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jeudi 22 novembre 2012

La guerre de l'Ogaden (1977-1978)

un conflit régional éclipsé par la guerre froide
 


par Stéphane Mantoux, animateur du blog Historicoblog3

La guerre de l'Ogaden est d'abord un conflit frontalier opposant la Somalie du général Siad Barre à l'Ethiopie du colonel Mengistu, entrée en révolution en 1974. Elle trouve son origine dans des problèmes anciens concernant les délimitations de frontières au moment de la décolonisation. Elle est aussi provoquée par une opportunité qu'a saisie Siad Barre : celle du chaos et de la désorganisation supposée de l'Ethiopie, secouée par une révolution, et qui doit permettre aux Somaliens de reprendre la province de l'Ogaden. Elle marque surtout un renversement spectaculaire de la position de l'URSS, qui a soutenu jusque là le régime somalien, et qui va désormais appuyer l'Ethiopie agressée par son voisin. L'Armée Rouge profite d'un conflit qu'elle a en grande partie initié, par des livraisons d'armes aux deux camps, pour tester de nouveaux matériels et de nouvelles tactiques militaires sur le champ de bataille. Si la guerre de l'Ogaden s'inscrit parfaitement dans la dimension globale de la guerre froide, il n'en demeure pas moins que ses conséquences seront surtout importantes pour les deux Etats africains concernés.

Au départ, un conflit frontalier...

La Corne de l'Afrique dans laquelle prend place ce conflit n'a pas une définition précise : c'est plus une métaphore qu'une réalité politique. Elle comprend l'Ethiopie, l'Erythrée, la Somalie et Djibouti, auxquels sont parfois rajoutées d'autres nations voisines. Ces territoires forment en quelque sorte un pont entre le Moyen-Orient et l'Afrique subsaharienne, dont l'influence géopolitique ne doit pas être sous-estimé. La Corne de l'Afrique est en effet sur le flanc des pays producteurs de pétrole de la péninsule arabique : elle contrôle les détroits de Bab El Manded et une partie du golfe d'Aden par lesquels passent nombre de pétroliers[1].

La Russie s'intéresse depuis longtemps à cette région. Les premiers contacts, en particulier, avec le royaume éthiopien, sont pris dès la fin du Moyen Age. Au XIXème siècle, pour contrer la mainmise britannique sur l'Egypte et le canal de Suez, la Russie tsariste, convaincue par ailleurs du potentiel économique de l'Ethiopie, y expédie des armes et des conseillers militaires, qui contribuent en partie à la  victoire de Ménélik II[2] sur l'Italie à Adoua en 1896. En 1887 par ailleurs, l'Ethiopie a annexé la province du Harar, évacuée par les Egyptiens, puis celles du Haud et de l'Ogaden, peuplées de Somaliens et sous protectorat britannique. Un traité sur les nouvelles frontières est signé entre l'Ethiopie, l'Italie et la Grande-Bretagne en 1897, mais sans consulter les populations somaliennes des provinces concernées, ce qui n'est pas sans conséquences sur la suite des événements.

Les liens russo-éthiopiens se distendent après la révolution bolchevique de 1917, notamment parce qu'un certain nombre de Russes blancs trouvent alors refuge en Ethiopie. Il faut attendre les années 30 pour que des relations commerciales soient rétablies, l'Union Soviétique négociant aussi avec la Somalie française et la colonie italienne d'Erythrée. En 1935, l'URSS dénonce l'invasion italienne de l'Ethiopie par Mussolini à la Société Des Nations, mais devant l'inefficacité de l'institution chargée de garantir la paix, elle préfère sauvegarder ses échanges commerciaux avec le régime fasciste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'image de l'URSS en Ethiopie va considérablement s'améliorer de par l'agression allemande, la dissolution du Komintern en avril 1943 et enfin, le 4 septembre de la même année, la réhabilitation de l'Eglise orthodoxe par Staline[3]. Des relations diplomatiques sont établies entre l'Ethiopie et l'URSS[4].


L'empereur Haïlé Sélassié s'oppose alors violemment aux Britanniques après la défaite des Italiens, consommée dès 1941. Ceux-ci conservent en effet un contrôle de l'Ogaden et du Haud, ainsi que de la voie ferrée menant de la ville éthiopienne de Dire Dawa à la Somalie française. Les frontières avec le Somaliland britannique sont redéfinies, mais les Britanniques ne reconnaisssent pas les frontières éthiopiennes avec leur territoire tandis que le traité de 1897 laisse dans le flou la frontière entre l'Ethiopie et la Somalie italienne. Les Britanniques ont installé une administration militaire dans les colonies italiennes reconquises (Somalie, Erythrée), où ils laissent se développer une agitation politique nationaliste. En 1944, ils font cependant un geste en rétrocédant à l'Ethiopie le chemin de fer franco-éthiopien et en retirant leurs garnisons du pays.

...transformé par les enjeux de la guerre froide (1945-1960)

L'Ethiopie, de plus en plus méfiante à l'égard des intentions britanniques, se tourne alors, en 1944-1945, vers les Etats-Unis. La première concession pour l'exploration pétrolière est ainsi donnée à une compagnie américaine, Sinclair. Les Etats-Unis considèrent l'Ethiopie comme un rempart contre le communisme dans cette partie de l'Afrique. Sous leur pression, le Royaume-Uni évacue l'Ogaden en 1948, ce qui provoque des émeutes en Somalie britannique où la Ligue de la Jeunesse Somalienne, formée en 1947, prône la formation d'une « Grande Somalie » incorporant l'Ogaden. De la même façon, l'ONU décide, en 1950, que l'Erythrée sera une unité autonome fédérée au sein du royaume d'Ethiopie. Pour remercier les Américains, Haïlé Sélassié envoie en 1951 un bataillon de sa Garde combattre en Corée ; en mai 1953, un accord concède aux Américains l'installation d'un centre de communications radio à Kagnew, près d'Asmara, en Erythrée[5]. En échange, les Etats-Unis s'engagent à former trois divisions éthiopiennes de 6 000 hommes. Peu de temps après, en 1954, les Britanniques se retirent des derniers territoires qu'ils contrôlaient, le Haud et la Zone des Réserves.

L'URSS ne s'est alors pas beaucoup impliquée dans la Corne de l'Afrique, et considère que l'Ethiopie fait désormais partie du camp occidental, à cause de ses relations avec les Etats-Unis. Cependant, avec la mort de Staline en 1953 et la conférence de Bandung en avril 1955, soutenue par l'Empereur éthiopien, les Soviétiques commencent à réviser leur point de vue. Haïlé Sélassié milite en effet en faveur du panafricanisme qui s'exprime à la conférence des Etats africains d'Accra en 1958. Par ailleurs, il n'est pas fâché d'élargir ses relations avec l'URSS pour faire pression sur les Etats-Unis, d'autant plus que des troubles secouent l'Ogaden depuis sa réincorporation à l'Ethiopie en 1954. Par ailleurs, il durcit sa politique à l'égard de l'Erythrée : après avoir suspendu la constitution et dissout l'Assemblée, il réprime brutalement une grève générale organisée par les syndicats en 1958. Haïlé Sélassié est alors obsédé par la peur de « l'encerclement musulman » de l'Ethiopie, et il estime que les Etats-Unis ne l'en protègent guère. C'est pourquoi, en juin 1959, il est le premier chef d'Etat africain à se rendre en URSS. L'effet est immédiat : l'année suivante, les Etats-Unis, par un accord secret, s'engage à fournir une assistance militaire pour entraîner et équiper l'armée éthiopienne à hauteur de 40 000 hommes.

La naissance de la Somalie : l'escalade des tensions (1960-1969)

Le 1er juillet 1960 marque une date importante dans l'histoire de la Corne de l'Afrique : c'est la naissance de la Somalie, réunion de l'ancien Somaliland britannique et de la colonie italienne de Somalie. Cependant, cet Etat ne correspond pas aux aspirations du nationalisme local puisque plus d'un million de Somaliens se trouvent à l'extérieur de ses frontières, en Somalie française, au nord du Kenya et dans la province éthiopienne de l'Ogaden. Dès le départ, la Somalie refuse de reconnaître ses frontières, ce qui se traduit par exemple, sur le drapeau national, par l'adoption d'une étoile blanche à cinq branches, chaque pointe représentant un segment de la Somalie divisée par les puissances coloniales.

Dès lors, les affrontements entre le nouvel Etat et l'Ethiopie sont croissants. En janvier 1961, après une tentative de coup d'Etat à Addis-Abeba, des accrochages ont lieu à la frontière éthiopo-somalienne, dont les Ethiopiens sortent vainqueur. En décembre, une tentative de coup d'Etat a lieu cette fois en Somalie, sans doute fortement appuyée par le voisin éthiopien. La Somalie réalise alors qu'elle aura besoin, pour appuyer ses revendications, d'une armée professionnelle, qu'il reste à former et à entraîner. Elle se tourne alors vers le camp occidental : mais, en janvier 1961, l'administration Kennedy rejette la demande d'une aide militaire de 9 millions de dollars formulée par Mogadischio. L'URSS se propose alors de remplacer les Américains : des relations diplomatiques avaient été établies en septembre 1960. Un accord est signé avec le Premier Ministre somalien, Ali Shermarke, à Moscou, le 2 juin 1961. Entre 1961 et 1963, les Somaliens jouent en fait la carte soviétique pour tenter d'obtenir l'assistance militaire occidentale. Mais, en novembre 1963, ils finissent par accepter une proposition soviétique plus intéressante pour eux que ne le sont les propositions américaines, italiennes et ouest-allemandes en particulier : formation et entraînement d'une armée passant de 2 à 10 000 hommes, livraison de matériels plus modernes (chars T-34 et avions de combat MiG-15), entraînement des officiers somaliens en URSS (il y en aura 600 en 1966), établissement d'une mission militaire soviétique à Mogadischio (250 conseillers militaires en 1966)[6].

Troupes somaliennes photographiées en 1983 (wikicommon)
La stratégie soviétique d'implantation simultanée en Ethiopie et en Somalie commence toutefois à connaître quelques ratés. L'Ethiopie n'a plus besoin de brandir la menace du recours à l'URSS, puisque les Etats-Unis ont répondu à ses besoins, et proposent même de livrer une escadrille de 12 chasseurs F-5. Par ailleurs, l'Ethiopie est un des Etats les plus en vue de l'Organisation de l'Unité Africaine, nouvelle institution installée à Addis-Abeba en mai 1963. Quant à la Somalie, elle continue de négocier avec les Occidentaux tout en ouvrant de nouveaux rapports avec la Chine populaire, qui n'est déjà plus en bons termes avec l'URSS. En février 1964, un nouvel incident armé oppose Ethiopiens et Somaliens sur la frontière de l'Ogaden, d'où les premiers sortent à nouveau vainqueurs[7]. De nouveaux combats ont lieu entre les nomades somaliens et les troupes éthiopiennes entre 1964 et 1966. La Somalie suit aussi de très près le résultat du référendum en Somalie française, le 19 mars 1967, où la population choisit de maintenir l'association avec la France, un résultat que Mogadischio dénonce immédiatement comme une fraude électorale.

L'URSS soutient indirectement le principal mouvement de guérilla né en Erythrée en 1961 : le Front de Libération de l'Erythrée (FLE). La Syrie alimente le mouvement en armes et en munitions : entre 1964 et 1967, la guérilla passe de quelques centaines d'hommes mal équipés à 2000 combattants munis d'armes modernes (AK-47, des mortiers et lance-roquettes chinois). Le QG de l'organisation est située à Damas : la Syrie baasiste soutient, en fait, un mouvement de libération arabe qui combat un régime pro-israëlien. Mais l'URSS donne son accord, car, d'une part, les armes viennent essentiellement de Tchécoslovaquie, et, d'autre part, Moscou veut contrer l'aide apportée au mouvement par la Chine, l'ennemi du camp socialiste. Haïlé Sélassié dénonce publiquement l'aide apportée par les Soviétiques à la rebéllion érythréenne en 1966. A ce moment-là, il est certain que l'URSS valorise davantage sa relation avec la Somalie, préférée à l'Ethiopie.

A la fin des années 60, pourtant, la position de l'URSS au sein de la guerre froide a elle-même changé. Ayant atteint une certaine parité avec les Etats-Unis dans le domaine des armes nucléaires, les Soviétiques ont tendance à vouloir affirmer leur présence dans ce que l'on appelle alors communément le « Tiers-Monde »[8] par des moyens politiques et militaires, et ce sans forcément favoriser, au départ, un régime d'inspiration socialiste. C'est ainsi que l'URSS appuie militairement le Soudan dès 1968 (livraison de chars T-34 et T-54, de chasseurs MiG-21), et encore davantage après le coup d'Etat militaire du général Numeiry en mai 1969. L'armée soudanaise, grâce aux livraisons soviétiques, passe de 30 à 50 000 hommes. L'URSS s'installe aussi au Sud-Yémen, d'où les Britanniques se retirent en novembre 1967, pour laisser la place à la République Démocratique Populaire du Yémen (RDPY). Ceci alors même que les Soviétiques se désengagent au Nord-Yémen, où ils soutenaient le régime républicain contre les monarchistes, aux côtés des Egyptiens directement engagés sur place, et qui se retirent eux aussi à la fin de l'année 1967[9]. Par ailleurs, la marine soviétique commence à envoyer régulièrement un certain nombre de ses bâtiments en croisière dans l'Océan Indien. L'URSS cherche ainsi à contrer la menace d'une frappe nucléaire américaine à partir de cet océan, ainsi que l'acquisition par les Etats-Unis, en décembre 1966, de la base de Diego Garcia[10].

Les Soviétiques, cependant, s'impliquent un peu moins dans la Corne de l'Afrique. Occupée à reconstruire l'appareil militaire égyptien détruit en 1967 pendant la guerre des Six Jours tout en menant la Guerre d'Attrition[11], attirée par les ouvertures au Soudan ou au Yémen, l'URSS réduit son aide au FLE et les livraisons d'armes à la Somalie, de peur d'une escalade vers un conflit régional. Résultat : le FLE perd du terrain face à une grande offensive éthiopienne lancée en septembre 1967, tandis que les guérillas somaliennes dans l'Ogaden reculent elles aussi. La Somalie cherche alors à négocier avec l'Ethiopie sur la question de l'Ogaden, tout en rétablissant des liens diplomatiques avec le Royaume-Uni en 1967, ce qui alarme l'URSS. Les Soviétiques relancent alors les livraisons d'armes pour le FLE, lequel remporte plusieurs succès contre l'armée éthiopienne en 1969 tout en entamant une politique d'attentats à la bombe et de détournements d'avions à travers le monde pour faire connaître sa cause.

L'arrivée au pouvoir de Siad Barre : une opportunité saisie par l'URSS (1969-1974)

Alors que la position de l'URSS dans la Corne de l'Afrique est au plus bas, le 15 octobre 1969, le Président somalien Ali Shermarke est assassiné par ses gardes du corps. Avant que les instances politiques n'aient pu intervenir, un Conseil Révolutionnaire Suprême est créé par l'armée, dirigé par le général Mohammed Siad Barre, commandant en chef des forces somaliennes. Le Premier Ministre Egal est arrêté, ainsi que de nombreux hommes politiques, tandis que la constitution est suspendue, le Parlement dissous, tous les partis politiques déclarés illégaux. Le pays est rebaptisé République Démocratique de Somalie. Siad Barre entame alors un virage radical à l'intérieur du pays : il expulse les conseillers militaires et les membres de l'ambassade américaine en décembre 1969, puis nationalise en mai 1970 une bonne partie de l'économie (banques, compagnies pétrolières, etc). Le coup d'Etat est accueilli comme une aubaine par les Soviétiques, qui saluent la révolution somalienne tout en la sauvant, par la présence d'une partie de leur flotte à Mogadischio, d'une première tentative de coup d'Etat. Fin 1970, on compte déjà plus de 900 conseillers soviétiques en Somalie. Si l'URSS n'a pas organisé directement le coup d'Etat des militaires, elle s'est bien gardée d'intervenir : il faut dire que la Somalie souffrait alors des défauts d'un système électoral trop complexe, alors que les  négociations avec l'Ethiopie privaient les militaires somaliens de leur raison d'être -l'irrédentisme national et la récupération des provinces peuplées par les Somaliens dans les pays frontaliers.
Siad Barre avec Nicolae Ceausescu en 1976 (wikicommon)
Le régime de Siad Barre relance d'ailleurs immédiatement la tension sur la frontière avec l'Ethiopie. Des accrochages avaient déjà eu lieu à l'été 1969, dans les mois précédant le coup d'Etat. En 1970 apparaît au grand jour une nouvelle organisation, qui existe en réalité depuis plusieurs années : le Front de Libération de la Somalie Occidentale (FLSO), soutenu par Mogadischio. Ces événements ne sont pas sans inquiéter l'Ethiopie qui doit faire face au regain d'activité du FLE en Erythrée : un gouverneur de district et le commandant de la 2ème division éthiopienne sont tués en 1970. En décembre, l'Erythrée est placée sous la loi martiale, tandis que l'armée multiplie les bombardements aériens destructeurs sur la province. Cependant, les premières scissions commencent à apparaître au sein du FLE, avec deux mouvements qui s'en détachent cette année-là. Par ailleurs, l'Empereur, en reconnaissant la Chine Populaire comme seul Etat chinois le 2 décembre 1971, coupe l'une des sources d'approvisionnement de la guérilla. Sur le papier, à ce moment-là, les forces armées éthiopiennes ont encore l'avantage sur leurs homologues somaliennes : elles disposent d'abord de la supériorité numérique (3 contre 1, et ce même si 15 à 20 000 soldats éthiopiens sont engagés en Erythrée), et d'une des forces aériennes les mieux équipées et les mieux entraînées de l'Afrique subsaharienne, sans égale côté somalien. L'Ethiopie, pourtant, ne peut plus autant compter sur le soutien américain, alors que les Etats-Unis sont enlisés au Viêtnam et délèguent, avec Kissinger, la responsabilité de se défendre contre le communisme aux acteurs locaux. Le remploi de la « carte soviétique », avec la visite de l'Empereur à Moscou en 1970, ne provoque pas de réaction côté américain : et ce d'autant plus que l'Ethiopie est devenue moins attrayante depuis l'acquisition de la base de Diego Garcia et la mise au point des technologies de communications satellites, qui suppriment l'utilité de la base de communications de Kagnew[12].

Comparaison entre les forces militaires de l'Ethiopie et de la Somalie, 1969-1970


 

Ethiopie

Somalie

Effectifs totaux

41 000

10 000

Chars

Environ 50 (M-41 et M-24 américains).

Environ 150 (T-34 soviétiques).

Véhicules blindés

Environ 40 (plus quelques véhicules de reconnaissance).

Environ 60 (dont des BTR-152 soviétiques, plus quelques véhicules de reconnaissance).

Navires de combat

12 (un navire d'instruction, 5 patrouilleurs, 2 vedettes lance-torpilles, 4 navires de débarquement).

6 patrouilleurs.

Appareils de combat

43 (6 Canberra B-2, 12 F-86F, 8 SAAB-17, 8 F-5A, 6 T-28 et 3 T-33).

18 (chasseurs MiG-15 et MiG-17).

Autres appareils

57 (6 C-47, 2 C-54, 3 Doves, 1 Il-14, 15 SAAB, 19 Safirs, 8 T-28, 3 hélicoptères Alouette).

Au moins 27 (20 Yak-11, 6 MiG-15/17 UTI, des C-45, C-47 et 1 An-24 de transport).

Source : Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990.

Entre 1971 et 1974, l'URSS s'implique de plus en plus aux côtés du jeune régime somalien. Les livraisons d'armement s'accélèrent avec notamment l'envoi de chasseurs MiG et de chars T-54, ainsi que de nombreux autres équipements lourds. Les Soviétiques obtiennent une base navale importante à Berbera ainsi que l'accès aux aérodromes somaliens. En 1974, année de la signature d'un important traité d'amitié et de coopération entre les deux pays, on compte 1600 conseillers militaires soviétiques en Somalie. A ce moment-là, l'URSS a perdu les liens privilégiés qu'elle avait avec le Soudan de Numeiry (1971), alors même que le président Sadate en Egypte expulse les conseillers militaires soviétiques (1972). En 1972, l'URSS choisit donc de renforcer le potentiel militaire somalien : elle expédie des chasseurs MiG-15 et MiG-17, des bombardiers Il-28, des Yak d'entraînement, des Antonov de transport, des chars T-34 et T-54, des véhicules de transport de troupes blindés, des vedettes lance-torpilles P-5 et des quantités de matériels d'artillerie. Avec ces livraisons soviétiques, le potentiel militaire somalien augmente de moitié. L'URSS bâtit aussi une station navale de premier ordre à Berbera : une jetée flottante à trois sections, un pipeline reliant le port à un aérodrome militaire, un atelier de réparation flottant amené depuis Vladivostok, une station de communication à longue portée, une installation de manipulation de missiles, une piste de 5 000 m de long permettant le décollage de bombardiers Tu-95 Bear ou d'Il-38 May pour la lutte anti-sous-marine sur l'Océan Indien.

Siad Barre renforce la coopération avec l'URSS en se calquant de plus en plus étroitement sur le modèle socialiste. Cela ne veut pas dire que la Somalie devient un simple satellite soviétique : au contraire, le général-dictateur s'inscrit aussi dans un respect des pratiques nationales et des revendications traditionnelles -sur l'Ogaden, par exemple- pas forcément soutenues par l'URSS. Mais on voit apparaître en 1972 les Pionniers de la Victoire, une organisation inspirée des Komsomols soviétiques ; le Service de Sécurité Nationale, police politique dirigée par le gendre de Siad Barre, le Colonel Ahmed Suleiman Abdulle, est formé avec l'aide du KGB et de conseillers de la RDA. Parallèlement, Siad Barre cherche à obtenir le maximum de soutiens étrangers dans sa lutte de reconquête territoriale sur l'Ethiopie. Il prend fait et cause pour les pays arabes lors de la guerre du Kippour en 1973 et renforce les liens militaires avec l'Egypte. Les relations avec l'Ethiopie restent cependant assez cordiales jusqu'en 1972, Siad Barre coupant même les vivres pendant un temps au FLSO. Mais, à la fin de cette année-là, une compagnie pétrolière américaine affirme avoir trouvé des ressources substantielles en gaz naturel dans le Bale, une partie de la province de l'Ogaden. Les tensions reprennent à la frontière à un moment où la Somalie a commencé à rattraper son retard militaire sur l'Ethiopie. En 1973, les Somaliens alignent plus de 17 000 hommes alors qu'ils n'en avaient que 12 000 en 1970. Les forces éthiopiennes stagnent elles autour de 45 000 hommes. Plus important, sur le plan du matériel, les Somaliens ont acquis de nombreux chasseurs soviétiques, MiG-15, MiG-17 et MiG-19, sans contrepartie du côté éthiopien.

Dans le même temps, l'URSS commence à se rendre compte de la faiblesse du régime impérial en Ethiopie. En 1970, une sécheresse catastrophique entraîne la destruction des récoltes dans le Tigré et dans le Wollo, puis s'étend à l'ensemble du pays. La famine qui suit tue plusieurs centaines de milliers de paysans éthiopiens. En outre, la rébellion en Erythrée s'intensifie, les deux principaux mouvements, le FLE et le Front Populaire de Libération de l'Erythrée (FPLE), se combattent, mais portent aussi des coups très durs à l'armée éthiopienne, soutenue pourtant par des conseillers militaires israëliens spécialisés dans la contre-insurrection. La Syrie et l'Irak soutiennent le FLE tandis que la Lybie du colonel Khadafi appuie le FPLE. Devant ses difficultés, l'Empereur s'envole vers Washington en mai 1973 pour requérir une aide militaire supplémentaire des Etats-Unis. Mais l'administration Nixon ne concède que quelques F-5 supplémentaires, des chars M-60, des navires de patrouille, et non pas les missiles air-sol demandés par Haïlé Sélassié. Les Américains ferment par ailleurs la base de Kagnew en octobre 1973, réduisent leur aide militaire et ne laissent qu'un Military Assistance Advisory Group (MAAG) de 107 hommes, chargé de fournir l'instruction au centre de parachutisme de Dabre Zeit ainsi qu'à l'académie militaire d'Harar. L'Empereur se rapproche alors à nouveau de l'URSS, qui commence à penser que l'Ethiopie est mûre pour la révolution, ressemblant étrangement d'ailleurs à la Russie tsariste de 1917 dans sa configuration socio-économique[13].

La révolution en Ethiopie : l'URSS change de fusil d'épaule (1974-1976)

L'URSS continue cependant de favoriser la Somalie : le 11 juillet 1974, un traité d'amitié et de coopération est signé entre les deux Etats. Il fait suite à l'entrée de la Somalie, quelques mois auparavant, dans la Ligue Arabe, appuyée par l'Arabie Saoudite qui cherche à détourner Siad Barre des sirènes du communisme. Mais les Soviétiques vont être pris de court par un événement encore plus important : fin janvier 1974, une mutinerie éclate dans la 4ème brigade de l'armée éthiopienne au sud-ouest du pays, puis l'émeute se généralise à tout le pays. Le 28 février, l'Empereur est obligé de faire démissionner tout le gouvernement. C'est pourquoi, convaincu que l'URSS doit muscler ses liens avec la Somalie en vue d'une crise avec le voisin éthiopien, les Soviétiques annoncent le traité du 11 juillet. Des livraisons de MiG, d'Il-28, de systèmes de défense anti-aérienne SA-2 et SA-3, de chars T-54 et d'artillerie suivent immédiatement.

En Ethiopie, après les premiers mois assez confus de la révolution déclenchée en janvier 1974, l'armée prend finalement les choses en main. Le 27 juin, elle annonce la formation d'un comité coordonnant les efforts de l'armée, de la police et de la Garde Nationale, connu sous le terme amharique[14] utilisé pour le désigner : le Derg. Celui-ci organise une campagne de dénigrement de l'Empereur, qui est finalement déposé le 12 septembre. Le Derg est alors dominé par le général Aman Andom, qui base son programme sur le slogan « Ethiopie d'abord », mais sans véritable vision idéologique. Il entre en conflit avec des officiers plus jeunes menés par le major Mengistu Haile Mariam et le major Atnafu Abate. Le conflit se solde le 22 novembre par l'assassinat d'Aman, remplacé quelques jours plus tard à la tête du Derg par le général Teferi Bante, qui a l'approbation de Mengistu. Le 20 décembre, le régime commence à adopter une orientation socialiste. Le Derg collabore alors avec le MEISON, un groupe civil orienté à gauche, mais doit affronter l'opposition du  Parti Révolutionnaire du Peuple Ethiopien (PRPE), fondé en août 1975, et qui milite pour une révolution plus populaire que ne l'est, à ses yeux, le Derg. Celui-ci écrase le mouvement et doit ensuite faire face à l'Union Démocratique Ethiopienne (UDE), fondée en août 1975, et qui rassemble l'opposition de droite face au nouveau régime.

Mengistsu Haile Mariam (wikicommon)
En Erythrée, les rebelles profitent de la désorganisation du pays pour lancer des attaques sur la capitale, Asmara. Le Derg mobilise alors 40 000 paysans miliciens mal entraînés et mal équipés, jetés au feu sans aucune expérience du combat, et qui sont mis en déroute par les rebelles. Dans l'Ogaden, une terrible famine a lieu en 1974-1975, provoquant l'installation de camps de réfugiés en Somalie. Siad Barre en profite pour relancer le FLSO dans la région disputée. En avril 1976, le major Mengistu reconnaît lui-même que l'Ethiopie doit faire face à des soulèvements armés dans 8 des 14 régions du pays. En fait, seulement trois de ces insurrections sont menaçantes pour le Derg. Dans le Tigré, une province voisine de l'Erythrée, le Front de Libération Des Peuples du Tigré (FLPT), fondé en février 1975, contrôle une bonne partie de la province et a aidé les insurgés d'Erythrée à battre la « Marche Rouge » des paysans miliciens en mai 1976. Plus à l'est, au sud de l'Erythrée, la communauté des Afars menée par le sultan Ali Mireh prend les armes en mars 1975 au sein du Front de Libération Afar (FLA), soutenue par la Somalie et l'Arabie Saoudite, et mène des attaques sur la route entre le port d'Assab en Erythrée et la capitale Addis-Abeba. Enfin, au sud et à l'ouest de la capitale, les Oromos ont formé, dès octobre 1974, le Front de Libération Oromo (FLO), qui lance des opérations de guérilla en juillet 1976. A la mi-1976, l'Ethiopie semble au bord de l'implosion ; le Derg lui-même connaît des querelles internes qui virent à l'affrontement armé et à l'assassinat ciblé. Pourtant, le major Mengistu commence déjà à s'imposer à la tête de l'édifice.

L'URSS ne s'intéresse au départ qu'assez prudemment au nouveau régime, le Derg. Elle applaudit cependant lors de la déposition de l'Empereur, en septembre 1974, et surtout à partir de décembre, quand l'orientation socialisante du Derg se confirme officiellement. Lorsque le Derg adopte un programme de réforme agraire et de distribution des terres aux paysans pauvres, en mars 1975, le soutien de l'URSS se fait plus prononcé. Les Soviétiques commencent à changer de discours à propos de la rébellion en Erythrée : on se souvient qu'ils la soutenaient indirectement sous l'ancien régime. Ce revirement met en rage Siad Barre, qui appuie la guérilla en Erythrée, et qui comprend alors que l'URSS ne le suivra pas dans sa politique de reconquête territoriale de l'Ogaden. Les Soviétiques, cependant, malgré de nombreux échanges avec le Derg, refusent au départ de livrer des armes. Les Ethiopiens se tournent alors vers les Américains, qui restent eux aussi très prudents sur la question : mais il s'agit toutefois d'empêcher le voisin somalien, toujours soutenu par l'URSS, de profiter d'un contexte favorable pour intervenir en Ethiopie. L'aide militaire américaine n'aura donc été jamais aussi importante que dans les années 1975-1976 : des chars M-60, des chasseurs F-5E, des missiles Maverick et Sidewinder et une escadrille entière de F-5A cédée par l'Iran avec l'accord des Etats-Unis[15].

Vers l'armée révolutionnaire

Le Derg hérite d'un appareil militaire forgé par le régime impérial, le plus considérable d'Afrique subsaharienne si l'on excepte l'Afrique du Sud[16]. L'armée comprend alors 41500 hommes dont 37700 (91 %) servent dans l'armée de terre. L'armée s'est modernisée et a été relativement bien entraînée, mais elle manque de matériel pour mener une guerre conventionnelle. Elle comprend quatre divisions dont la première est l'ancienne Garde Impériale. Chaque division aligne de 8 à 12 000 hommes et comporte 5 bataillons d'artillerie, 2 bataillons de chars, 2 bataillons mécanisés, 2 bataillons motorisés, 2 bataillons de sapeurs, 1 compagnie aéroportée, 1 compagnie blindée et des escadrons de transmissions. La force aérienne éthiopienne est l'une des meilleures du continent africain. Elle aligne alors seulement 2500 hommes et 43 appareils de combat, mais elle est sans égale dans la région. L'école d'entraînement des élèves pilotes, sélectionnés parmi les meilleurs officiers, est à Dabre Zeit, à 50 km au sud d'Addis-Abeba. L'école comprend des installations de maintenance, de réparation des appareils et d'électronique. Avec l'assistance américaine, l'aviation éthiopienne est devenue un formidable outil militaire. Les pilotes, bien que n'ayant aucune expérience du combat aérien, aiment à se comparer à leurs homologues israëliens, qui comptent alors parmi les meilleurs du monde. Un certain nombre de forces paramilitaires viennent gonfler les effectifs de l'armée régulière. Parmi celles-là, la Police d'Urgence est la plus importante car elle combine les fonctions de la police et de l'armée. Créée au départ dans les années 60 pour s'opposer aux émeutes urbaines et rurales, elle est transformée avec l'aide de conseillers israëliens en une unité commando anti-insurrection de 7 000 hommes. Elle est utilisée dans les premières années de l'apparition de la guérilla en Erythrée. L'armée territoriale éthiopienne est l'équivalent de la Garde Nationale américaine : mais ses membres sont peu armés, peu entraînés et peu payés. Les miliciens, appelés par les gouverneurs provinciaux en cas d'urgence, n'ont aucune organisation centralisée. Au moment de la révolution de 1974, les forces armées éthiopiennes ne sont plus capables de s'opposer à la fois aux menaces intérieures et à des menaces extérieures : le matériel blindé, en particulier, est obsolète face aux acquisitions soviétiques des Somaliens, et manque de pièces de rechange.

T-62 photographié au moment de la chute du Derg dans les rue de la capitale éthiopienne (wikicommon)

Le Derg ne désintègre pas l'héritage impérial : l'armée révolutionnaire reprend les structures et l'organisation de l'ancienne armée. Simplement, ce sont désormais des sous-officiers et des officiers subalternes, qui ont mené la révolution, qui sont aux commandes. Par ailleurs, l'armée devient en Ethiopie l'Etat lui-même, et non plus un outil au service d'un autocrate civil tout puissant. Le Derg est dirigé par des militaires, qui ont la mainmise sur l'Etat. L'armée est donc « le parti en armes » de la révolution éthiopienne. Pour les chefs de la révolution, il s'agit de remettre à niveau cette armée frappée par le chaos de la révolution. Un rapport réalisé en 1976 dresse un constat alarmant. Une première vague de réformes importantes intervient peu après : les forces armées sont réorganisées en 5 commandements régionaux, et les militaires estiment à 65 bataillons d'infanterie l'effectif normal de garnison, dont 38 sont alors déjà en place. Avec l'aide d'Israël, une cinquième division formée à la contre-insurrection, baptisée « Nebelbal » (Flamme), est créée, tandis qu'une unité commando de la police devient la 8ème division de l'armée. Pour entraîner des miliciens, des camps d'entraînement baptisés « Tatek » (« être ceint ») sont établis aux alentours d'Addis-Abebba  à partir de février 1977. Des instructeurs cubains y forment plus de 120 000 hommes qui constituent 10 divisions de miliciens. 58 000 de ces miliciens seront envoyés sur le front de l'Ogaden jusqu'en janvier 1978[17]. Les 2ème et 5ème divisions de milice joueront un rôle important dans la guerre de l'Ogaden[18].

La marche à la guerre (1976-1977)

L'URSS est réticente à appuyer davantage le Derg de par ses relations avec les Américains, et ce d'autant plus que certains membres du comité négocient aussi avec la Chine Populaire, ennemi mortel de Moscou. Par ailleurs, à ce moment-là, les relations avec la Somalie voisine sont au plus haut, et il est difficile aux Soviétiques de soutenir ostensiblement l'Ethiopie, l'adversaire traditionnel des Somaliens. L'aide militaire soviétique à Mogadischio entre 1974 et 1976 reste des plus impressionnantes : les forces armées somaliennes se montent alors à 22 000 hommes, soit une augmentation de 30 % entre les deux dates. 100 chars T-34 et T-54 portent le total des blindés somaliens à 250, sans parler de 300 véhicules de transport de troupes blindés. L'aviation a reçu 24 chasseurs MiG-21, de nouveaux MiG-15, MiG-17 et Il-28. Sur le papier, en 1976, la Somalie a la force aérienne la plus puissante de l'Afrique subsaharienne. Mais ces appareils ont une faible disponibilité, ce qui en relativise le chiffre. L'armée éthiopienne a clairement perdu l'avantage dont elle disposait : les effectifs ont été gaspillés lors d'attaques coûteuses en vagues humaines dans l'Erythrée, d'autres sont employés partout dans le pays aux tâches de contre-insurrection, tandis que le corps des officiers a été décapité par les purges successives au sein du Derg (au moins 30 % des officiers). La force aérienne éthiopienne conserve une supériorité qualitative, mais plus numérique. En revanche, les Ethiopiens sont nettement surclassés en terme de blindés : ils n'alignent que 75 chars moyens et 146 véhicules blindés de transport de troupes, soit à peine la moitié du contingent somalien, qui par ailleurs bénéficie de matériels soviétiques plus récents et mieux entretenus[19].

La comparaison entre les forces militaires de l'Ethiopie et de la Somalie, 1976-1977


 

Ethiopie

Somalie

Effectifs totaux

47 000

22 000

Chars

78 (24 M-60, 54 M-41)

250 (200 T-34, 50 T-54/55)

Véhicules blindés

156 (90 M-113, 56 AML-245/60)

310 (60 BTR-40, 250 BTR-152)

Navires de combat

16 (un dragueur de mines côtier, un navire d'entraînement, 5 patrouilleurs, 4 patrouilleurs côtiers, 4 navires de débarquement, un patrouilleur classe Kraljevica).

12 (2 navires lance-missiles Osa, 6 vedettes lance-torpilles P-4 et P-6, 4 navires de débarquement).

Appareils de combat

36 (4 Canberra B2, 11 F-86F, 16 F-5A/E, 5 T-28A).

66 (10 Il-28, 44 MiG-15 et MiG-17 UTI, 12 MiG-21).

Autres appareils

85 (12 C-47, 2 C-54, 12 C-119G, 3 Doves, 19 Safirs, 13 T-28A/D, 11 T-33A, 10 hélicoptères AB204, 6 hélicoptères UH-1H).

Au moins 38 (3 An-2, 3 An-24/26, 3 C-47, 1 C-45, 8 P-148, 20 Yak-11, des hélicoptères Mi-2, Mi-4 et Mi-8).

Source : Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990.

L'URSS, pourtant, continue d'affirmer que ses livraisons d'armes à la Somalie n'ont qu'un but défensif. Il apparaît que les Soviétiques ont sous-estimé les revendications territoriales et nationalistes de Siad Barre. Ils commencent d'ailleurs à s'inquiéter du peu d'avancées vers le socialisme réalisées en Somalie, alors que la nationalisme et l'islam, composantes fondamentales du pays, restent encore très présents dans la vie quotidienne. Le 1er juillet 1976, Siad Barre met en place un parti unique : le Parti Socialiste Révolutionnaire Somalien (PSRS), qui remplace le Conseil Révolutionnaire Suprême installé en 1969. En juillet 1976, une importante délégation éthiopienne est pourtant reçue à Moscou, premier pas vers une collaboration plus étroite entre les deux pays. Le même mois, une tentative de coup d'Etat contre Mengistu au sein du Derg échoue : c'est la victoire du clan pro-URSS au sein de l'institution dirigeant la révolution éthiopienne, qui propulse Mengistu sur le devant de la scène tout en confirmant les Soviétiques dans leur nouvelle orientation à l'égard du pays. Le PRPE lance alors une campagne de guérilla urbaine et d'attentats terroristes contre les membres du Derg. Celui-ci répond par une véritable « terreur révolutionnaire » et fait exécuter des milliers d'opposants : en novembre, le mouvement s'accélère avec l'arrivée en Ethiopie de la 5ème division de l'armée, entraînée par Israël, divisée en « Flame Squads » et d'une loyauté sans faille à l'égard de Mengistu. En décembre, une nouvelle délégation éthiopienne s'envole à Moscou et négocie un accord secret d'armements, qui prévoit la livraison de matériels soviétiques de deuxième ligne.

Les relations entre la Somalie et l'Ethiopie, à l'inverse, ne vont cesser de se détériorer à partir du milieu de l'année 1976. La désorganisation et le chaos dans lesquels se trouvent plongés l'Ethiopie après la révolution semblent une occasion inespérée pour Siad Barre de reprendre, les armes à la main, la province si disputée de l'Ogaden. A ce moment-là, l'Ethiopie se brouille avec le Soudan, qui devient la base arrière des rebelles de l'Erythrée et des mouvements d'opposition politique au Derg. Le 5 janvier 1977, une première ville de l'Erythrée, Karora, tombe aux mains des combattants du FPLE. Le 23 mars, le mouvement d'empare d'une capitale de district, Nakfa. Les combats s'intensifient également dans l'Ogaden entre les troupes éthiopiennes et le FLSO, soutenu par les premières incursions de l'armée somalienne. L'événement décisif survient le 3 février 1977 : ce jour-là, Mengistu prend définitivement le pouvoir au sein du Derg en faisant assassiner le général Bante et ses partisans à Addis-Abeba. Mengistu est immédiatement reconnu par l'URSS, qui s'empresse aussi, par l'intermédiaire de Fidel Castro, de réunir les dirigeants somalien et éthiopien à Aden, le 16 mars, pour trouver une solution au conflit frontalier. Castro propose lors de la réunion un plan de fédération régionale qui engloberait tous les pays socialistes de la région. L'Erythrée et l'Ogaden se voient proposés le statut de communautés autonomes au sein de l'Ethiopie. Le parti pris est flagrant et n'échappe pas à Siad Barre, qui rejette ce plan et reste arc-bouté sur ses positions. Le 23 avril, Mengistu expulse tous les conseillers militaires américains encore présents en Somalie ; en mai, un accord de livraison d'armes est signé avec l'URSS, et les premiers conseillers militaires cubains arrivent à Addis-Abeba. Les Américains cessent alors leurs livraisons d'armes. En mars 1977, 30 chars T-34 étaient déjà parvenus en Ethiopie, bientôt suivis par 200 conseillers militaires cubains menés par le général Arnaldo Ochoa, l'adjoint du ministre de la Défense de Cuba. L'accord de mai prévoit quant à lui la fourniture de 48 chasseurs MiG-21, de 200 chars T-54/T-55 et de systèmes de défense anti-aériens SA-3, SA-7 , ainsi que de missiles antichars Sagger. Le 21 juillet, une liaison aérienne directe entre Moscou et Addis-Abeba est établie : pendant l'été, cinq livraisons d'armes ont lieu par semaine[20].

Du soutien aux guérillas de l'Ogaden à l'offensive somalienne (1976-juillet 1977)

L'Ogaden, qui va bientôt devenir un champ de bataille entre l'Ethiopie, la Somalie, et les puissances étrangères impliquées (URSS et Cuba surtout), est une région de 200 000 km², assez faiblement peuplée. La végétation, souvent épineuse, et des sources d'eau souterraines constituent les seules possibilités de survie. Si l'on excepte les bassins fertiles des rivières, où l'on trouve une vie sédentaire, c'est un paysage nu, qui part des collines plates et des plaines arides au pied du plateau d'Harar (2 000 m d'altitude) jusqu'à la frontière somalienne où l'altitude avoisine les 500 m. A l'ouest, l'Ogaden est délimitée par la rivière Webi Shebele, qui la sépare du Bale, région agricole censée être le foyer des Oromos, et habitée dans sa partie méridionale par des Somaliens de divers clans. L'Ogaden elle-même est peuplée de Somaliens appartenant à différents clans, dont le principal a donné son nom à la province[21].

Les revendications somaliennes diffèrent quelque peu de la version éthiopienne de l'Ogaden qui vient d'être présentée. Pour Mogadischio, l'Ogaden s'étend jusqu'à la rivière Awash, comprenant la région de l'Hararghe -où se trouve deux grandes villes éthiopiennes, Harar et Dire Dawa- et une bonne partie des régions du Bale et de Sidamo. Mais ces revendications nient le caractère multiethnique du territoire considéré. On trouve en effet des Somaliens seulement dans le nord de l'Hararghe, près de Dire Dawa, et au sud du Bale. Des considérations économiques priment largement pour expliquer ces différences. L'Hararghe est l'une des régions agricoles les plus riches de l'Ethiopie : on y plante des céréales et du café, et l'élevage y est très important. On cultive aussi le qat, une plante euphorisante largement exportée à Djibouti et au Moyen-Orient. La voie ferrée centrale de l'Ethiopie, qui relie Addis-Abeba à Djibouti, passe par l'Hararghe. La région est entrecoupée de barrières montagneuses dont la plus imposante sont les monts Amhar, qui s'étendent entre les plaines des villes de Harar et Jijiga. La passe de Marda, trouée à travers cette chaîne de montagnes, est d'une grande importance stratégique.

L'état-major éthiopien avait anticipé dès 1975 l'offensive en deux étapes que va suivre alors Siad Barre. Il est persuadé qu'avant d'engager des forces conventionnelles, le dictateur somalien va utiliser les paysans du sud-est éthiopien qu'il a déjà entraînés et armés pour la guérilla. C'est exactement le choix fait par la Somalie, qui espère ainsi pousser l'Ethiopie à négocier, tout en préparant si besoin la voie pour une offensive de grand style. Le plan somalien manque cependant cruellement d'originalité et ôte tout effet de surprise. La Somalie entretient des guérillas dans l'Ogaden depuis 1963-1968, dates auxquelles elle avait suscité une révolte dans le Bale, qui avait échoué. C'est à présent le Front de Libération de la Somalie Occidentale qui est son principal relais. Il est organisé en trois commandements régionaux qui dépendent eux-mêmes des commandements régionaux somaliens : au nord, à Hargeisa, au centre à Dusa Mareb et au sud à Baidoa. Les commandements sont répartis en 6 divisions, dont les zones correspondent en gros à celles des sous-clans somaliens. Celles-ci portent des noms symboliques ou très vindicatifs (Revanche, Tempête, l'Etrangleur). Le commandant suprême du FLSO n'est autre que le ministre de la Défense somalien, Mohammed Ali Samatar. Chaque division est équipée de mortiers, de lance-roquettes, de mitrailleuses lourdes, et la plupart des combattants disposent d'AK-47. Approvisionné par la Somalie, le FLSO recherche cependant d'autres sources de fournitures en armes en pratiquant la vente de la myrrhe et en prélevant des taxes sur les exportations de bétail. Des associations secrètes, les gode (porteurs de haches) servent d'intermédiaire avec la population : ils transmettent des renseignements sur l'armée ennemie, collectent les vivres pour les combattants, donnent une justification religieuse à l'insurrection[22].

La Somalie ne se contente cependant pas du seul FLSO et fonde également le Front de Libération Somali-Abo (FLSA), composé de Somaliens et d'Oromos qui combattent dans le Bale et le Sidamo. Cette organisation est rattachée au commandement régional sud somalien, mais en raison de la présence oromo, elle a une plus grande liberté d'action que le FLSO. Les buts des différents mouvements ne sont pas clairement établis : le FLSO hésite entre une indépendance complète ou une autonomie au sein d'une Somalie unifiée, tandis que le Front de Libération Somali-Abo semble plutôt destiné à contrer le Front de Libération Oromo, qui opère dans la même région. Ces deux mouvements, en revanche, se rejoignent sur leur dépendance totale à l'égard du parrain somalien, qui encadre tout, armement, entraînement, approvisionnement et direction. Les Ethiopiens estiment en juillet 1977 que ces deux organisations regroupent 40 000 combattants ; 20 000 de plus les auraient rejoints pendant le conflit, portant le total à 60 000 hommes. Si il y a bien neuf divisions en tout, avec 5 à 7 000 hommes par division, le chiffre se tient. Certaines sources parlent plutôt de 45 000 hommes.

La guérilla commence sur les deux fronts au début de 1976. A la fin de l'année, elle s'étend dans la majeure partie du Hararghe, au sud-est du Bale et dans le Sidamo. Les guérilleros qui s'infiltrent à partir de la Somalie sont en terrain connu, où la population leur est favorable, où les déplacements sont facilités par le couvert des forêts et des montagnes, et où les attaques visent à détruire l'appareil gouvernemental en attaquant les bureaux, la police et les administrateurs civils, pour les forcer à se réfugier dans les villes de garnison. Si la population somalienne des basses-terres se rallie avec enthousiasme à l'insurrection, ce n'est pas le cas des autres populations situées plus au nord, sur le plateau. Le FLSO est bien accueilli par les Ogadenis et les Hawiyé du Bale, alors que le FLSA peine à s'imposer chez les Oromo. Ce dernier recourt alors à la force : recrutement forcé, torture, destructions gratuites, exactions contre les Amharas chrétiens, des pratiques qui gagnent aussi le FLSO, afin d'installer la terreur parmi les communautés et les forcer à fuir. Fin 1976, les deux fronts ont pris le contrôle d'une bonne partie de l'est éthiopien, sans coordination de l'un avec l'autre. L'Ogaden et les basses-terres du Bale et du Sidamo sont entre leurs mains début 1977. La guérilla utilise la tactique du « hit and run » qui contraint les militaires éthiopiens à s'enfermer dans leurs garnisons. Quands ils en sortent, les convois tombent sur des routes minées ou dans des embuscades. Le 11 février 1977, à Horakelifo (entre Degehabur et Jijiga), 25 soldats et officiers sont tués, 24 autres blessés, plusieurs véhicules blindés et camions sont détruits dans l'une d'entre elles. A la même époque, un contingent de policiers est anéanti à Filtu. La guérilla coupe ainsi les voies d'approvisionnement des soldats éthiopiens. Pour désorganiser l'économie nationale, elle fait sauter plusieurs ponts, et, le 1er juin, elle détruit la voie ferrée reliant Addis-Abeba à Djibouti. La principale artère du pays, qui voit défiler 40 % des exportations et 50 % des importations, est coupée jusqu'en 1978[23].

Les Somaliens décident alors de passer à l'étape suivante en injectant des troupes régulières pour soutenir la guérilla. Le 13 juin 1977, 5 000 soldats somaliens franchissent la frontière pour attaquer des cibles prédéfinies dans l'Hararghe. Les Somaliens ont retiré tous leurs insignes et les élements d'identification, mais ils sont aisément reconnaissables au milieu des guérilleros en haillons. A la fin du mois, les villes de Degehabur, Dire Dawa, Kebridahar, Gode et Warder sont pilonnées au mortier et au lance-roquettes. Les attaquants sont pourtant repoussés, et avec de lourdes pertes. A Gode, ils laissent 300 hommes sur le terrain, dont le commandant de brigade et son adjoint. Cet échec va persuader Siad Barre d'accélérer la transition vers une guerre conventionnelle. L'offensive va se dérouler en trois étapes : la première voit les Somaliens s'emparer rapidement des basses-terres. La deuxième est l'assaut contre le plateau de Harar et les grandes villes qui s'y trouvent. La dernière est marquée par la résistance déterminée des Ethiopiens sur le plateau, conduisant à une impasse débloquée par l'intervention extérieure, qui mène elle-même à la défaite somalienne.

La blitzkrieg somalienne (juillet-septembre 1977)

L'échec de l'offensive de juin 1977 convainct les militaires somaliens que les Ethiopiens n'ont pas suffisamment de puissance de feu et sont inférieurs en défense statique : en particulier, ils manqueraient de mines. Les Somaliens ont amassé des munitions, des vivres et du matériel pour une offensive de six mois environ, durée pendant laquelle ils doivent atteindre leurs objectifs. Ce faisant, ils sous-estiment la capacité de résistance éthiopienne et le jeu des relations internationales. Les Ethiopiens, quant à eux, ne savent pas si l'offensive somalienne portera sur le sud ou le nord de l'Ogaden. Hargeisa, en Somalie, n'est distante que de 270 km de Harar ; Jijiga, située à un carrefour de routes, est la clé d'accès aux villes importantes de l'est éthiopien. Les Ethiopiens ont donc disposé une brigade mécanisée à Jijiga, avec leur force principale. Les Somaliens en sont conscients, et choisissent d'attaquer plutôt par le sud et par l'est que par le nord. Cette stratégie présente plusieurs avantages : le ravitaillement des troupes depuis Mogadischio sera plus aisé, le deuxième aéroport éthiopien, Gode, est à proximité de la frontière et peut être capturé rapidement et enfin, les garnisons éthiopiennes étant isolées les unes des autres, elles sont vulnérables à des attaques successives par des forces mobiles. Par ailleurs, le soutien de la population locale est acquis, ce qui n'est pas le cas dans le triangle Dire Dawa-Harar-Jijiga.

L'offensive somalienne est déclenchée le 13 juillet 1977, à 3h du matin. Les Somaliens ont une supériorité en nombre et en armes : ils déploient plusieurs divisions mécanisées et l'essentiel de leur aviation contre 4 brigades éthiopiennes en sous-effectifs, qui disposent seulement d'une artillerie légère et de quelques canons antichars. Les chars somaliens s'avancent de 700 km en territoire éthiopien : les assauts blindés sont précédés de barrages d'artillerie, le tout combiné avec des raids aériens et des attaques mécanisées. Ils ne peuvent néanmoins s'emparer des centres vitaux et le combat se transforme vite en guerre d'attrition sur les positions férocément défendues par les Ethiopiens. La plupart des unités éthiopiennes se retirent, mais certaines résistent avec acharnement. 3 bataillons motorisés somaliens attaquent Dire Dawa le 17 juillet à 4h30. La ville est défendue par la 24ème brigade Nebelbal, le 4ème bataillon d'artillerie et le 752ème bataillon de la 75ème brigade de miliciens, arrivé deux jours plus tôt. Avec l'appui de l'aviation, ces forces, au prix de 79 morts et 8 blessés, infligent deux fois plus de pertes aux Somaliens. La 75ème brigade de milice et une section du 219ème bataillon Nebelbal sont alors dépêchées à Gode où la 5ème brigade d'infanterie est pilonnée depuis le 13 juillet. La ville finit néanmoins par tomber le 25 juillet à 6h. Les défenseurs sont balayés : seuls 489 des 2350 miliciens parviennent à rejoindre Harar. La 9ème brigade éthiopienne résiste aussi à Kebridehar avant de recevoir l'ordre de se replier sur Harar. La 11ème brigade d'infanterie éthiopienne est l'unité qui se défend le plus vigoureusement à Degehabur, jusqu'à la fin du mois de juillet, recevant alors l'ordre de se replier sur Jijiga. Le 8 août, les Somaliens ont quasiment accompli leurs buts initiaux : seules se dressent face à eux les villes de Harar, Dire Dawa et Jijiga[24].

Le commandement éthiopien de l'est divise alors l'Hararghe en deux zones opérationnelles sous les ordres du colonel Mulatu Negash. Les restes de la 3ème division éthiopienne, qui défendait le secteur attaqué par les Somaliens, et la 5ème division de milice, arrivée le 28 juillet, doivent défendre Harar, centre nerveux des opérations pour les Ethiopiens, et Jijiga, le poste avancé à l'est. La zone entre Harar et la rivière Awash relève de la 2ème division de milice et d'un bataillon Nebelbal. Ceux-ci doivent protéger Dire Dawa, important dépôt militaire, ainsi que les liaisons vers Aysha au nord-est et vers Awash à l'ouest. Le commandement aérien de l'est, dirigé par le colonel Fanta Belay, doit assurer l'appui aérien. Les groupes paramilitaires, à savoir la police et la Garde Révolutionnaire du Peuple, serviront d'auxiliaires.

A la mi-août, les Somaliens passent à la deuxième étape de leur offensive et visent d'abord Dire Dawa, cité industrielle vitale de 70 000 habitants. Ils engagent deux brigades motorisées, un bataillon de chars, deux bataillons d'artillerie, un bataillon de défense anti-aérienne et une batterie de lance-roquettes multiples (LRM) BM-13 dans cette opération. En face, les Ethiopiens alignent la 2ème division de milice, le 201ème bataillon Nebelbal, le 781ème bataillon de la 78ème brigade de milice, la 4ème compagnie mécanisée, et une section du 18ème bataillon de chars, avec seulement 2 blindés. Le 17 août, les Somaliens se déplacent, de nuit, vers le nord-est de la ville. Ils savent probablement que la défense éthiopienne est orientée au sud-est. Ayant perdu 3 chars sur des mines en chemin, ils attaquent à 4h30. Pris par surprise, les Ethiopiens résistent, mais le 871ème bataillon, qui défend la colline Shinile, doit battre en retraite sur l'aéroport. A 15h, les Somaliens commencent à pilonner la ville, semant la panique dans la population. Des blindés s'attaquent à l'aéroport, le contrôle aérien est détruit ainsi que 9 appareils. Une station d'essence, des réservoirs de carburant et plusieurs usines sont endommagés ou détruits. Durant les 24h suivantes, les Ethiopiens se défendent désespérement, tandis que parviennent d'Harar des renforts de miliciens, de chars et de BRDM. Une contre-attaque est lancée où se distinguent les Nebelbal et les miliciens. Le lieutenant Mitiku grimpe sur un char somalien pour y jeter une grenade, avant d'être coupé en deux par un tir de sniper. Mais c'est l'aviation éthiopienne qui renverse le cours du combat : volant depuis la base de Dabre Zeit au sud de la capitale, à 400 km de distance, les F-5 ravissent la supériorité aérienne aux MiG somaliens avant de détruire pas moins de 16 chars T-55 somaliens. Les Somaliens, désespérés, abandonnent le combat et une quantité importante de matériel : chars, véhicules blindés, canons, fusils et mitrailleuses. Les Somaliens viennent de rater une occasion inespérée d'isoler les troupes éthiopiennes de l'est du pays. Le contrôle de la voie ferrée Dire-Dawa-Djibouti leur aurait aussi permis d'étrangler économiquement l'Ethiopie. Les Somaliens n'ont pas exploité les erreurs tactiques de leurs adversaires et n'ont pas lancé un assaut blindé massif avant que les Ethiopiens ne se soient renforcés. La coordination interarmes dans l'armée somalienne a été exécrable.

Jijiga : le « Stalingrad » éthiopien (septembre 1977)

Déçus par leur échec à Dire Dawa, les Somaliens se retournent contre Jijiga, la troisième ville provinciale. Le  27 juillet, une unité spéciale de la police éthiopienne avait été chassée de Tugwajale, une ville frontalière à 65 km à l'est de Jijiga. Mais l'attaque à grande échelle contre la ville elle-même n'intervient que dans la troisième semaine d'août. Ce délai donne le temps aux Ethiopiens d'amener sur place une autre brigade mécanisée ainsi que certaines de leurs meilleures troupes. La 10ème brigade mécanisée se positionne à Aroresa, Sebulberol, une hauteur à 5 km au nord de la première localité, et enfin à mi-chemin entre Kebribeyah et Jijiga, en anticipation de l'attaque à venir dans cette direction. La ville de Jijiga elle-même est défendue par la 92ème brigade mécanisée. L'attaque somalienne sur Aroresa le 21 août se heurte à des défenses solides. Bien retranchés et utilisant leur artillerie, les Ethiopiens font payer un lourd tribut à l'adversaire et stoppent son avancée, mais une unité avancée protégeant la route Kebribeyah-Jijiga a été sérieusement malmenée par les Somaliens. Les escarmouches continuent pendant une semaine.

La première moitié de septembre voit se développer une série d'attaques et de contre-attaques pendant lesquelles Jijiga change deux fois de mains. La ville va devenir un des lieux les plus emblématiques de la guerre de l'Ogaden. Le 2 septembre, les Somaliens passent à l'attaque après un bombardement de l'artillerie, des MiG, des chars et des LRM. Les Ethiopiens s'effondrent et des soldats mutins retraitent en désordre vers Karamara et Adew. Les Somaliens mettent la ville au pillage, accueillis par leurs compatriotes restés sur place alors que la population éthiopienne s'est enfuie. Pendant ce temps Mengistu, qui craint les conséquences de la chute de Jijiga sur le moral de l'armée éthiopienne, s'envole personnellement pour Harar afin de mener la contre-attaque. Les mutins sont passés à la baïonnette sous l'accusion de contre-révolution et de couardise, les troupes sont réorganisées et mènent une double attaque frontale au nord et à l'ouest de la ville. Les Somaliens subissent de lourdes pertes en hommes et en chars et évacuent Jijiga le 5 septembre. Mais l'artillerie somalienne continue à pilonner la ville, qui reste à sa portée, le 6, tandis que les troupes au sol encerclent Jijiga. Mengistu, quant à lui, est reparti vers Addis-Abeba. Les Ethiopiens manquent d'appui aérien et d'artillerie, malgré le rappel du 4ème bataillon d'artillerie en août. Les Somaliens ont aussi détruit le nouveau radar aérien installé à Karamara, à 5 km à l'ouest de Jijiga, le 12 septembre, ce qui entrave l'efficacité de l'aviation éthiopienne. Les Somaliens débordent les défenseurs, qui perdent une quantité de matériel (la plupart des 75 chars et 71 véhicules blindés perdus pendant le conflit côté éthiopien l'ont été ici). Le 12 septembre, troisième anniversaire de la déposition de l'Empereur, Jijiga tombe aux mains des Somaliens : les Ethiopiens retraitent sur Karamara. Les Somaliens s'emparent aussi, sans combat, de la passe de Marda, qui contrôle l'accès à Jijiga par les monts Amhar[25].

La défaite éthiopienne à Jijiga a souvent été mis sur le compte de dissensions au sein des troupes. Il est vrai qu'au sein de l'armée régulière, beaucoup de soldats sont affiliés à des organisations politiques opposées au Derg. Ils ont parfois poussé à la mutinerie. Une autre difficulté est le rapport entre les soldats réguliers et les miliciens : les premiers sont mieux nourris et leur solde est quatre fois supérieure à celle des seconds. Les miliciens, en conséquence, cèdent facilement au pillage après une victoire à un moment donné. Néanmoins, malgré ces problèmes internes, la défaite éthiopienne s'explique aussi par une infériorité en termes de puissance de feu. La défaite éthiopienne est lourde de conséquences : les Somaliens se sont emparés de Jijiga, de Karamara et de la passe de Marda. Une douzaine de sous-officiers et de soldats sont encore passés par les armes le 13 septembre au motif d'être des « anarchistes » opposés à la guerre. Mengistu intime l'ordre à la 3ème division éthiopienne, tout juste sortie de l'enfer de Jijiga, de se retrancher à Kore, à 55 km à l'est d'Harar, et de tenir la position tout en reprenant la passe de Marda. Dans le même temps, Mengistu en appelle à la mobilisation générale dans tout le pays, avec des slogans tels que « La Mère Patrie révolutionnaire ou la mort », ou « Tout pour le front », dans une tonalité qui n'est pas sans rappeler celle de Staline en 1941-1942. Les Ethiopiens redivisent le commandement est en trois secteurs : Awash, Dire Dawa et Harar. Dans la seconde moitié de septembre, l'effort somalien s'essoufle en raison de l'étirement du front, du mauvais temps, de la fatigue aussi. La phase d'attrition de la guerre de l'Ogaden commence alors.

La guerre d'attrition (septembre-novembre 1977)

Une pause d'une semaine suit la prise de Jijiga par les Somaliens. Ceux-ci se retranchent dans la vallée de Daketa, construisant des tranchées et posant des mines, démolissant trois ponts importants. Ce faisant, ils perdent l'initiative, alors que les Ethiopiens se réorganisent, amènent des réserves fraîches et construisent eux aussi des bunkers. Les Somaliens opèrent ensuite un mouvement en pinces : l'une, vers le nord, doit s'emparer de Dire Dawa tandis que l'autre attaque Harar par l'est. La deuxième pince est la plus appuyée côté somalien, à partir de Karamara et Fik. Mais il faut plus de sept semaines aux Somaliens pour déboucher. La résistance éthiopienne se durcit, en effet, car les Soviétiques ont réalisé, fin septembre-début octobre, les premières livraisons de chars et d'avions à Addis-Abeba. Le contingent des conseillers militaires soviétiques est alors dirigé par le général Vasilii Pirogov[26]. Des conseillers militaires est-allemands forment les unités de milice éthiopiennes à la lutte anti-insurrectionnelle contre les menaces intérieures, et au combat urbain[27]. Les miliciens ont gagné en expérience et de nouvelles unités spéciales, comme celles dites paracommandos, formées à Tatek, arrivent sur le front. L'aviation éthiopienne a la maîtrise du ciel. Fin septembre, deux bataillons blindés sud-yéménites viennent renforcer la puissance de feu éthiopienne ; ces 2000 hommes sont encadrés par des conseillers militaires est-allemands. En octobre, une première division blindée équipée de chars T-34 peut être mise sur pied. Les Somaliens doivent maintenant faire face, sur le plateau, à une population hostile, qui soutient les Ethiopiens, alors même que leurs lignes de communications s'étendent et que leurs adversaires bénéficient d'un terrain montagneux idéal pour la défense. Leur composante mécanisée leur est de peu d'utilité.

Pendant quatre mois, les Somaliens lancent attaque sur attaque pour s'emparer d'Harar. Ils encerclent l'agglomération de 48 000 habitants au nord, au sud et à l'est. A deux reprises, cette ville importante, siège de l'académie militaire éthiopienne, manque de succomber. Mais les Somaliens ne font pas preuve de rapidité dans leurs manoeuvres et les Ethiopiens se défendent d'arrache-pied. Les assaillants essayent de réduire un saillant gardé par un détachement éthiopien au sud-est de la ville, en direction de Kore. Au total, 5 brigades mécanisées, une brigade blindée, une brigade d'artillerie, une brigade de commandos et même une ou deux brigades de la guérilla auront été engagées contre ce saillant. C'est la 3ème division éthiopienne qui en assure la défense, épaulée par la 74ème brigade mécanisée, le 2ème bataillon de chars, le 219ème bataillon Nebelbal, la 4ème batterie de défense anti-aérienne, deux bataillons de vétérans rappelés sous les drapeaux (21 et 23) et plusieurs bataillons de la Garde Révolutionnaire du Peuple. Pendant deux mois, les Somaliens attaquent avec les chars et leur artillerie, mais ils tombent sous les coups des canons antichars et de l'artillerie adverse sans réussir à mener une attaque concentrée. Des combats acharnés ont lieu, en particulier entre 17h le 18 septembre et 7h30 le 19 septembre. Les Somaliens essayent aussi de couper les Ethiopiens de leurs arrières en attaquant la 92ème brigade mécanisée à Gursum, sans succès. Les combats font rage autour du mont Dalcha, à quelques kilomètres au sud de Kore. La hauteur change de mains plusieurs fois avant que les Ethiopiens ne s'en emparent le 17 octobre. Les pertes somaliennes y auraient été de 2 000 hommes et celles des Ethiopiens, non connues, auraient été aussi importantes. Le 19 octobre, une tentative somalienne de reprendre le mont Dalcha se solde par 219 pertes et 2 chasseurs MiG-17 abattus. Deux unités se distinguent en particulier, côté éthiopien, sur le front de Kore : le 4ème bataillon d'artillerie et la 74ème brigade de miliciens[28].

Les Somaliens cherchent alors un autre point faible dans la défense éthiopienne et le trouvent dans le secteur de Kombolcha, Babile et Fedis. Jusqu'alors, la police avait réussi à contenir la guérilla. Mais une force somalienne est détectée faisant route vers Jarso, à 35 km au nord-ouest d'Harar. Les Ethiopiens forment alors la brigade de Kagnew en urgence le 23 octobre, qui rassemble les 76ème et 96ème brigades et une batterie de 105 mm de la 3ème brigade d'artillerie. Dans le même temps, les Somaliens attaquent le front de Babile défendue par la First Task Force éthiopienne. Les revers initiaux de cette dernière unité donnent lieu à de nouvelles exécutions au sein de la troupe, qui tient la position après de violents combats les 11-12 novembre. Les Somaliens perdent 250 à 300 tués et 400 à 500 blessés. C'est après cet échec que Siad Barre décide d'expulser de Somalie les 1678 conseillers soviétiques encore présents[29]. Décision tragique, puisque quelques jours après, l'URSS commence un pont aérien massif pour acheminer armes et conseillers militaires, dont certains arrivent tout juste de Somalie, en Ethiopie.

A ce moment-là, la situation se détériore pour les Ethiopiens sur le front de Kombolcha. Le 16 novembre, les Somaliens attaquent Jarso après un pilonnage d'artillerie, et des unités éthiopiennes s'enfuient vers Kombolcha et Harar. Une partie du contingent resté en arrière pour détruire du matériel sensible se retranche sur le mont Halcho, à un kilomètre de la ville. L'unité est anéantie le 18 novembre : des renforts éthiopiens sont interceptés en route, deux camions chargés de munitions et deux pièces de 105 sont capturés, les Somaliens foncent sur Kombolcha qui se trouve à 16 km seulement au nord-ouest de Harar. Le 24 novembre, les Ethiopiens s'enfuient à nouveau après une courte résistance en direction d'Harar. Une seule unité seulement tient bon et sauve la cité jusqu'à l'arrivée de la 1ère brigade de paracommandos. Sur le front de Fedis, les Somaliens réussissent également une percée suite au déplacement de la 96ème brigade éthiopienne. Deux bataillons de paracommandos (61ème et 62ème), avec la 501ème brigade de la Garde Révolutionnaire du Peuple, une batterie d'artillerie de 105 et une section de chars M-41 ont résisté pendant une semaine. Le 4 novembre, la bataille fait rage de 9h à 18h : les Ethiopiens perdent 45 morts et 30 blessés. Le mont Hakim, au sud de la ville et qui la surplombe, est perdu, et Harar est en grand danger d'être emportée. Les défenseurs se replient à moins de 3 km de la ville et demandent à Mengistu que des LRM BM-21 soient expédiés du front de Kore. Celui-ci, suspectant que l'attaque n'est qu'une diversion, refuse, et envoie à la place la 2ème brigade paracommando qui, le 22 novembre, rejette les Somaliens sur Fedis, à 24 km au sud-ouest d'Harar. Elle s'établit ensuite sur le mont Hakim. En n'attaquant pas avec une force d'envergure, les Somaliens ont laissé passer leur chance, comme à Dire Dawa.

Dire Dawa n'est plus menacée par les Somaliens à ce moment-là des opérations. Les Ethiopiens en profitent pour réorganiser leurs troupes dans le secteur et amener des réserve. La Second Task Force comprend la 3ème division et plusieurs unités de soutien. Fin octobre, avec l'arrivée du matériel soviétique, les Ethiopiens commencent à rétablir l'équilibre en termes de puissance de feu. Le 18 novembre, une attaque somalienne abandonne sur le terrain une importante quantité de matériel. Le 23 novembre, une nouvelle attaque échoue, et à la fin du mois, les Somaliens perdent 150 hommes, 19 lance-roquettes RPG et 120 AK-47. Les Ethiopiens profitent de ce répit pour bombarder les villes au nord de la Somalie. Le vent commence à tourner en faveur des Ethiopiens, qui reçoivent bientôt également le soutien des Soviétiques et des Cubains.

L'intervention soviétique : le « colosse rouge » en marche (novembre 1977-mars 1978)

En décembre, les combats s'interrompent : l'URSS a mis en place, pendant ce temps, un gigantesque pont aérien à destination de l'Ethiopie. Entamé le 26 novembre 1977, il dure six semaines, de décembre à la mi-janvier. Il implique 225 avions de transport Il-76 et An-22, soit 15% de la flotte de transport militaire de l'Armée Rouge, à partir de bases près de Moscou, Tbilissi, Taschkent et Georgievsk, en direction d'Addis-Abeba. Utilisant comme stations relais Tripoli et Aden, les appareils soviétiques violent de nombreux espaces aériens pour effectuer leurs missions[30]. Au pic du pont aérien, on voit un appareil se poser toutes les 25 minutes ! De nombreux cargos soviétiques et du bloc de l'est (une cinquantaine en tout), protégés par des navires de combat dans la partie sud de la Mer Rouge, déchargent du matériel militaire dans les ports d'Assab et de Massawa. Ces navires convoient aussi les contingents cubains qui viennent soit d'Angola, soit de Cuba directement. Une quantité énorme de matériel militaire est transférée en Ethiopie (voir le tableau ci-dessous). Les Soviétiques envoient ainsi le nouveau véhicule de combat BMP-1, armé d'un canon de 73 mm capable de tirer des missiles, que les Somaliens surnomment vite le « château ambulant ». Un autre nouveau matériel est testé pour la première fois : l'hélicoptère de combat Mi-24A Hind, dont 6 exemplaires font partie des livraisons envoyées (nombre bientôt porté à 16). La quantité d'armes délivrée est comparable à celle fournie aux pays arabes pendant la guerre du Kippour, en 1973. Les Ethiopiens ont également reçu en renfort près de 100 000 hommes, dont 30 000 sont regroupés dans la Première armée révolutionnaire, envoyée sur le front est. A l'inverse, les Somaliens sont à court d'hommes et de matériel : ils ont eu recours à la conscription forcée dès la fin octobre. En novembre, ils essaient d'acquérir des armes en Asie et en Europe, mais seuls les régimes musulmans conservateurs (Arabie Saoudite, Iran, Egypte, Pakistan) répondent présents. Les Soviétiques envoient non seulement des armes mais aussi des conseillers militaires, plus d'un millier, aux Ethiopiens, dont quatre généraux. Certains des officiers supérieurs, comme le général Grigory Barisov ou les lieutenants-colonels Andrei Filatov et Semyon Nezhinsky, ont été auparavant conseillers de l'état-major somalien. Ils apportent eux une connaissance intime du dispositif et des forces adverses. Des troupes cubaines sont également acheminées sur place : quelques centaines en décembre, puis 3000 en janvier pour atteindre enfin 18000 hommes en février, ainsi que 750 soldats yéménites. La moitié du contingent cubain est formée de troupes aguerries ayant combattu en Angola ; apportant son équipement lourd (chars T-62 et véhicule blindés), ce contingent est commandé par le général Arnaldo Ochoa. Les Somaliens font désormais face à un véritable « colosse rouge »[31].

Matériel expédié par les Soviétiques en Ethiopie (mars 1977-mai 1978).


Types

Quantité

Chars T-34

30 à 85

Chars T-54/T-55

300 à 500 (autre source : 100 T-54 et 50 T-55)

Chars T-62

20

Véhicules de combat blindés, véhicules de transport de troupes blindés

Au moins 300 dont :

40 BTR-152

100 BTR-60

40 BRDM-1

50 BRDM-2

100 BMP-1

Chasseurs MiG-17F

6

Chasseurs MiG-21MF

55 à 60

Chasseurs MiG-23

12 à 20

Hélicoptères Mi-4

Quelques-uns

Hélicoptères Mi-6

4-6

Hélicoptères Mi-8

30

Hélicoptères Mi-24A Hind

6 puis 16

Avions de transport léger An-26 Curl

6

Avions de transport An-12 Cub-A

2

MANPADS SAM-7

1500

Missiles SA-3 Goa

300 (avec 15 lanceurs)

Missiles antichars Sagger

1000

LRM BM-21

Au moins 28

Canons de 100 à 152 mm

Plus de 300 (dont 100 canons D-20 de 152 mm et 150 canons D-30 de 122 mm)

Canons de 155 et 185 mm

100 canons S-23 de 180 mm

Canons antiaériens mobiles de 57 mm

6

Mortiers

Nombreux

Armes légères

En quantités importantes.

Sources : Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990 ; Bruce PORTER, The USSR in Third World Conflicts : Soviet Arms and Diplomacy in Local Wars 1945-1980, Cambridge University Press, 1984 ; Michael BRZOSKA et Frederic S. PEARSON, Arms and Warfare. Escalation, De-Escalation and Negotiation, University of South Carolina Press, 1994.

En janvier, les Ethiopiens forment le Comité Stratégique Militaire Suprême, composé d'Ethiopiens, de Russes et de Cubains, chargé de planifier et de diriger la contre-offensive. Il est commmandé par le général Vasilii Ivanovitch Petrov, le premier adjoint du commandant des forces terrestres de l'Armée Rouge. Petrov est un vétéran qui a participé, notamment, à la formation de l'armée somalienne. Le chef des opérations est le colonel éthiopien Mesfin Gabreqal. En janvier 1978, Raoul Castro, ministre de la Défense de Cuba, arrive en Ethiopie pour participer aux préparatifs de l'opération[32]. Le Comité établit son QG à Dire Dawa. L'opération est organisée avec le plus grand soin. Ses éléments clés sont la surprise et l'utilisation de barrages d'artillerie suivie par des attaques d'infanterie ou mécanisées, dans la droite ligne des tactiques soviétiques de l'époque. Le 22 janvier 1978, les Somaliens tentent cependant, à nouveau, de s'emparer d'Harar. Ils pilonnent la ville de Babile avec des mortiers et des roquettes depuis la colline 1692, en guise de diversion. A 15h30, plusieurs brigades d'infanterie appuyées par les chars et l'artillerie entament un mouvement en pinces contre Harar depuis Fedis pour chasser la 2ème brigade paracommando du mont Hakim, pour pulvériser les unités qui défendent Kombolcha, et ainsi couper les défenseurs de Kore de leurs arrières. Les combats durent six heures ; le milicien Ali Berke Tucho se distingue en détruisant trois chars somaliens, ce qui remonte le moral de ses camarades. L'attaque somalienne se termine à 14h. Elle échoue de par une résistance solide au sol et dans les airs, qui voit la première intervention des Cubains : une bataille de chars se développe à terre, impliquant 120 T-54/T-55 et T-62, tandis que les MiG pilonnent les arrières ennemis. Les Somaliens perdent 3 000 hommes dans cette offensive, leurs plus lourdes pertes en un engagement depuis le début de la guerre.

Un An-22 charge un Mil Mi-8 à destination de l'Ethiopie (www.urrib2000.narod.ru)
Sans transition, les Ethiopiens passent de la défensive à l'offensive. Les 23-27 janvier, la 11ème division appuyée par les brigades blindées cubaines reprend Fedis, capture 5 chars, de nombreux véhicules blindés, 48 canons, 7 canons antiaériens, une cache d'armes d'infanterie et des dépôts de munitions. Une série d'attaques successives le long de la ligne de front en Dire Dawa et Harar conduit à l'encerclement de plusieurs unités somaliennes. Le 1er février 1978, un bataillon d'artillerie pilonne les positions somaliennes au sud de Dire Dawa, en guise de diversion. Le 2 février, la 9ème division éthiopienne soutenue par les blindés cubains et l'artillerie enfonce les positions somaliennes à Harewa, libère Jeldesa, la ville la plus fortifiée du secteur, le 4 février. Les Somaliens abandonnent 42 chars, de nombreux véhicules blindés et 50 pièces d'artillerie. Ils sont poursuivis par la 75ème brigade de miliciens, le 201ème bataillon Nebelbal, et la 69ème brigade mécanisée de miliciens, qui font leur jonction le 9 février à Jarso avec la 1ère brigade paracommando, la 102ème brigade mécanisée et la 10ème division d'infanterie qui sont sorties de Kombolcha. Grâce à cette manoeuvre, les Ethiopiens se sont mis en position d'interdire tout renfort somalien provenant d'Hargeisa et de couper la retraite des forces somaliennes qui quitteraient Jijiga. Une autre colonne éthiopienne a coupé la route Jijiga-Degehabur. Devant la gravité de la situation, le régime somalien en appelle à la mobilisation générale.

Le nettoyage des hauteurs à l'ouest de la chaîne Amhar rend possible la concentration des forces éthiopiennes pour détruire le corps de bataille somalien dans un engagement décisif. Deux obstacles se dressent sur la route des Ethiopiens et des Cubains : la passe de Marda, qui contrôle l'accès de Jijiga par l'ouest, et l'imposant systèmes de tranchées et de lignes de défense, avec des mines, que les Somaliens ont bâti. Petrov, plutôt que de lancer un assaut frontal coûteux sur les positions retranchées des Somaliens, choisit de les contourner. Le plan d'opérations est probablement l'oeuvre du général Barisov. Il prévoit de leurrer les Somaliens en leur faisant croire que l'attaque principale aura bien lieu par la passe de Marda. Pendant ce temps, une division éthiopienne renforcée d'une brigade blindée cubaine contournera les monts Amhar par le nord. Dans le même temps, un poste sera établi au nord-est des monts Amhar pour ravitailler par hélicoptère cette force de contournement. L'attaque de diversion sur la passe de Marda sera effectuée par la 3ème division éthiopienne appuyée par une brigade mécanisée cubaine. A partir du point établi au nord-est des monts Amhar, gardé par deux compagnies de blindés aérotransportés PT-76, un bataillon héliporté coupera les routes de repli des Somaliens. Le but de la manoeuvre est un mouvement en pinces du nord et de l'ouest visant à détruire les forces ennemies[33].

La force de flanquement est composée de la 10ème division éthiopienne appuyée par une brigade blindée cubaine comptant 60 T-62. Le 15 février, ces unités contournent les monts Amhar et franchissent la passe de Shebele, à 50-60 km au nord. Après avoir nettoyé le secteur des Somaliens, qui mènent une farouche résistance, elles sont rejointes par la 69ème brigade de miliciens de la 5ème division de milice, qui mène la marche sur Jijiga. Les Somaliens continuent de se défendre vigoureusement : la 69ème brigade est réduite à 500 hommes, mais ses adversaires perdent 14 blindés dans les combats. Pendant ce temps, un régiment de Mi-6 (9 appareils) et 20 Mi-8 soviétiques héliportent troupes, chars, et munitions sur un plateau au nord-est de Jijiga où la jonction est faite avec la force de flanquement venant du nord. Les hélicoptères transportent également 70 véhicules de combat, des BMD-1 et peut-être aussi des canons d'assaut ASU-57 dont ce sera l'une des rares utilisations opérationnelles[34]. L'opération est encadrée par un détachement de Spetsnaz présent au sein du contingent de conseillers militaires soviétiques. Un bombardement aérien et d'artillerie frappe la ville de Jijiga, suivi d'attaques d'infanterie et de chars. Pendant que la 10ème division et les unités de soutien attaquent Jijiga par le nord, la 75ème brigade d'infanterie et la 1ère brigade paracommando, marchent sur la passe de Marda le 4 mars. Dans le même temps, les villes du nord de la Somalie, Hargeisa et le port de Berbera sont bombardées. Les 6 brigades somaliennes enfermées dans Jijiga combattent trois jours, mais les 6 000 soldats finissent par être anéantis, tués, blessés ou capturés[35]. Le 5 mars, à 9h, le drapeau éthiopien flotte sur la ville, hissé par le colonel Desalegn Abebe, le commandant de la 10ème division éthiopienne.

La prise de Jijiga est le sommet de la contre-offensive éthiopienne contre les Somaliens. Ceux-ci sont désormais en retraite et il ne faut que trois semaines aux Ethiopiens pour reprendre le reste du territoire perdu, avec des pertes plus liées à la chaleur qu'aux combats. A la 68ème brigade par exemple, les soldats ouvrent les radiateurs des véhicules  et les réserves d'eau pour les batteries pour étancher leur soif. 29 hommes meurent de déshydratation. La 8ème division d'infanterie perd 32 hommes pour les mêmes raisons. Le 8 mars, une colonne blindée de la 3ème division éthiopienne et la 3ème brigade blindée cubaine s'emparent de Degehabur, à 200 km au sud de Jijiga. A l'ouest, le FSLO résiste de façon inattendue face à une division éthiopienne qui fonce sur la ville de Fik. La 94ème brigade éthiopienne souffre particulièrement et perd son commandant, qui préfère se suicider plutôt que de se rendre. Mais appuyé par un bataillon d'artillerie cubain, les Ethiopiens finissent par prendre Fik. Siad Barre annonce alors le retrait complet de ses troupes d'Ethiopie. Les 16 et 17 mars, avec la prise d'Imi et Elkere par la 12ème division, le Bale et l'essentiel de l'Ogaden sont libérés. Le 23 mars, Addis-Abeba déclare la fin officielle des hostilités. Cependant, les Somaliens conservent le contrôle de près d'un tiers du territoire pris en juillet-août 1977. Il faudra une autre offensive pour en venir à bout[36].

Conclusion

Il est certain que les erreurs du commandement somalien ont contribué à la victoire éthiopienne. Tout comme l'arrivée, dans les derniers mois du conflit, de 18 000 soldats cubains, qui ont directement pris part aux opérations, et des 1500 conseillers militaires soviétiques. L'assistance de l'URSS et du bloc de l'est a été capitale dans la défaite et l'expulsion des Somaliens des territoires envahis. Cependant, ce sont bien les Ethiopiens qui ont tenu, et ne se sont pas effondrés, dans les six premiers mois. Les Somaliens n'étaient en fait pas préparés pour une guerre longue, une guerre d'attrition. Ce qui ne veut pas dire que leurs soldats n'ont pas été aussi courageux que les Ethiopiens : ceux-ci admiraient en particulier l'utilisation qu'ils faisaient de leurs blindés. En attaquant un pays cinq fois plus grand et dix fois plus peuplé, les Somaliens ne pouvaient compter que sur une blitzkrieg : or, ils ont manqué de rapidité et du sens de la manoeuvre pour l'achever. A terme, ils ont buté sur la zone du plateau pendant que les Ethiopiens faisaient passer leurs effectifs d'une division d'infanterie affaiblie à 7 divisions bien équipées. Les Somaliens ont étiré leurs lignes de communication, au sein d'un territoire hostile, où les attaques contre leur logistique (sur 700 km) sont vite devenues un cauchemar. Le commandement somalien a montré ses limites : au lieu de désorganiser les arrières éthiopiens, il a souvent eu recours à des attaques frontales, qui pâtissaient d'une mauvaise coordination interarmes. La doctrine soviétique prévoit pourtant un combat dans la profondeur du dispositif adverse : mais les Somaliens ne l'ont pas appliquée. Ils ont parfois cherché à attaquer le point faible de la défense éthiopienne, mais sans concentrer suffisamment de puissance de feu pour obtenir le résultat recherché. Ils ont aussi manqué l'occasion de détruire les infrastructures de l'aviation éthiopienne pour réduire son efficacité.

Monument dédié à la guerre de l'Ogaden à Addis-Abeba
La guerre de l'Ogaden montre l'importance des combats d'infanterie soutenus par des forces mécanisées, mais l'aviation joue un rôle considérable, comme cela s'était déjà vu lors de la guerre des Six Jours en 1967[37]. Les Ethiopiens, surclassés numériquement (36 chasseurs bombardiers contre 53 aux Somaliens en 1977), ont pourtant acquis la maîtrise du ciel. Ils ont été capables de frapper les villes du nord de la Somalie, tout en revendiquant la destruction de 9 MiG-17 et 18 MiG-21 en combat aérien, plus 6 autres en Somalie[38]. Est-ce dû à la supériorité du F-5 américain sur les MiG soviétiques ? De fait, c'est surtout l'expérience et l'entraînement des pilotes éthiopiens qui ont fait la différence : il ne faut pas oublier que l'armée de l'air éthiopienne existe alors depuis 30 ans, son homologue somalienne depuis 15 ans seulement. Certains pilotes éthiopiens deviennent de véritables héros nationaux : le colonel Legesse Teferra abat deux appareils ennemis et en détruit quatre autres au sol, bombardant l'aéroport d'Hargeisa avant d'être abattu par un missile sol-air et capturé. Relâché lors d'un échange de prisonniers en 1988, il sera promu général. Les Somaliens ont également sous-estimé la force du nationalisme éthiopien et du soutien à la révolution. La plupart des miliciens qui ont si vaillamment combattu pendant le conflit provient des régions méridionales de l'Ethiopie qui ont le plus bénéficié du partage des terres en 1975.

Les Ethiopiens ont gagné la guerre, mais n'ont pas remporté la paix. Il faudra encore trois années de combats et une grande compagne contre-insurrectionnelle en 1980-1981 pour venir à bout des deux guérillas de l'Ogaden. Le chiffre des pertes pour les deux camps est difficile à établir. Côté éthiopien, elles se montent au moins à 20 000 hommes, dont 6 000 morts. Parmi ceux-là figurent 160 soldats exécutés par leur propre camp. On compte aussi 3800 disparus, parmi lesquels, selon Addis-Abeba, plus de 1300 déserteurs. 163 Cubains ont été tués dans les combats, de même que 60 à 100 Yéménites. Le chiffre des pertes russes n'est pas connu. Les Somaliens quant eux auraient perdu un peu plus de 9 000 hommes dont 6500 morts[39]. Quant aux civils, on compte déjà plus de 500 000 personnes déplacées, le nombre exact de morts n'est pas connu mais il a dû être très important[40]. Certaines sources parlent d'au moins 25 000 morts civils.

Il est assez surprenant qu'une dispute frontalière dans une région si désolée de l'Afrique se soit transformée en un conflit majeur du continent, l'un des seuls d'ailleurs prenant une forme militaire et conventionnelle pour un litige frontalier, dans l'histoire contemporaine de l'Afrique. L'intervention de l'URSS est dramatique : elle rompt avec son ancien allié somalien, tout en inquiétant les Etats-Unis et les régimes arabes conservateurs, l'Iran, l'Arabie Saoudite et l'Egypte, qui craignent une mainmise soviétique sur la Corne de l'Afrique. Les experts occidentaux restent surpris par la rapidité d'action de l'URSS et par l'efficacité de l'armée éthiopienne armée et encadrée par leurs soins. Pour la Somalie, la défaite de la guerre de l'Ogaden accélère la décomposition de l'Etat de Siad Barre. Un coup d'Etat échoue d'ailleurs en Somalie quelques semaines après la défaite. Siad Barre sera chassé du pouvoir en janvier 1991. La guerre n'a pas réglé la question de l'Ogaden. Les Somaliens de la région ont vécu l'intervention de Mogadischio, durant ces huit mois, comme une véritable libération. Certains ont fui en Somalie, les autres sont restés sous la domination éthiopienne, formant le Front National de Libération de l'Ogaden (FNLO), qui revendique toujours l'autodétermination aujourd'hui. Côté éthiopien, la victoire renforce l'alliance avec l'URSS, concrétisée par un traité d'amitié et de coopération pour 20 ans signé en novembre 1978. L'Ethiopie de Mengistu compare alors la victoire contre les Somaliens à celle d'Adoua remportée sur les Italiens en 1896. Pourtant, elle disparaît assez vite de la mémoire populaire. Il faut dire qu'elle n'a pas été remportée sur le colonisateur européen, et la victoire est due à une aide étrangère massive. Elle est aussi le fait d'un régime qui commit de nombreuses exactions contre la population éthiopienne. La victoire de l'Ogaden consolide le Derg et le pouvoir personnel de Mengistu : l'armée a été reforgée dans le chaos initial des combats, la révolution a été sauvée. Mengistu veut maintenant utiliser ce formidable outil contre la guérilla de l'Erythrée. Mais l'adversaire n'est pas le même et la guerre en Erythrée sera, avec celle du Tigré, le tombeau du régime.


Bibliographie :

 

Article :

Gebru TAREKE, « The Ethiopia-Somali War of 1977 revisited », The International Journal of African Historical Studies, Volume 33, n°3, 2000, p.635-667.

Ouvrages :
 
Christopher BELLAMY, The Evolution of Modern Land Warfare. Theory and Practice, Routledge, 1990.

Michael BRZOSKA et Frederic S. PEARSON, Arms and Warfare. Escalation, De-Escalation and Negotiation, University of South Carolina Press, 1994.

David L. GRANGE et alii, Air-Mech Strike. Asymmetric Maneuver Warfare fort the 21st Century, Turner Publishing Company, 2000.

Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990.

Bruce PORTER, The USSR in Third World Conflicts : Soviet Arms and Diplomacy in Local Wars 1945-1980, Cambridge University Press, 1984

Oleg SARIN et Lev DVORETSKY, Alien Wars. The Soviet Union's Agressions Against the World, 1919 to 1989, Presidio, 1996.
 
Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009.









[1]   Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.25.


[2]   Ménélik II dirige le royaume d'Ethiopie de 1889 à 1913.


[3]   La majorité des Ethiopiens suit la religion orthodoxe. Le christianisme a été introduit en Ethiopie dès la fin de l'Antiquité.


[4]   Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.33.


[5]   Un site américain est dédiée à la station de Kagnew : http://www.kagnewstation.com/


[6]   Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.49.


[7]   On considère d'ailleurs ces affrontements armés, dans certaines sources, comme la première guerre de l'Ogaden.


[8]   Un terme inventé en 1952 par le démographe français Alfred Sauvy qui s'inspire du Tiers-Etat de la Révolution française. Le mot désigne alors les Etats les moins développés de la planète qui n'appartiennent ni au camp occidental, ni au camp socialiste.


[9]   Cf mon article sur Historicoblog (3) : « Les malheurs de l'Arabie Heureuse-La guerre au Nord-Yémen, 1962-1970 : le « Viêtnam égyptien »-(2/3) », http://historicoblog3.blogspot.com/2010/11/les-malheurs-de-larabie-heureuse-la.html


[10] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.82-85.


[11] Nom donné à la période suivant la Guerre des Six Jours (1967-1970), qui voit l'Egypte soutenue par l'URSS affronter Israël de manière limitée.


[12] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.107-108.


[13] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.136-143.


[14] Le peuple amhara est le deuxième plus important en nombre de l'Ethiopie après les Oromos.


[15] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.178-179.


[16] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.111-133.


[17] Gebru TAREKE, « The Ethiopia-Somali War of 1977 revisited », The International Journal of African Historical Studies, Volume 33, n°3, 2000, p.635-667.


[18] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009.


[19] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990.


[20] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.207-209.


[21] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.184-186.


[22] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.186-187.


[23] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.189-190.


[24] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.191-193.


[25] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.195-197.


[26] Oleg SARIN et Lev DVORETSKY, Alien Wars. The Soviet Union's Agressions Against the World, 1919 to 1989, Presidio, 1996, p.131.


[27] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.219.


[28] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.201.


[29] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.221.


[30] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.223.


[31] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.204-205.


[32] Robert G. PATMAN, The Soviet Union in the Horn of Africa. The diplomacy of  intervention and disengagement, Soviet and East European Studies 71, Cambridge University Press, 1990, p.231.


[33] Christopher BELLAMY, The Evolution of Modern Land Warfare. Theory and Practice, Routledge, 1990, p.117-119.


[34] David L. GRANGE et alii, Air-Mech Strike. Asymmetric Maneuver Warfare fort the 21st Century, Turner Publishing Company, 2000, p.86.


[35] Oleg SARIN et Lev DVORETSKY, Alien Wars. The Soviet Union's Agressions Against the World, 1919 to 1989, Presidio, 1996, p.135.


[36] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.208-209.


[37] Sur le volet aérien de la guerre de l'Ogaden, cf mon article sur Historicoblog (3) : « Camarades contre camarades : le volet aérien de la guerre de l'Ogaden », http://historicoblog3.blogspot.com/2010/07/camarades-contre-camarades-le-volet.html


[38] Un point sur les victoires aériennes sur ce site : http://aces.safarikovi.org/victories/ethiopia-1977-1978.html


[39] Gebru TAREKE, « The Ethiopia-Somali War of 1977 revisited », The International Journal of African Historical Studies, Volume 33, n°3, 2000, p.635-667.


[40] Gebru TAREKE, The Ethiopian Revolution. War in the Horn of Africa, Yale Library of Military History, Yale University Press, 2009, p.214.

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