La guerre entre la
Chine et le Japon de 1937 à 1945 est restée dans l’ombre de la
Seconde guerre mondiale, principalement pour des raisons d’accès
aux sources. Les publications sur ce conflit restent en effet rares
en anglais et ce sans parler du français où elles sont pratiquement
inexistantes. C’est pour cette raison que, malgré sa dimension
relativement anecdotique si on la met en regard avec les immenses
pertes subies par les Chinois, sans doute supérieures à celles
supportées par l’URSS à la même époque, la détestation
légendaire opposant le général Stilwell à Tchang Kaï-chek reste
l’un des épisodes les plus connus et relatés de cette guerre.
Pourtant, l’entrée en guerre du Japon contre les puissances
occidentales constitua presque, à certains égards, une extension de
la guerre sino-japonaise. Ce théâtre des opérations, devenu
secondaire après le 7 décembre 1941, continua à immobiliser une
partie importante des ressources militaires du Japon, alors qu’à
partir de la fin de l’année 1942, celui-ci entrait dans une
spirale infernale où les défaites se succédèrent sur d’autres
fronts. L’opération Ichi-Go, lancée en 1944, constitue un
témoignage marquant de cet état de fait. En effet, cette campagne
mobilisa non seulement des centaines de milliers de soldats durant
plusieurs mois mais elle fut aussi la plus vaste opération lancée
par l’armée impériale japonaise au cours de toute son existence.
Adrien Fontanellaz, déjà publié sur l'autre côté de la colline
Le lancement par le Japon
d’une opération aussi gigantesque et aussi tardive en Chine
constitua, à plus d’un titre, un changement de paradigme. En
effet, à partir du début de l’année 1941, incapable de trouver
une solution militaire directe au conflit dans lequel elle s’était
fourvoyée, l’armée impériale japonaise renonça à lancer de
nouvelles offensives conçues comme décisives, que ce soit en visant
à s’emparer de la capitale du Guomindang (KMT) du moment ou encore
en cherchant à annihiler ses principales armées, et commença à
diminuer, faiblement, le nombre de troupes dans le pays. Pour les
Japonais, la fin de ce qu’ils nommaient l’ « Incident
de Chine » serait le fruit de l’étouffement progressif du
régime nationaliste une fois que l’ensemble de ses communications
avec l’extérieur serait coupé. En attendant, les soldats nippons
stationnés dans le pays et contrôlés par l’armée
expéditionnaire de Chine, dont le quartier-général était à
Canton, et l’armée de la zone du Nord de la Chine, dont le
quartier-général était à Pékin, devaient accroître l’emprise
japonaise sur les régions déjà conquises et contenir le KMT.
Ainsi, de 1941 à 1944, une série d’offensives limitées furent
lancées contre des concentrations de troupes nationalistes, suivies
le plus souvent par un retrait des unités japonaises sur leurs
positions de départ faute de disposer des effectifs et des
ressources logistiques permettant de contrôler de nouveaux
territoires.
Mitrailleurs japonais en action durant la bataille de Changsha
(via http://imperialjapanesearmy.tumblr.com)
|
Ainsi,
durant les mois de mai et juin 1941, lors de l'opération Nakahara
menée dans les zones montagneuses situées entre le fleuve jaune et
le Grand Canal, six divisions et deux brigades indépendantes de
l'armée impériale parvinrent à encercler 26 divisions chinoises,
faisant 35'000 prisonniers et revendiquant avoir tué 42'000 hommes,
et ce au prix de 3'000 tués et blessés. Autre exemple de ce mode
opératoire, entre février et mars 1943, la 11e armée japonaise
lança une offensive contre la 4e armée communiste et le 24e groupe
d'armée du KMT le long de la frontière entre le Hebei et le Shanxi.
Elle repoussa avec succès les troupes nationalistes au Sud du fleuve
jaune au prix de quelques centaines de pertes tout annonçant avoir
tué ou capturé plus de 30'000 ennemis. Enfin, en novembre 1943 la
11e armée lança pour la deuxième fois une offensive visant à
s'emparer de la ville de Changde dans la province du Hunan. Six
divisions japonaises rassemblées le long du Yang Tsé passèrent à
l'attaque le 2 novembre et progressant en plusieurs colonnes,
parvinrent, à la suite de violents affrontements contre les 10e, 27e
et 29e groupes d'armées nationalistes, à proximité de la ville le
20. Les troupes nippones furent ensuite engagées dans de très durs
combats contre la 57e division chinoise chargée de défendre la
ville et qui se battit littéralement jusque au dernier homme. Au
moment de la chute de Changde le 28 novembre, cette division ne
comptait plus que 500 survivants sur 8'000 quelques jours plus tôt
et avait perdu 95 % de ses officiers. Ce sacrifice devait
cependant permettre de porter un coup fatal au Japonais. Alors que
trois divisions nippones étaient immobilisées par le siège, les
Chinois étaient parvenus à redéployer plusieurs grandes unités et
tentèrent de les prendre en tenaille. La ville de Changde fut
reprise le 9 décembre, mais les troupes nippones se replièrent avec
succès sur leurs positions de départ, après avoir perdu près de
3'000 morts et infligé aux Chinois entre 10'000 et 30'000 tués et
pris 15'000 prisonniers. Il serait cependant erroné de conclure de
ces opérations que l'armée japonaise, malgré le meilleur
entraînement et la puissance de feu supérieure de ses troupes,
était confrontée à un adversaire qu'elle pouvait se permettre de
sous-estimer. Ainsi, en janvier 1942, deux divisions japonaises
manquèrent de peu d'être anéanties à Changsha après avoir été
encerclées par le 10e groupe d'armée chinois.
Du côté
chinois, un certain attentisme prévalait également. Les Communistes
ne disposaient alors pas de la puissance militaire qui leur aurait
permis de contester la domination japonaise sur le champs de bataille
ainsi que l'avait démontré l'offensive des Cents Régiments dans le
Nord du pays en août 1940, où après une série de succès
initiaux, ils finirent par devoir céder face à la puissance de feu
des troupes japonaises et qui fut suivie par une longue série
d'opérations antiguérillas sanguinaires menées par l’armée de
la zone du Nord de la Chine, entrées dans la postérité sous le nom
des « Trois tout » pour « tout tuer, tout brûler
et tout piller ». De plus, les Communistes autant que les
Nationalistes savaient que, tôt ou tard le Japon serait vaincu par
les Alliés et sa chute ne ferait que fermer une parenthèse dans la
lutte acharnée qu'ils se menaient depuis la fin des années 20 et
que celle-ci reprendrait nécessairement. Il s’agissait là d’un
élément qui ne pouvait que peser lourdement sur les stratégies
développées par ces deux acteurs.
Par
ailleurs, le fait que le KMT s’abstint de lancer de grandes
offensives résultait de plusieurs autres facteurs cohérents même
si cette politique fut l'objet d'acerbes critiques américaines.
D'une part, après avoir vu ses meilleurs unités écrasées une
première fois durant la bataille de Shanghai, puis vaincues à
plusieurs autres reprises par la suite, Tchang
Kaï-chek
avait opté pour une stratégie d'usure, évitant soigneusement tout
engagement décisif et cherchant à internationaliser le conflit. Les
Japonais lui avaient à cet égard donné raison en s'attaquant aux
Etats-Unis et au Commonwealth en décembre 1941. Si, ce faisant,
ceux-ci s'étaient condamnés à terme à une inévitable défaite
dans le cas où, de limitée, la guerre contre les Anglo-saxons
devenait totale, ils avaient également, en s'emparant de Hong-Kong
puis de la Birmanie, coupés totalement le KMT de toute voie de
communication avec l'extérieur. Par la suite, les Alliés mirent en
place un pont aérien reliant l'Inde à la Chine nationaliste mais,
jusqu'en 1944, son débit resta limité. Ainsi, entre deux et douze
gallons d'essence devaient être consommés pour en amener un seul à
destination. De plus, la majeure partie, jusqu'à 70 % durant
certaines périodes, des approvisionnements livrés étaient
consacrés aux forces aériennes américaines présentes en Chine. De
ce fait, en mai 1944, seules
10'000
tonnes d'armes et de munitions avaient été livrées
aux troupes du KMT. Et cette disette ne pouvait que très
partiellement être compensée par l’industrie locale, qui ne
produisait essentiellement que des armes individuelles et leurs
munitions.
Un autre
facteur majeur de cette relative passivité tenait aux faiblesses
d'ordre politique héritées de l'histoire de l'armée nationaliste.
Celle-ci comprenait plus ou moins 300 divisions dont trois formaient
une armée. Trois de ces dernières constituaient à leur tour un
groupe d’armée, le plus souvent rattaché
à une des douze zones de guerre mises en place par le KMT. En outre,
une trentaine de divisions dépendaient directement du KMT. Hors,
certains des commandants de zones étaient d'anciens seigneurs de
guerre ralliés à Tchang
Kaï-chek
durant les années 20 et qui gardaient une grande autonomie,
considérant leurs troupes comme le pilier central sur lequel
reposait leur capital politique. A l'évidence, ceci ne les
prédisposait guère à en partager le contrôle ou à les voir
décimées dans des combats contre les Japonais. De son côté, le
généralissime raisonnait de la même manière en préservant autant
que possible ses trente divisions, qui, bien que mieux équipées et
mieux entraînées que le reste de l'armée, furent relativement peu
engagées contre l'ennemi japonais car elles constituaient un
contrepoids essentiel face aux forces régionales et leur
anéantissement aurait compromis l'équilibre même du pouvoir
nationaliste. Dans ce système, et à tous les échelons, chacun
s'efforçait de nommer des subordonnés dont le principal critère
était la loyauté et tendait à ménager ses troupes. Même au sein
des divisions, la loyauté des hommes s'adressait avant tout à leur
commandant. Ainsi, même si l’autorité du généralissime lui-même
était incontestée et que ses ordres directs à des chefs d’unités
étaient exécutés lorsqu’il court-circuitait des échelons de
commandement, il n’était pas rare que des instructions transmises
de manière conforme à la pyramide hiérarchique ne soient pas
suivis d’effets. Par ailleurs, le contexte économique
catastrophique résultant du peu de ressources du régime qui avait
dû abandonner à l'ennemi les zones les plus riches du pays associé
à une corruption endémique avait pour effet de rendre la vie de
bien des soldats misérables, certains étant littéralement menacés
de famine. De plus, pratiquement aucun unité n'approchait, même de
loin, ses dotations théoriques en hommes et en matériel. In
fine,
l'armée nationaliste ne constituait guère un outil adapté au
lancement de grandes offensives contre un adversaire aussi dangereux
que l'armée impériale japonaise.
Pourtant,
en 1943, l’Etat-major impérial japonais changea radicalement
d’orientation pour plusieurs raisons. A partir du début de
l’année, la flotte marchande nipponne commença à être ravagée
par l’arme sous-marine américaine qui était arrivée à maturité
après avoir surmonté ses lacunes matérielles et doctrinales du
début de la guerre et se trouva ainsi en mesure de pouvoir exploiter
au mieux les renseignements obtenus grâce au décryptage des codes
navals japonais. Ainsi, au début de la guerre, le tonnage global de
la marine marchande de l’Empire du Soleil Levant était de six
millions de tonnes. A la fin de l’année 1943, et malgré les
nouvelles constructions, celui-ci était de 5 millions. Cette
hémorragie alla en s’accentuant dans la mesure où, une année
plus tard, il était tombé à trois millions. Ce contexte ne pouvait
rendre que séduisant la création d’une liaison terrestre continue
entre le Sud-Est asiatique et la Corée et ce d’autant plus que
seuls la partie des côtes chinoises encore tenues par les
Nationalistes empêchait la réalisation d’un tel projet. Par
ailleurs, s’il ne permit de couvrir qu’une partie infime des
besoins de l’armée du KMT, le pont aérien entre l’Inde et la
Chine autorisa une montée en puissance significative des forces
aériennes américaines déployées en territoire nationaliste. Alors
qu’en 1942, le légendaire American
Volunteer Group devint
la China
Air Task Force
rattachée la 10th
Air Force,
cette dernière fut rebaptisée, en mars 1943, 14th
Air Force,
dirigée par le Major-général Chennault, un ardent défenseur du
tout-aérien. A la fin de l’année, cette force fut encore
renforcée par l’activation d’un Chinese-American
Composite Wing fort
de deux groupes de chasse et d’un de bombardement moyen. La 14th
Air Force
commença à s’attaquer au trafic maritime ennemi à partir du mois
de juillet 1943 avant de bombarder directement l’île de Formose,
alors territoire japonais, en novembre de la même année. Ces
opérations, déjà préoccupantes, ne faisaient que souligner la
menace que ferait peser la nouvelle génération de bombardiers à
très long rayon d’action américains dans la mesure où ils
seraient capables d’attaquer le Japon à partir de bases chinoises.
Carte d'Ichi-Go sakusen (via wikimedia)
|
In
fine, à
la fin du mois de novembre 1943, l’Etat-major impérial ordonna la
planification d’une opération majeure nommée Ichi-Go
sakusen
(opération numéro un) dont les objectifs majeurs devaient être la
capture des aéroports susceptibles de servir de bases de départ aux
B-29 tant redoutés, l’établissement d’une liaison terrestre
entre le Nord de l'Indochine et les zones de la Chine déjà occupées
et enfin, de porter un coup suffisamment puissant aux armées du KMT
pour affaiblir celui-ci durablement. De plus, l'armée
expéditionnaire du Sud du maréchal Terauchi, en charge du Sud-Est
asiatique, devait appuyer les effort de l'armée expéditionnaire de
Chine en menant des opérations offensives dans le Nord de la
Birmanie afin d'y fixer un maximum de troupes nationalistes ainsi que
de lancer une avance depuis Langson. Après une série d'études et
de Kriegspiel
menés par l'Etat-major impérial et le quartier-général de l'armée
expéditionnaire de Chine, le plan de l'opération fut approuvé par
l'empereur le 24 janvier 1944. Comme souvent, des divergences sur les
objectifs prioritaires d'Ichi-Go avaient vu le jour mais, au final,
les échelons dirextement en charge des opérations en Chine
imposèrent leurs vues. Les armées sur qui allaient reposer l'effort
principal furent renforcées à partir du mois de février 1944 à
l’aide d’unités détachées d'autres grandes formations comme
l'armée du Kwantung. La 11e armée reçut ainsi les 27e et 111e
divisions, la 12e armée, les 37e, 62e et 110e divisions ainsi que la
3e division blindée et enfin, la 23e armée se vit attribuer la 22e
division. Devant s'étaler sur une surface de 1’500 km2, la
campagne devait mobiliser une vingtaine de divisions, 500'000 hommes,
100'000 chevaux, 15''000 véhicules, 1'500 pièces d'artillerie et
800 tanks. En revanche, sur le plan aérien, la 5e Kokugun
(armée
aérienne) en charge des opérations en Chine était incapable de
ravir le contrôle des cieux, avec ses 240 avions, aux aviateurs
chinois et américains qui alignèrent 535 chasseurs et 156
bombardiers en novembre 1944.
Complexe,
l'opération Ichi-Go devait s'échelonner sur plusieurs mois et se
divisait en plusieurs phases. La première de celles-ci, l'offensive
Keikan, ou Kogo, débuta au milieu du mois d'avril avec pour objectif
de dégager l'axe ferroviaire reliant Pékin à Hankou. Les Japonais
lancèrent une attaque en tenaille à partir des deux extrémités
d'un gigantesque saillant épousant en grande partie les cours du
fleuve jaune et du Yang Tsé et correspondant à la 1ère zone de
guerre chinoise. La première pince était représentée par une
brigade indépendante de la 11e armée alors que la seconde, beaucoup
plus puissante, incluait cinq divisions, trois brigades indépendantes
et une division blindée appartenant pour la plupart à la 12e armée,
dépendant de l’armée de la zone du Nord de la Chine. Kogo
s'acheva à la fin du mois de mai par un succès après la capture de
la ville de Luoyang le 25 mai 1944 et du tronçon de la voie de
chemin de fer convoité et ce en dépit du fait qu'au début de la
bataille, les troupes de la 1ère zone de guerre étaient cinq à
huit fois plus nombreuses que l'assaillant. L'armée impériale
estima par ailleurs avoir tué 37'500 soldats ennemis et ce au prix
de 850 morts. La 3e division blindée joua un rôle majeur dans le
succès de Kogo, menant une véritable chevauchée blindée au cours
de laquelle elle parcourut 1'400
kilomètres
et parvint à tomber sur les arrières de l'ennemi à plusieurs
reprises. Cependant, la résistance acharnée des Chinois à Luoyang
força les Japonais à consacrer d’importantes forces à sa
capture et permit à de nombreuses troupes chinoises d'échapper à
l'encerclement.
Le
premier des trois volets de la seconde partie d'Ichi-Go, nommée
Shokei et abrégée Togo, débuta à la fin du mois de mai et donna
lieu à des combats beaucoup plus violents et fut baptisé bataille
du Hunan
par les Chinois. Il incomba principalement aux dix divisions de la
11e armée. Celle-ci entra dans la province du Hunan
en progressant sur trois axes et encercla la ville de Changsha,
défendue par la 4e armée nationaliste, le 8 juin. Deux divisions
japonaises investirent la ville après dix jours de combats acharnés
contre les 10'000 soldats chargés de la défendre. Sous-estimant
l'ampleur de l'attaque, le KMT n'avait dépêché qu'une division en
renfort à la neuvième zone de guerre commandée par le général
Xue Yue et dont dépendait Changsha. Les troupes japonaises
poursuivirent ensuite leur progression en direction de Hengyang, qui
constituait un objectif vital dans la mesure où cette ville était
un important carrefour ferroviaire d’où se rejoignaient les lignes
vers Hong-Kong, Pékin et Liuchow.
Malgré de féroces attaques contre ses flancs, la 11e armée
atteignit la périphérie de cette cité le 23 juin. Hors, la
Commission des affaires militaires, l'organe suprême des armées du
KMT présidé par Tchang Kaï-chek lui-même, décida de livrer une
bataille décisive à cet endroit. La défense de Hengyang elle-même
fut confiée à la 10e armée alors que 13 autres armées se
concentrèrent sur ses flancs, tandis que l'aviation sino-américaine
intervenait en force sur le champ de bataille. Pour réaliser cette
concentration, la 9e zone de guerre reçut des renforts en provenance
des 3e et 6e zones de guerre. Malgré de violentes attaques, ces
unités ne parvinrent pas à desserrer l'étau autour de Hengyang,
qui tomba le 8 août après 47 jours de combats acharnés. Les
troupes nationalistes lancèrent de vaines contre-attaques jusqu'à
la fin du mois d'août avant que le généralissime ne leur ordonne
de passer sur la défensive et de protéger la province du Guangxi.
La première phase de Togo s'acheva le 7 septembre avec la chute de
Lingling.
Durant ces trois mois de bataille, le KMT engagea 40 divisions, soit
de 350 à 380'000 soldats tandis que la 11e armée japonaise
comprenait de 250 à 280'000 hommes. Cette dernière perdit 60'000
soldats et blessés et estima les pertes ennemies à 226'400 hommes
tués, blessés, malades ou capturés. Les Chinois reconnurent avoir
perdu 90'557 tués et blessés durant la bataille.
Soldats du KMT durant la guerre (via wikimedia)
|
Dès le
début du mois de septembre, l'armée nippone se lança dans les 2ème
et 3ème phases de Togo, qui se prolongèrent jusqu'au mois de
janvier 1945. La 11e armée poursuivit son avance en suivant la voie
ferrée Hengyang-Liuzhou jusqu'à la ville de Liuzhou, au cœur de la
province du Guangxi, où elle fit sa jonction avec les deux divisions
et les deux brigades de la 23e armée partie de Canton. Enfin, les
troupes japonaises s'emparèrent ensuite de la ligne ferroviaire
reliant Canton à Hengyang tout en avançant en direction de Nanning,
qu'ils capturèrent le 24 décembre 1944 tandis que la 21e
armée passait à son tour à l’attaque depuis la frontière
indochinoise. Deux mois plus tard, l'ensemble des objectifs d'Ichi-Go
étaient atteints avec la mise hors d'état de nuire d'un chapelet
d'aérodromes ennemis et la création d'un corridor terrestre
ininterrompu entre le Nord de l'Indochine et la Corée.
De
prime abord, l’opération Ichi-Go fut donc un succès et pourtant,
aucun de ses objectifs stratégiques ne fut réellement atteint. A
peine plus d’un mois après le début de la campagne, les
Américains se lancèrent à la conquête des îles Mariannes, dont
ils s’emparèrent à la suite d’une gigantesque bataille
aéronavale et de durs combats sur les îles de Saipan et de Guam.
Avec cette conquête, ceux-ci disposèrent de bases mettant les B-29
à portée du Japon, avec pour effet de réduire considérablement
l’importance des bases chinoises, dont l’occupation ne pouvait
donc plus protéger le Japon de raids aériens dévastateurs. Par
ailleurs, l’établissement d’un couloir terrestre continu entre
la Corée et l’Indochine ne pouvait pallier que de manière très
limitée à la destruction de la marine marchande nippone dans la
mesure où, sur de telles distances, le rendement du transport par
rail était incomparablement plus faible que celui du transport
maritime et ce d’autant plus que le réseau ferroviaire existant
était limité et vulnérable aux attaques aériennes. En revanche,
ce véritable chant du cygne de l’armée impériale japonaise porta
de très rudes coups aux armées du KMT, qui avait relevé le défi
en tentant de stopper frontalement la première phase de Togo. In
fine,
comme souvent en histoire, le véritable vainqueur sur le long terme
fut celui qui conserva le mieux ses forces en profitant de
l’affaiblissement de ses rivaux. En l’occurrence, les Communistes
chinois purent étendre considérablement leur influence dans la
mesure où d’une part, les Nationalistes avaient été
considérablement affaiblis et que d’autre part, les Japonais
avaient dû réduire leur présence militaire dans les zones qu’ils
occupaient afin de libérer des troupes pour la campagne. Enfin,
aborder, même de manière succincte, les grandes batailles de la
guerre sino-japonaise démontre à l’envi à quel point elle fut
acharnée, bien loin de la perception longtemps véhiculée de
faciles conquêtes japonaises entravées seulement par les opérations
de guérilla de l’armée populaire de libération.
Bibliographie
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Mark
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Thèse
de Todd Eric Jahnke, By
Air Power Alone : America's strategic Air War in China, 1941-1945,
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Monograph no 45, History of Imperial General Headquarters Army
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ibiblio.org, consulté le 5 février 2014
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