennemi. Le 9 décembre,
17 chasseurs de l’unité escortèrent 79 bombardiers chargés d’attaquer le
terrain de Victoria Point en Birmanie. Le mauvais temps contraignit la
formation à se poser à Songkhla, récemment capturée par les troupes nippones, puis
à se dérouter vers les aéroports de
Butterworth et de l’île de Penang. Les pilotes du 64e sentai détruisirent plusieurs avions
d’écolage civils sur ce dernier. Le surlendemain, le régiment retourna sur
Penang en escortant 41 ki-21 des 12e et 60e sentai qui bombardèrent la ville de Georgetown et son
port, avant de se poser sur l’aéroport de Kota Bharu fraichement conquis par
les troupes au sol. Les chasseurs y bénéficièrent des dépôts de stocks de
carburant laissés intacts par les Britanniques.
Des Brewster Buffalo du squadron 453 à Singapour |
Le matin du 22
décembre 1941, 18 Hayabusa du 64e
sentai affrontèrent une douzaine de Brewster
Buffalo du squadron 453 au-dessus de
Kuala Lumpur. Six appareils du 2e chutai engagèrent d’abord le combat après avoir aperçu les
chasseurs ennemis, puis furent bientôt rejoints par le reste de la formation. A
l’issue d’une mêlée de 30 minutes, trois Buffalo avaient été abattus, et deux
autres, endommagés, durent atterrir en catastrophe, alors qu’un ki-43-I était
perdu. Deux pilotes britanniques furent tués ainsi qu’un pilote nippon. Ce
dernier s’était écrasé avec son avion après que les ailes de celui-ci se soient
repliées à la sortie d’un piqué. L’épave de l’appareil révéla que la queue
avait également été touchée par des projectiles ennemis. Comme de coutume, avec
onze victoires certaines et quatre probables, les revendications des
aviateurs japonais dépassaient nettement la réalité. Le parc du régiment fut
soumis à une inspection sur la demande du major Kato immédiatement après la
mission, et à l’issue de celle-ci, des fissures furent découvertes sur les
ailes de six appareils et des réparations durent être entreprises directement
sur le terrain de Kota Bharu.
Deux jours plus
tard, le 64e sentai fut
transféré vers l’aéroport de Don Muang, dans la périphérie de Bangkok, afin de
participer à une attaque de grande envergure contre Rangoon prévue pour le
lendemain. Le 25 décembre, vingt-cinq chasseurs du régiment escortèrent 63
ki-21 des 12e et 60e sentai,
cette première vague étant suivie d’une seconde formation forte de 35
bombardiers lourds et légers accompagnés par 32 type 97 du 77e sentai. La première vague fut
interceptée par 14 Buffalo du squadron 67
et par 12 P-40B du 3ième squadron
de l’American Volunteer Group, les célèbres
tigres volants. Les pilotes du 64e
sentai se précipitèrent à la
rencontre de l’ennemi, délaissant leur mission première qui était la protection
des bombardiers, seul le major Kato continuant à les escorter. Les chasseurs
ennemis purent ainsi effectuer plusieurs passes contre les vulnérables ki-21 du
12e sentai sans être
dérangés, et trois des bimoteurs japonais furent abattus, un quatrième devant
se poser en catastrophe à son retour. Les pilotes des ki-43-I revendiquèrent 10
victoires pour la perte de deux des leurs, dont l’un percuta un P-40B, ce
dernier parvenant tout de même à regagner sa base. En réalité, sur les deux
P-40B et les quatre Buffalo réellement perdus par les Alliés ce jour-là, un
seul fut victime d’un type I, les autres victoires ayant été remportées par des
appareils du 77e sentai. Le
régiment du major Kato regagna ensuite Kota Bharu, où il fut rejoint le 26 décembre
par 19 chasseurs type 0 et 5 appareils de reconnaissance appartenant à la 22e
flottille aérienne de la marine impériale. Le front s’éloignant de plus en plus
vers le Nord de la Malaisie, le 64e sentai rallia l’aéroport d’Ipoh le 9 janvier 1942. Il y fut
accueilli la nuit suivante par un bombardement mené par une dizaine d’antiques
bombardiers-torpilleurs Vildebeest britanniques qui détruisit un ki-43-I.
Le 12 janvier
marqua le début d’une série de raids lancés par les aviations de l’armée et de
la marine contre Singapour et ses aérodromes. En quatre sorties menées entre
les 12 et 18 janvier, le 64e sentai,
au prix d’un seul avion perdu, abattit deux Buffalo en combat aérien et
détruisit au sol trois appareils ennemis, dont deux hydravions Catalina du 205 squadron. Le Hayabusa
perdu avait été victime d’une malfonction qui survint lors d’une passe de
mitraillage sur l’aéroport de Selatar ; un obus de 12.7 mm explosa à la
sortie du canon, endommageant le moteur et forçant le pilote à atterrir en
catastrophe avant d’atteindre sa base. Le pire était cependant à venir ;
le 17 janvier, les 1e et 2e chutai menèrent une mission contre Sumatra au cours de laquelle
trois avions furent victimes de dysfonctionnements similaires. Un des pilotes
s’écrasa délibérément avec son avion, alors qu’un autre se suicida avec son
arme d’ordonnance pour éviter la capture après être parvenu à poser son
appareil, alors que le troisième disparut corps et bien. A la suite de ces
accidents, des plaques de blindages furent ajoutées en dessous des canons pour
protéger les moteurs. Le même jour, six Buffalo appartenant aux 21 et 453 squadron escortant de neuf
bombardiers-torpilleurs Vildebeest surprirent un appareil isolé du 64e
sentai et l’abattirent. Le régiment
reprit ensuite ses opérations contre Singapour, où il affronta, entre le 20
janvier et le 9 février 1942, les Buffalo des squadron 243 et 453 ainsi que les Hurricane II des squadron 232 et 258. Ces derniers, plus
performants que les Buffalo, furent engagés par les Britanniques à partir du 20
janvier 1942. Les pilotes du 64e sentai
abattirent, au cours de huit combats, onze Hurricane II et deux Buffalo, au
prix de sept des leurs. Au sol, les troupes de la 25ième armée
étaient arrivées en face de l’île le 31 janvier, et donnèrent l’assaut les 8 et
9 février, la garnison capitulant le 15 février 1942.
Durant leur
affrontement contre la Royal Air Force
au-dessus de la Malaisie et de Singapour, les pilotes du 64e sentai abattirent où contraignirent à
des atterrissages forcés onze Hurricane II, neuf Buffalo et un bombardier
Blenheim IV, au prix de neuf appareils perdus en combat aérien. Avec un ratio
de deux victoires par perte, le régiment surclassa clairement l’ennemi. D’une
part, ses pilotes étaient en moyenne plus expérimentés, certains ayant connu le
feu en Chine et dans le Nomonhan, alors que les autres avaient bénéficié d’un
entraînement poussé, tandis qu’au contraire, beaucoup de leurs adversaires
étaient des « bleus » au début des hostilités. En effet, avant que la
guerre n’éclate, la Malaise et Singapour
figuraient en fin de liste dans l’attribution des ressources par les
Etats-majors britanniques en métropole. Pour la même raison, alors que le 64e
sentai disposait du meilleur chasseur
en service dans l’armée impériale, à contrario,
les Brewster Buffalo alloués aux squadron
chargés de défendre la Malaisie étaient considérés comme obsolètes en Europe
mais encore adaptés pour l’Asie. De plus, surprise par les caractéristiques des
chasseurs japonais, la Royal Air Force n’eut
pas le temps de mettre au point des tactiques permettant de contrer leur exceptionnelle
maniabilité.
Un Hayabusa aux couleurs du 64e sentai (via warbirdphotographs.com) |
Sumatra
et Java
La fin de la
forteresse britannique approchant, le 64e sentai déménagea une nouvelle fois pour s’installer sur le terrain
de Kluang, très proche de Singapour, dont les bombardiers ne représentaient
alors plus une menace, mais surtout à portée du prochain objectif japonais, les
gisements pétroliers de Palembang, dans le Sud de Sumatra. Le service aérien de
l’armée impériale devait y acquérir la maîtrise du ciel, au détriment des
unités de chasse néerlandaises renforcées par les squadron anglais qui s’étaient repliés de Singapour, pour pouvoir
lancer une opération aéroportée et s’emparer par surprise des raffineries sans
que les Hollandais n’aient le temps de les détruire. Dès le 6 février, 32 type
1 des 59e et 64e sentai
attaquèrent les terrains de Palembang. Le lendemain et le surlendemain, les
pilotes des deux unités, escortant des bombardiers, abattirent cinq Hurricane
des squadron 232 et 258 au cours de
deux combats, les pilotes du 64e sentai
revendiquant sept victoires, dont l’un des deux Hurricane abattus le 8
février, tombé sous les coups d’un pilote du régiment. La réaction britannique
ne se fit pas attendre, et dans la nuit du 9 au 10 février, puis celle du 11 au
12 février, des bimoteurs Blenheim et Hudson larguèrent leurs bombes sur
l’aérodrome de Kluang, mais sans détruire d’appareil appartenant au régiment.
Hurricane II britannique (via wikimedia) |
Le 13 février,
les 59e et 64e sentai
perdirent deux Hayabusa et abattirent
deux Hurricane lors d’une nouvelle attaque contre Palembang. Le lendemain, les
deux unités de chasse escortèrent une vaste formation de ki-56, ki-57 et ki-21
chargés de transporter des parachutistes du 2ième régiment, qui
sautèrent sur l’aéroport de Palembang I et une raffinerie. Au moins un
Hurricane fut abattu par le 64e sentai,
mais surtout, les chasseurs japonais
avaient empêché les intercepteurs ennemis de s’en prendre aux vulnérables
avions de transport. L’assaut aéroporté et le débarquement de la 38ième
division sur Sumatra peu après eurent raison de la résistance hollandaise dans
cette région, et le 17 février, 20 ki-43-I du 64e sentai se posèrent sur le terrain de
Palembang I. Les efforts des aviateurs nippons se portèrent ensuite vers l’île
de Java, le dernier grand bastion ennemi dans les Indes néerlandaises. Le 19 févriers, les ki-43-I des 59e
et 64e sentai menèrent
plusieurs incursions dans le ciel
javanais. Le 64e sentai perdit
un appareil, touché par les tirs défensifs d’un B-17 de l’US Army Air Corps mais se vit créditer de quatre victoires
aériennes contre des chasseurs de la Koninklijk
Nederlands Indisch Leger, qui
perdit huit de ses Brewster Buffalo ce jour-là. Deux jours plus tard, un autre
Buffalo néerlandais percuta un type 1 du 64e sentai durant un combat aérien à 5000 mètres d’altitude, les deux
avions étant détruits et le pilote japonais tué. Les deux régiments de ki-43-I attaquèrent
le terrain de Kalidjari le 22 février, et y détruisirent six bombardiers et un
bimoteur de liaison. Le 24 février 1942 fut une journée intense pour les deux
unités, sept aéronefs ennemis étant abattus. Les pilotes du 64e sentai eurent raison de deux hydravions
Do-24 de la marine néerlandaise, un de leurs appareils étant endommagé par les
tirs d’un Hurricane au cours d’un autre combat. Les troupes japonaises
débarquèrent sur l’île le 1er mars 1942, le régiment continuant à
mener des attaques les jours suivants. Son chef, récemment promu
lieutenant-colonel, faillit perdre la vie le 3 mars, lorsqu’ un Mitsubishi A6M2
du 3e Kokutai de la marine
impériale le prit pour cible et le contraignit à faire un atterrissage forcé.
Les Néerlandais capitulèrent le 8 mars 1942. Le 64e sentai ne comptait plus, à ce moment, que quinze appareils
opérationnels, mais remit en service à son profit trois Hurricane abandonnés
par l’adversaire. Un pilote se tua dès
le 10 mars en testant un des chasseurs britanniques, et un autre prit feu peu
après, alors que deux jours plus tard, le régiment fut transféré sur
l’aérodrome de Chiang Mai, dans le Nord de la Thaïlande. Le dernier Hurricane,
repeint aux couleurs japonaises, accompagna les type 1 survivants. Le régiment
avait perdu 13 pilotes tués depuis le début des hostilités.
Thaïlande
et Birmanie
L’envoi du 64e
sentai en Thaïlande avait été rendu
nécessaire à cause des difficultés rencontrées par les deux régiments de chasse
de la 5ième Hikoshidan chargée
d’appuyer la progression en Birmanie de la 15ième armée japonaise. Les
50e et 77e sentai équipés
de type 97 peinaient à faire face aux Hurricane et P-40 alliés, qui bénéficiaient
d’un armement supérieure et surtout, d’une vitesse leur permettant de dicter les
termes du combat à leurs adversaires plus lents. Le régiment ne tarda pas à être engagé sur son
nouveau théâtre d’opérations. Les 21 et 22 mars, il participa à deux attaques
menées avec les bombardiers du 12e sentai et les chasseurs des 50e et 77e sentai contre l’aérodrome de Magwe. A
l’issue de ces raids, qui coutèrent un Hayabusa
au 64e sentai, les Alliés
évacuèrent le terrain après avoir perdu une vingtaine d’avions détruits au sol.
Les Anglais se replièrent vers Akyab, et l’American
Volunteer Group (AVG) vers Loiwing. Puis, le 23 mars, 26 ki-21 du 98e
sentai bombardèrent le terrain
d’Akyab. Leur escorte de type 1 abattit un Hurricane du squadron 136. Les bases japonaises n’étaient pas non plus à l’abri
de raids ennemis ; le lendemain, dix P-40 de l’AVG attaquèrent les
terrains de Lamphun et de Chiang Mai, et perdirent deux des leurs du fait de la
DCA nippone. Les six appareils qui s’en prirent à l’aéroport de Chiang Mai
parvinrent à y détruire trois ki-43-I, et à en endommager plusieurs autres. Ce
revers n’empêcha pas l’unité de faire décoller onze appareils dans l’après-midi
pour escorter 53 bombardiers en route vers Akyab, où ils affrontèrent une
nouvelle fois les Hurricane du squadron
136. Trois de ces derniers furent abattus, au prix d’un chasseur japonais. Le
régiment y retourna le 28 mars avec 18 Hayabusa,
et, prenant les Britanniques par surprise, détruisit sept Hurricane et un avion de transport, un
autre chasseur ennemi étant abattu peu après avoir décollé. La Royal Air Force abandonna l’aéroport,
trop vulnérable, à la suite de ce revers.
Bombardiers ki-21, appartenant ici à une unité d'écolage (via wikimedia) |
Le 8 avril 1942,
huit ki-43-I furent envoyés contre l’aérodrome de Loiwing, non loin de la
frontière burmo-chinoise. Abandonnant toute prudence, l’ensemble de la
formation japonaise s’aligna pour mitrailler le terrain, sans conserver une
partie de ses appareils en altitude pour assurer sa couverture. Les Alliés,
alertés de l’imminence d’un raid grâce à un radar, avaient fait décoller quatre
Hurricane de la RAF et neuf P-40 de l’AVG, qui orbitaient en dessus leur base à
haute altitude, et se trouvèrent ainsi en position idéale pour attaquer les
avions ennemis. Ils abattirent quatre Hayabusa
sans subir de pertes, à l’exception d’un seul P-40 mitraillé au sol. Les
pilotes alliés revendiquèrent douze victoires au cours du combat. Deux jours
plus tard, le 64e sentai s’en
prit à Loiwing à deux reprises, perdant encore deux appareils et abattant un
seul Hurricane. Durant ses opérations contre ce terrain, le régiment perdit
donc six appareils et n’obtint qu’une seule victoire, au dépend d’un Hurricane
du squadron 17. Cette défaite était annonciatrice
des déconvenues que l’ensemble des pilotes japonais rencontra plus tard dans la
guerre. D’une part, les Américains bénéficièrent d’un système d’alerte avancée
fonctionnel leur permettant de ne pas être surpris et de positionner leurs
chasseurs dans une position favorable sur le plan tactique, et d’autre part, l’American Volunteer Group fut le premier
à mettre en place des tactiques neutralisant les avantages des appareils
japonais. Les pilotes américains accumulaient le plus de vitesse possible,
tiraient sur l’ennemi, et redressaient aussitôt avant d’entamer une nouvelle
passe, et évitaient à tout prix de suivre un chasseur japonais dans des
évolutions serrées à basse vitesse, domaine où ils étaient rois. En situation
d’infériorité, et si ils étaient à une altitude suffisante, les aviateurs de
l’AVG mettaient à profit la robustesse de leurs P-40 pour piquer, sachant que
leurs adversaires, moins lourds et plus fragiles, ne parviendraient pas à les
suivre.
P-40 des Tigres Volants (via wikimedia) |
Le régiment
quitta bientôt Chiang Mai pour Toungoo, et le 28 avril, 20 type 1 chargés
d’escorter 24 bombardiers du 12e sentai
en route vers Loiwing rencontrèrent dix-huit P-40 de l’AVG. Sept Hayabusa se détachèrent de la formation
et affrontèrent les chasseurs ennemis, le reste du régiment continuant à
protéger les bimoteurs. Les Japonais perdirent deux chasseurs, bien que les
pilotes américains revendiquèrent une quinzaine de victoires. L’avancée des
troupes japonaises contraignit les Alliés à abandonner Lashio et Loiwing le 30
avril 1942, l’AVG se repliant en Chine. Le 4 mai, un P-40 isolé tenta
d’intercepter des bombardiers du 98 sentai
au-dessus de Baoshan, mais fut abattu par un trio de chasseurs du 64e
sentai, alors que d’autres appareils
du régiment détruisaient deux autres P-40 au sol en mitraillant le terrain
ennemi. Un type 1 dû atterrir en catastrophe le lendemain après avoir été
touché par des appareils ennemis lors d’une autre mission contre Baoshan. Puis,
les 8 et 9 mai, le régiment escorta des bombardiers visant Chittagong, avant
d’être transféré vers le terrain d’Akyab, récemment capturé, quelques jours
plus tard.
Les chasseurs
basés à Akyab abattirent un Hudson du squadron
62 le 17 mai, suivi par un deuxième de la même unité le 21 mai. Le même jour,
un ki-43-I fut perdu à la suite d’une explosion sans raisons apparentes au
retour d’un raid sur Chittagong. Le lendemain, un Blenheim IV du squadron 60
surgit au-dessus d’Akyab, et plusieurs appareils japonais décollèrent et se
lancèrent à sa poursuite. Le bombardier britannique tenta de s’échapper en
volant au raz des flots, contraignant les pilotes ennemis à entrer dans le
champ de tir de son mitrailleur arrière lors de leurs attaques. Deux chasseurs
furent ainsi rapidement endommagés sans avoir pu infliger de dégâts à l’avion
britannique. Le lieutenant-colonel Kato piqua à son tour sur cette cible, mais
le ventre de son Hayabusa fut touché
de plein fouet par une rafale du Blenheim IV alors qu’il effectuait sa
ressource. L’appareil s’enflamma et plongea vers la mer. Tateo Kato fut promu
major-général à titre posthume et son nom continua à être exploité par la
propagande, notamment avec le film Kato hayabusa sento-tai, produit par
la Toho avec le soutien de l’armée impériale, et sorti en 1944. Avec l’arrivée de la mousson, le 64e sentai
fut mis au repos et se replia vers Mingaladon au début du mois de juin,
mettant ainsi fin à une période de combats quasi ininterrompues depuis le 8
décembre 1941.
Affiche du film de la Toho de 1944 (via wikimedia) |
Durant ces six mois, le 64e sentai
avait incontestablement été un adversaire redoutable pour ses adversaires,
même si son affrontement avec les Flying Tigers avait eu pour effet de
réduire la ratio de 2 victoires pour 1 perte en combat aérien dont il avait
bénéficié en Malaisie. En effet, depuis son arrivée à Chiang Mai, le régiment
perdit huit appareils dans ce type d’affrontements, dont sept furent victimes
de l’AVG, mais abattit en retour un P-40, six Hurricane et deux Hudson; soit un
victoire pour une perte en moyenne. Se limiter à l’analyse des combats aériens
peut cependant s’avérer trompeur. L’autonomie de ses type 1 impliqua que
l’activité majeur du sentai consista à escorter les raids de bombardiers
visant les terrains ennemis, et à parachever leur action en mitraillant ceux-ci
à basse altitude. La doctrine du service aérien de l’armée impériale, très
offensive, postulait en effet que la suprématie aérienne s’obtiendrait par des
attaques concentrées visant les aérodromes de l’adversaire; les combats aériens
étaient donc un moyen et non pas une fin en soi. Le fait que durant six mois de
campagne, seul quatre chasseurs du régiment furent détruits sur leur terrain
suite à une action de l’ennemi, alors que sur les six P-40 de l’AVG détruits par
le sentai en Birmanie, cinq le furent au sol, illustre cette réalité. Au
total, les chasseurs du 64e sentai détruisirent ou endommagèrent
plusieurs dizaines d’avions britanniques, néerlandais et américains sur leurs
terrains. A l’évidence, une part conséquente de ce succès revient au fait que
ses pilotes, aussi entraînés fussent-ils, bénéficièrent du fait d’appartenir au
camp qui s’était emparé de l’initiative.
Bibliographie
Krzysztof Janowicz, 64 sentai, Kagero, 2002
Dimitar
Nedialkov, In the Sky of Nomonhan, Crécy Publishing Limited, 2011
Hiroshi
Ichimura, Ki-43 « Oscar » Aces of World War 2, Osprey Publishing
Limited 2009
Christopher Shores et
Brian Cull avec Yasuho Izawa, Bloody Shambles vol.1, Grub Street,
1992
Ikuhiko
Hata, Yasuho Izawa et Christopher Shores, Japanese army air
force fighter units and their aces, 1931-1945, Grub Street, 2002
William
Green et Gordon Swanborough, Japanese Army Fighters, Part 2, Pilot
Press Limited, 1977
Yasuho
Izawa, le 64e sentai en Chine, in revue aerojournal numéro
21, avril-mai 2011
Christian-Jacques
Ehrengardt, Les Tigres Volants, in
revue aerojournal numéro 13, décembre 2009 - janvier 2010
Vladimir
Kotelnikov, Etoile rouge contre Soleil levant, revue Batailles aériennes numéro
50, octobre, novembre et décembre 2009
Michel
Ledet, la ruée japonaise, la conquête de la Malaisie & la chute de
Singapour, revue Batailles aériennes numéro 40, avril, mai et juin 2007
Michel
Ledet, la ruée japonaise, la conquête des Indes Néerlandaises 1e
partie, revue Batailles aériennes numéro 42, octobre, novembre et décembre
2007
Michel
Ledet, la ruée japonaise, la conquête des Indes Néerlandaises 2e
partie, revue Batailles aériennes numéro 43, Janvier, février et mars 2008
Il est étonnant de constater aujourd'hui à quel point l'armée et la marine menaient leur propre guerre et se comporter comme quasiment deux armées différente. Peu de matériels communs, stratégies souvent contradictoires, beaucoup d'unités en doublon tels des parachutistes chez la marine.
RépondreSupprimerCe qui m'avait le plus étonné, ce que l'armée impériale avait ses propres navires dont quatre porte-avions d'escorte depuis des navires transformés pour ce rôle servant essentiellement de transport d'avions et de navires de débarquements à partir de 1942 tandis que deux autres ont vu leur construction arrêté par la défaite.
Et un tel manque de coordination était un luxe que le Japon pouvait difficilement se permettre.La constitution par l'armée de sa propre flotte de transport en dit long sur l'incapacité de ces deux services à communiquer. Le plus dommageable a sans doute été la poursuite de deux stratégies parallèles et contradictoires avant-guerre. Ceci étant dit, les deux services parvenaient tout de même à coopérer efficacement et régulièrement à des échelons subalternes, mais, si j'ai bien compris, cela dépendait beaucoup des personnalités des responsables concernés.
RépondreSupprimerMais il faut aussi reconnaître que le Japon n'a pas été le seul à souffrir de ce genre de problèmes institutionnels durant la guerre.
La division blindé Hermann Göring de la Luftwaffe est en effet un autre exemple de ''guerre de chapelle'' édifiant.
RépondreSupprimer