Voici un compte-rendu du dernier jeu de GMT, France 40, aimablement transmis par deux wargamers suisse-romands.
Adrien Fontanellaz
Le
dernier GMT sur la campagne de 1940: un jeu qui permet de démythifier
beaucoup de certitudes … Compte
rendu d’une partie test
Joueur
allié
Dur !
La partie test que nous avons joué s’est soldée par une nette
victoire allemande. Félicitations au joueur allemand ! Au terme
du 5ème tour, celui-ci a créé les conditions favorables
pour une poussée rapide jusqu’à Abbeville, sans résistance
adverse, tout en s’ouvrant différentes possibilités en direction
du Sud. Si la défense sur la Dyle a tenu, tout le secteur de
Sedan-Charleville-Mézières a volé en éclats en l’espace de 3
tours. Reims a été prise malgré la concentration de trois DCR dans
ce secteur.
Suis-je
dépité ? Non. Car le jeu est totalement réaliste. Je ne crois
pas à une victoire alliée, mais seulement à un combat retardateur
qui permette d’empêcher l’Allemand de déferler vers le triangle
St-Quentin-Cambrai-Arras. En soi, réussir un tel combat est un
exploit vu les conditions de départ.
Début de partie |
- « Le 16 mai 1940, il fallait rester en Belgique », C'est le titre provocateur d’un livre paru aux éditions Economica. Je suis tenté de répondre que la question ne se pose même pas. Parce que la 1ère Armée française et toutes les unités présentes en Belgique sont fixées sur la Dyle et dans le secteur de Namur par un puissant adversaire qui la soumet à une pression permanente. Illusoire dans ces conditions de croire à un engagement autre que dans ce secteur du front.
- Oui, les Français disposent de chars plus puissants que les chars adverses mais pas de la doctrine d’engagement qui va avec et qui aurait permis de contrer l’avancée des Panzer. Les chars français ne sont pas conçus pour le duel: majoritairement lents, peu fiables, d'une autonomie dérisoire, démunis de moyens modernes de communication … Ces différents éléments sont apparus nettement grâce à des règles très bien conçues. Le joueur français a pu constituer un seul corps mécanisé cohérent face à plusieurs corps allemands du même type, beaucoup plus mobiles et mieux articulés. Impossible dans ces conditions d’imaginer une action sur les flancs allemands de quelque ampleur que ce soit. Je crois que nous sommes là au cœur de cette « étrange défaite » si bien décrite par Marc Bloch …
- Le BEF n’est pas un corps mécanisé mais une formation hybride avec une brigade blindée et plusieurs divisions motorisées aptes à un combat défensif. C’est une illusion d’imaginer une grande contre-offensive avec.
- Au final, GMT a produit un jeu d’une grande qualité, appelé à devenir un jeu de référence. Comme joueur allié, il s’agit d’un défi incroyablement dur à relever mais des possibilités existent. Je ne désespère pas de les exploiter un jour !
Sedan |
Dire
que la conception de ce jeu est très bonne est un euphémisme :
en regardant la carte avec mes seules divisions panzer positionnées
face à l’armée alliée, je ressens les sueurs froides de l’OKW.
Vais-je arriver à percer ? à quel prix ? et surtout, mes
points blindées vont-elles se retrouver isolées dans la profondeur,
donc fixées puis lentement détruites par le manque de
ravitaillement ?
Il
me faut donc traverser cette rivière le plus vite possible, à Sedan
et près de Givet. Devant Sedan, le front français est d’une
insigne faiblesse avec trois divisions d’infanterie de mauvaise
qualité et en arrière très peu de bonnes unités. Je vais donc
planifier une percée principale dans ce secteur, faisant au besoin
rejoindre mes divisions motorisées en provenance d’autres parties
du front. C’est peut-être une perte de temps, mais une fois le
trou fait, il faudra des unités mobiles pour tenir les flancs car
les divisions d’infanterie sont lentes, très lentes. Comme je
comprends l’état-major allemand qui ne voyait pas la carte comme
je la vois et s’est demandé quand la grande contre-attaque alliée
couperait les panzers de leur base. Sur les autres fronts, je vais me
contenter de mettre beaucoup de pression pour fixer l’adversaire.
J’étrille donc le corps de cavalerie devant Namur et garde mes
deux divisions de panzer devant Givet pour « amuser » le
corps mécanisé français constitué par mon adversaire. Cela n’a
pas été une partie de plaisir, mais au final la partie se déroule
bien ainsi. Le trou est fait depuis Sedan et les divisions motorisées
gèrent les flancs, l’une d’entre elles se payant le luxe de
prendre Reims et de tenir la ville contre deux DCR et une division
d’infanterie. Même le Halt Befehl ne permettra pas au
joueur français de m’empêcher de foncer vers Abbeville sans
grande opposition, ni de percer de vive force la ligne de la Dyle.
Fin de partie : la route d'Abeville est ouverte |
Je
tire de nos parties de test beaucoup de plaisir, mais aussi les
enseignements suivants :
- Weygand avait raison : le joueur français ne peut pas gagner cette bataille (ni même celle sur la Somme), mais il peut rendre l’avance allemande si difficile et si lente que le jeu de terminera par une victoire alliée aux points. Pour cela, il faut tenir les villes sur l’axe de progression, et en priorité Laon avec de bonnes unités d’infanterie.
- Autant que possible (c’est souvent de la pensée positive), le joueur allié doit regrouper ses unités mobiles pour pouvoir menacer, donc retarder les pointes allemandes.
- Le meilleur atout d’un joueur allié est la dissociation probable entre les panzers et les divisions d’infanterie, ce qui permet de couper les premières de leurs approvisionnements. Tout joueur allemand qui confondra vitesse et précipitation le paiera très cher face à un allié agressif. Tout le monde n’est pas Huntziger ou Corap, ni les prétendus stratèges de l’état-major français qui alignent quatre divisions de série B à la liaison entre deux armées, puis regarderont les allemands passer… L’encerclement est aussi possible avec les Allemands et un joueur français qui renforcerait trop Namur au détriment de ses flancs le paiera cher.
- Le temps de la partie ne joue pas pour les Allemands : ils peuvent faire des coupes claires dans les unités alliées à longueur de tours, mais cela ne les aide pas à gagner. Ils doivent en permanence choisir entre des effets tactiques et les effets opératifs. Le but est de disloquer l’ensemble du dispositif adverse, pas de manœuvrer sur 20 kilomètres, mais pour cela il faut produire des effets tactiques aussi, qui font perdre beaucoup de temps. Les Allemands l’ont fait en 1940, mais cela n’est pas si simple à reproduire qu’on pourrait l’imaginer.
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