- Ouvrage reçu en service presse.
Dans son dernier ouvrage, récemment paru
aux éditions Tallandier, Henry Bogdan, diplômé de l’école des langues
orientales vivantes et spécialiste reconnu, entre autres, de l’histoire de
l’Allemagne – Il a notamment publié Les
Hohenzollern, la dynastie qui a fait l’Allemagne : 1061-1918 chez
Perrin en 2010 - propose de revisiter la vie d’ un personnage mal-aimé de
l’histoire contemporaine. En effet, Guillaume II n’aura pas été loin de
représenter dans l’imaginaire collectif une véritable incarnation d’une caste
prussienne belliqueuse accusée d’être en grande partie à l’origine de la
Première Guerre Mondiale. Cette perception d’un personnage rigide et
autoritaire a encore été récemment illustrée dans le film germano-britannique Der Rote Baron diffusé dans les salles
en 2008.
Le livre de Henry Bogdan fait œuvre de
vulgarisation, comme l’atteste la présence d’une bibliographie indicative
présentant une trentaine d’ouvrages en français et en allemand choisis «parmi
les plus importants pour le sujet ».
Les annexes présentent des arbres généalogiques de la famille des
Hohenzollern ainsi qu’un tableau synthétisant des données géographies,
économiques et démographiques sur l’empire colonial allemand à la veille de la
guerre. Les trois premiers chapitres de l’opus
présentent l’enfance et l’adolescence du futur souverain, marquée par
l’infirmité contre laquelle il dût lutter puis sur ses premières années sur le
trône, sur lequel il monta à l’âge de 29 ans. Le chapitre suivant relate
l’antagonisme entre l’empereur et la chancelier Bismarck, qui culmina le 17
mars 1890 lorsque ce dernier fut invité à se retirer. Les chapitres 5 et 7
abordent la vie quotidienne de Guillaume II ainsi qu’une présentation de ses
proches. Le lecteur découvrira en parcourant ceux-ci un personnage relativement
complexe, et non exempt de qualités à l’image de son ouverture pour les progrès
technologiques marquant son époque.
L’un des points forts du livre est le soin
apporté par l’auteur à décrire le contexte dans lequel évolua Guillaume II. Le
chapitre 6 revient ainsi sur le fonctionnement des institutions politiques du
IIe Reich ainsi que sur la montée de la social-démocratie allemande, de plus en
plus influente. La politique sociale mise en œuvre par les autorités afin de
contrer le succès croissant de la gauche est également abordé. Celle-ci s’avéra
apparemment suffisamment populaire pour que les Alsaciens demandent de la
conserver lorsque en 1919, ils retrouvèrent le giron de la mère-patrie. Le
chapitre 8 décrit brièvement la croissance de l’économie allemande alors que le
pays se transforme en puissance industrielle de premier plan tandis que le
chapitre 9 présente la société allemande sous le règne du dernier Kaiser.
Une partie essentielle de l’œuvre de
Guillaume II est décrite dans les chapitres 10, 11 et 12, qui abordent la
politique étrangère, et particulièrement la Weltpolitik,
ainsi que la politique maritime du IIe Reich dans les décennies précédant la
chute de l’empire. Si la position de l’auteur relativise à cet égard beaucoup
les ambitions allemandes, rappelant qu’elles ne faisaient qu’émuler les
politiques suivies par d’autres puissances, même nouvelles si l’on pense au
Japon et aux Etats-Unis, il reste difficile d’exonérer Guillaume II d’avoir été
l’un des - si ce n’est le principal – architecte d’une politique ayant placé le
pays en trajectoire de collision avec une nation aussi puissante que l’était la
Grande Bretagne, notamment en bâtissant une marine devant à être capable à
terme de rivaliser avec la Royal Navy
ou encore en cherchant à accroître son influence dans l’empire ottoman.
La dernière grande partie du livre,
constituée des chapitres 13, 14 et 15 revient sur la série d’événements
enclenchés par l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand et qui déboucha
sur la guerre mondiale, le rôle de l’empereur durant celle-ci et enfin la
période relativement courte qui mena à son abdication. On ne peut s’empêcher
d’être particulièrement surpris par la facilité avec laquelle les chefs
militaires, et tout particulièrement Hindenburg et Ludendorff, seront parvenus
à écarter le Kaiser, non pas de la conduite opérationnelle de la guerre, mais
de sa dimension politique, faisant échouer les timides tentatives de
négociation vues d’un œil pourtant favorable par ce dernier. In fine, une fois qu’ils auront perdu la
guerre, ces militaires demanderont ensuite à Guillaume II d’abdiquer pour le
bien de l’Allemagne. On retrouve là toute les limites d’une armée allemande
presque exclusivement centrée sur la « technique » de la guerre mais
incapable de réellement en assurer la conduite stratégique, alors dans le même
temps, le politique – en l’occurrence l’empereur lui-même – s’avéra incapable
d’assurer cette dernière fonction. Enfin, le dernier chapitre du livre raconte
l’exil confortable de Guillaume II aux Pays-Bas, jusqu’à son décès en 1941.
Au final, la lecture de Le Kaiser Guillaume II, dernier empereur
d’Allemagne, 1859-1941 est recommandée principalement par l’effort amené
par l’auteur à contextualiser le personnage et parce qu’il s’agit d’un très bon
ouvrage de vulgarisation à la fois clair et érudit. Malgré cela, la volonté de relativisation –
sinon de réhabilitation - de l’empereur et de sa Weltpolitik tombe un peu à plat dans la mesure où l’on se plaît à
penser que l’époque où tout était de la faute « des Boches » est
largement révolue.
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