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mercredi 1 octobre 2014

Ichi-Go sakusen




La guerre entre la Chine et le Japon de 1937 à 1945 est restée dans l’ombre de la Seconde guerre mondiale, principalement pour des raisons d’accès aux sources. Les publications sur ce conflit restent en effet rares en anglais et ce sans parler du français où elles sont pratiquement inexistantes. C’est pour cette raison que, malgré sa dimension relativement anecdotique si on la met en regard avec les immenses pertes subies par les Chinois, sans doute supérieures à celles supportées par l’URSS à la même époque, la détestation légendaire opposant le général Stilwell à Tchang Kaï-chek reste l’un des épisodes les plus connus et relatés de cette guerre. Pourtant, l’entrée en guerre du Japon contre les puissances occidentales constitua presque, à certains égards, une extension de la guerre sino-japonaise. Ce théâtre des opérations, devenu secondaire après le 7 décembre 1941, continua à immobiliser une partie importante des ressources militaires du Japon, alors qu’à partir de la fin de l’année 1942, celui-ci entrait dans une spirale infernale où les défaites se succédèrent sur d’autres fronts. L’opération Ichi-Go, lancée en 1944, constitue un témoignage marquant de cet état de fait. En effet, cette campagne mobilisa non seulement des centaines de milliers de soldats durant plusieurs mois mais elle fut aussi la plus vaste opération lancée par l’armée impériale japonaise au cours de toute son existence. 

Adrien Fontanellaz, déjà publié sur l'autre côté de la colline 


Le lancement par le Japon d’une opération aussi gigantesque et aussi tardive en Chine constitua, à plus d’un titre, un changement de paradigme. En effet, à partir du début de l’année 1941, incapable de trouver une solution militaire directe au conflit dans lequel elle s’était fourvoyée, l’armée impériale japonaise renonça à lancer de nouvelles offensives conçues comme décisives, que ce soit en visant à s’emparer de la capitale du Guomindang (KMT) du moment ou encore en cherchant à annihiler ses principales armées, et commença à diminuer, faiblement, le nombre de troupes dans le pays. Pour les Japonais, la fin de ce qu’ils nommaient l’ « Incident de Chine » serait le fruit de l’étouffement progressif du régime nationaliste une fois que l’ensemble de ses communications avec l’extérieur serait coupé. En attendant, les soldats nippons stationnés dans le pays et contrôlés par l’armée expéditionnaire de Chine, dont le quartier-général était à Canton, et l’armée de la zone du Nord de la Chine, dont le quartier-général était à Pékin, devaient accroître l’emprise japonaise sur les régions déjà conquises et contenir le KMT. Ainsi, de 1941 à 1944, une série d’offensives limitées furent lancées contre des concentrations de troupes nationalistes, suivies le plus souvent par un retrait des unités japonaises sur leurs positions de départ faute de disposer des effectifs et des ressources logistiques permettant de contrôler de nouveaux territoires.




Mitrailleurs japonais en action durant la bataille de Changsha (via http://imperialjapanesearmy.tumblr.com)
 
Ainsi, durant les mois de mai et juin 1941, lors de l'opération Nakahara menée dans les zones montagneuses situées entre le fleuve jaune et le Grand Canal, six divisions et deux brigades indépendantes de l'armée impériale parvinrent à encercler 26 divisions chinoises, faisant 35'000 prisonniers et revendiquant avoir tué 42'000 hommes, et ce au prix de 3'000 tués et blessés. Autre exemple de ce mode opératoire, entre février et mars 1943, la 11e armée japonaise lança une offensive contre la 4e armée communiste et le 24e groupe d'armée du KMT le long de la frontière entre le Hebei et le Shanxi. Elle repoussa avec succès les troupes nationalistes au Sud du fleuve jaune au prix de quelques centaines de pertes tout annonçant avoir tué ou capturé plus de 30'000 ennemis. Enfin, en novembre 1943 la 11e armée lança pour la deuxième fois une offensive visant à s'emparer de la ville de Changde dans la province du Hunan. Six divisions japonaises rassemblées le long du Yang Tsé passèrent à l'attaque le 2 novembre et progressant en plusieurs colonnes, parvinrent, à la suite de violents affrontements contre les 10e, 27e et 29e groupes d'armées nationalistes, à proximité de la ville le 20. Les troupes nippones furent ensuite engagées dans de très durs combats contre la 57e division chinoise chargée de défendre la ville et qui se battit littéralement jusque au dernier homme. Au moment de la chute de Changde le 28 novembre, cette division ne comptait plus que 500 survivants sur 8'000 quelques jours plus tôt et avait perdu 95 % de ses officiers. Ce sacrifice devait cependant permettre de porter un coup fatal au Japonais. Alors que trois divisions nippones étaient immobilisées par le siège, les Chinois étaient parvenus à redéployer plusieurs grandes unités et tentèrent de les prendre en tenaille. La ville de Changde fut reprise le 9 décembre, mais les troupes nippones se replièrent avec succès sur leurs positions de départ, après avoir perdu près de 3'000 morts et infligé aux Chinois entre 10'000 et 30'000 tués et pris 15'000 prisonniers. Il serait cependant erroné de conclure de ces opérations que l'armée japonaise, malgré le meilleur entraînement et la puissance de feu supérieure de ses troupes, était confrontée à un adversaire qu'elle pouvait se permettre de sous-estimer. Ainsi, en janvier 1942, deux divisions japonaises manquèrent de peu d'être anéanties à Changsha après avoir été encerclées par le 10e groupe d'armée chinois.

Du côté chinois, un certain attentisme prévalait également. Les Communistes ne disposaient alors pas de la puissance militaire qui leur aurait permis de contester la domination japonaise sur le champs de bataille ainsi que l'avait démontré l'offensive des Cents Régiments dans le Nord du pays en août 1940, où après une série de succès initiaux, ils finirent par devoir céder face à la puissance de feu des troupes japonaises et qui fut suivie par une longue série d'opérations antiguérillas sanguinaires menées par l’armée de la zone du Nord de la Chine, entrées dans la postérité sous le nom des « Trois tout » pour « tout tuer, tout brûler et tout piller ». De plus, les Communistes autant que les Nationalistes savaient que, tôt ou tard le Japon serait vaincu par les Alliés et sa chute ne ferait que fermer une parenthèse dans la lutte acharnée qu'ils se menaient depuis la fin des années 20 et que celle-ci reprendrait nécessairement. Il s’agissait là d’un élément qui ne pouvait que peser lourdement sur les stratégies développées par ces deux acteurs.

Par ailleurs, le fait que le KMT s’abstint de lancer de grandes offensives résultait de plusieurs autres facteurs cohérents même si cette politique fut l'objet d'acerbes critiques américaines. D'une part, après avoir vu ses meilleurs unités écrasées une première fois durant la bataille de Shanghai, puis vaincues à plusieurs autres reprises par la suite, Tchang Kaï-chek avait opté pour une stratégie d'usure, évitant soigneusement tout engagement décisif et cherchant à internationaliser le conflit. Les Japonais lui avaient à cet égard donné raison en s'attaquant aux Etats-Unis et au Commonwealth en décembre 1941. Si, ce faisant, ceux-ci s'étaient condamnés à terme à une inévitable défaite dans le cas où, de limitée, la guerre contre les Anglo-saxons devenait totale, ils avaient également, en s'emparant de Hong-Kong puis de la Birmanie, coupés totalement le KMT de toute voie de communication avec l'extérieur. Par la suite, les Alliés mirent en place un pont aérien reliant l'Inde à la Chine nationaliste mais, jusqu'en 1944, son débit resta limité. Ainsi, entre deux et douze gallons d'essence devaient être consommés pour en amener un seul à destination. De plus, la majeure partie, jusqu'à 70 % durant certaines périodes, des approvisionnements livrés étaient consacrés aux forces aériennes américaines présentes en Chine. De ce fait, en mai 1944, seules 10'000 tonnes d'armes et de munitions avaient été livrées aux troupes du KMT. Et cette disette ne pouvait que très partiellement être compensée par l’industrie locale, qui ne produisait essentiellement que des armes individuelles et leurs munitions.

Un autre facteur majeur de cette relative passivité tenait aux faiblesses d'ordre politique héritées de l'histoire de l'armée nationaliste. Celle-ci comprenait plus ou moins 300 divisions dont trois formaient une armée. Trois de ces dernières constituaient à leur tour un groupe d’armée, le plus souvent rattaché à une des douze zones de guerre mises en place par le KMT. En outre, une trentaine de divisions dépendaient directement du KMT. Hors, certains des commandants de zones étaient d'anciens seigneurs de guerre ralliés à Tchang Kaï-chek durant les années 20 et qui gardaient une grande autonomie, considérant leurs troupes comme le pilier central sur lequel reposait leur capital politique. A l'évidence, ceci ne les prédisposait guère à en partager le contrôle ou à les voir décimées dans des combats contre les Japonais. De son côté, le généralissime raisonnait de la même manière en préservant autant que possible ses trente divisions, qui, bien que mieux équipées et mieux entraînées que le reste de l'armée, furent relativement peu engagées contre l'ennemi japonais car elles constituaient un contrepoids essentiel face aux forces régionales et leur anéantissement aurait compromis l'équilibre même du pouvoir nationaliste. Dans ce système, et à tous les échelons, chacun s'efforçait de nommer des subordonnés dont le principal critère était la loyauté et tendait à ménager ses troupes. Même au sein des divisions, la loyauté des hommes s'adressait avant tout à leur commandant. Ainsi, même si l’autorité du généralissime lui-même était incontestée et que ses ordres directs à des chefs d’unités étaient exécutés lorsqu’il court-circuitait des échelons de commandement, il n’était pas rare que des instructions transmises de manière conforme à la pyramide hiérarchique ne soient pas suivis d’effets. Par ailleurs, le contexte économique catastrophique résultant du peu de ressources du régime qui avait dû abandonner à l'ennemi les zones les plus riches du pays associé à une corruption endémique avait pour effet de rendre la vie de bien des soldats misérables, certains étant littéralement menacés de famine. De plus, pratiquement aucun unité n'approchait, même de loin, ses dotations théoriques en hommes et en matériel. In fine, l'armée nationaliste ne constituait guère un outil adapté au lancement de grandes offensives contre un adversaire aussi dangereux que l'armée impériale japonaise.

Pourtant, en 1943, l’Etat-major impérial japonais changea radicalement d’orientation pour plusieurs raisons. A partir du début de l’année, la flotte marchande nipponne commença à être ravagée par l’arme sous-marine américaine qui était arrivée à maturité après avoir surmonté ses lacunes matérielles et doctrinales du début de la guerre et se trouva ainsi en mesure de pouvoir exploiter au mieux les renseignements obtenus grâce au décryptage des codes navals japonais. Ainsi, au début de la guerre, le tonnage global de la marine marchande de l’Empire du Soleil Levant était de six millions de tonnes. A la fin de l’année 1943, et malgré les nouvelles constructions, celui-ci était de 5 millions. Cette hémorragie alla en s’accentuant dans la mesure où, une année plus tard, il était tombé à trois millions. Ce contexte ne pouvait rendre que séduisant la création d’une liaison terrestre continue entre le Sud-Est asiatique et la Corée et ce d’autant plus que seuls la partie des côtes chinoises encore tenues par les Nationalistes empêchait la réalisation d’un tel projet. Par ailleurs, s’il ne permit de couvrir qu’une partie infime des besoins de l’armée du KMT, le pont aérien entre l’Inde et la Chine autorisa une montée en puissance significative des forces aériennes américaines déployées en territoire nationaliste. Alors qu’en 1942, le légendaire American Volunteer Group devint la China Air Task Force rattachée la 10th Air Force, cette dernière fut rebaptisée, en mars 1943, 14th Air Force, dirigée par le Major-général Chennault, un ardent défenseur du tout-aérien. A la fin de l’année, cette force fut encore renforcée par l’activation d’un Chinese-American Composite Wing fort de deux groupes de chasse et d’un de bombardement moyen. La 14th Air Force commença à s’attaquer au trafic maritime ennemi à partir du mois de juillet 1943 avant de bombarder directement l’île de Formose, alors territoire japonais, en novembre de la même année. Ces opérations, déjà préoccupantes, ne faisaient que souligner la menace que ferait peser la nouvelle génération de bombardiers à très long rayon d’action américains dans la mesure où ils seraient capables d’attaquer le Japon à partir de bases chinoises.




Carte d'Ichi-Go sakusen (via wikimedia)
 
In fine, à la fin du mois de novembre 1943, l’Etat-major impérial ordonna la planification d’une opération majeure nommée Ichi-Go sakusen (opération numéro un) dont les objectifs majeurs devaient être la capture des aéroports susceptibles de servir de bases de départ aux B-29 tant redoutés, l’établissement d’une liaison terrestre entre le Nord de l'Indochine et les zones de la Chine déjà occupées et enfin, de porter un coup suffisamment puissant aux armées du KMT pour affaiblir celui-ci durablement. De plus, l'armée expéditionnaire du Sud du maréchal Terauchi, en charge du Sud-Est asiatique, devait appuyer les effort de l'armée expéditionnaire de Chine en menant des opérations offensives dans le Nord de la Birmanie afin d'y fixer un maximum de troupes nationalistes ainsi que de lancer une avance depuis Langson. Après une série d'études et de Kriegspiel menés par l'Etat-major impérial et le quartier-général de l'armée expéditionnaire de Chine, le plan de l'opération fut approuvé par l'empereur le 24 janvier 1944. Comme souvent, des divergences sur les objectifs prioritaires d'Ichi-Go avaient vu le jour mais, au final, les échelons dirextement en charge des opérations en Chine imposèrent leurs vues. Les armées sur qui allaient reposer l'effort principal furent renforcées à partir du mois de février 1944 à l’aide d’unités détachées d'autres grandes formations comme l'armée du Kwantung. La 11e armée reçut ainsi les 27e et 111e divisions, la 12e armée, les 37e, 62e et 110e divisions ainsi que la 3e division blindée et enfin, la 23e armée se vit attribuer la 22e division. Devant s'étaler sur une surface de 1’500 km2, la campagne devait mobiliser une vingtaine de divisions, 500'000 hommes, 100'000 chevaux, 15''000 véhicules, 1'500 pièces d'artillerie et 800 tanks. En revanche, sur le plan aérien, la 5e Kokugun (armée aérienne) en charge des opérations en Chine était incapable de ravir le contrôle des cieux, avec ses 240 avions, aux aviateurs chinois et américains qui alignèrent 535 chasseurs et 156 bombardiers en novembre 1944.

Complexe, l'opération Ichi-Go devait s'échelonner sur plusieurs mois et se divisait en plusieurs phases. La première de celles-ci, l'offensive Keikan, ou Kogo, débuta au milieu du mois d'avril avec pour objectif de dégager l'axe ferroviaire reliant Pékin à Hankou. Les Japonais lancèrent une attaque en tenaille à partir des deux extrémités d'un gigantesque saillant épousant en grande partie les cours du fleuve jaune et du Yang Tsé et correspondant à la 1ère zone de guerre chinoise. La première pince était représentée par une brigade indépendante de la 11e armée alors que la seconde, beaucoup plus puissante, incluait cinq divisions, trois brigades indépendantes et une division blindée appartenant pour la plupart à la 12e armée, dépendant de l’armée de la zone du Nord de la Chine. Kogo s'acheva à la fin du mois de mai par un succès après la capture de la ville de Luoyang le 25 mai 1944 et du tronçon de la voie de chemin de fer convoité et ce en dépit du fait qu'au début de la bataille, les troupes de la 1ère zone de guerre étaient cinq à huit fois plus nombreuses que l'assaillant. L'armée impériale estima par ailleurs avoir tué 37'500 soldats ennemis et ce au prix de 850 morts. La 3e division blindée joua un rôle majeur dans le succès de Kogo, menant une véritable chevauchée blindée au cours de laquelle elle parcourut 1'400 kilomètres et parvint à tomber sur les arrières de l'ennemi à plusieurs reprises. Cependant, la résistance acharnée des Chinois à Luoyang força les Japonais à consacrer d’importantes forces à sa capture et permit à de nombreuses troupes chinoises d'échapper à l'encerclement.

Le premier des trois volets de la seconde partie d'Ichi-Go, nommée Shokei et abrégée Togo, débuta à la fin du mois de mai et donna lieu à des combats beaucoup plus violents et fut baptisé bataille du Hunan par les Chinois. Il incomba principalement aux dix divisions de la 11e armée. Celle-ci entra dans la province du Hunan en progressant sur trois axes et encercla la ville de Changsha, défendue par la 4e armée nationaliste, le 8 juin. Deux divisions japonaises investirent la ville après dix jours de combats acharnés contre les 10'000 soldats chargés de la défendre. Sous-estimant l'ampleur de l'attaque, le KMT n'avait dépêché qu'une division en renfort à la neuvième zone de guerre commandée par le général Xue Yue et dont dépendait Changsha. Les troupes japonaises poursuivirent ensuite leur progression en direction de Hengyang, qui constituait un objectif vital dans la mesure où cette ville était un important carrefour ferroviaire d’où se rejoignaient les lignes vers Hong-Kong, Pékin et Liuchow. Malgré de féroces attaques contre ses flancs, la 11e armée atteignit la périphérie de cette cité le 23 juin. Hors, la Commission des affaires militaires, l'organe suprême des armées du KMT présidé par Tchang Kaï-chek lui-même, décida de livrer une bataille décisive à cet endroit. La défense de Hengyang elle-même fut confiée à la 10e armée alors que 13 autres armées se concentrèrent sur ses flancs, tandis que l'aviation sino-américaine intervenait en force sur le champ de bataille. Pour réaliser cette concentration, la 9e zone de guerre reçut des renforts en provenance des 3e et 6e zones de guerre. Malgré de violentes attaques, ces unités ne parvinrent pas à desserrer l'étau autour de Hengyang, qui tomba le 8 août après 47 jours de combats acharnés. Les troupes nationalistes lancèrent de vaines contre-attaques jusqu'à la fin du mois d'août avant que le généralissime ne leur ordonne de passer sur la défensive et de protéger la province du Guangxi. La première phase de Togo s'acheva le 7 septembre avec la chute de Lingling. Durant ces trois mois de bataille, le KMT engagea 40 divisions, soit de 350 à 380'000 soldats tandis que la 11e armée japonaise comprenait de 250 à 280'000 hommes. Cette dernière perdit 60'000 soldats et blessés et estima les pertes ennemies à 226'400 hommes tués, blessés, malades ou capturés. Les Chinois reconnurent avoir perdu 90'557 tués et blessés durant la bataille.




Soldats du KMT durant la guerre (via wikimedia)
 
Dès le début du mois de septembre, l'armée nippone se lança dans les 2ème et 3ème phases de Togo, qui se prolongèrent jusqu'au mois de janvier 1945. La 11e armée poursuivit son avance en suivant la voie ferrée Hengyang-Liuzhou jusqu'à la ville de Liuzhou, au cœur de la province du Guangxi, où elle fit sa jonction avec les deux divisions et les deux brigades de la 23e armée partie de Canton. Enfin, les troupes japonaises s'emparèrent ensuite de la ligne ferroviaire reliant Canton à Hengyang tout en avançant en direction de Nanning, qu'ils capturèrent le 24 décembre 1944 tandis que la 21e armée passait à son tour à l’attaque depuis la frontière indochinoise. Deux mois plus tard, l'ensemble des objectifs d'Ichi-Go étaient atteints avec la mise hors d'état de nuire d'un chapelet d'aérodromes ennemis et la création d'un corridor terrestre ininterrompu entre le Nord de l'Indochine et la Corée.

De prime abord, l’opération Ichi-Go fut donc un succès et pourtant, aucun de ses objectifs stratégiques ne fut réellement atteint. A peine plus d’un mois après le début de la campagne, les Américains se lancèrent à la conquête des îles Mariannes, dont ils s’emparèrent à la suite d’une gigantesque bataille aéronavale et de durs combats sur les îles de Saipan et de Guam. Avec cette conquête, ceux-ci disposèrent de bases mettant les B-29 à portée du Japon, avec pour effet de réduire considérablement l’importance des bases chinoises, dont l’occupation ne pouvait donc plus protéger le Japon de raids aériens dévastateurs. Par ailleurs, l’établissement d’un couloir terrestre continu entre la Corée et l’Indochine ne pouvait pallier que de manière très limitée à la destruction de la marine marchande nippone dans la mesure où, sur de telles distances, le rendement du transport par rail était incomparablement plus faible que celui du transport maritime et ce d’autant plus que le réseau ferroviaire existant était limité et vulnérable aux attaques aériennes. En revanche, ce véritable chant du cygne de l’armée impériale japonaise porta de très rudes coups aux armées du KMT, qui avait relevé le défi en tentant de stopper frontalement la première phase de Togo. In fine, comme souvent en histoire, le véritable vainqueur sur le long terme fut celui qui conserva le mieux ses forces en profitant de l’affaiblissement de ses rivaux. En l’occurrence, les Communistes chinois purent étendre considérablement leur influence dans la mesure où d’une part, les Nationalistes avaient été considérablement affaiblis et que d’autre part, les Japonais avaient dû réduire leur présence militaire dans les zones qu’ils occupaient afin de libérer des troupes pour la campagne. Enfin, aborder, même de manière succincte, les grandes batailles de la guerre sino-japonaise démontre à l’envi à quel point elle fut acharnée, bien loin de la perception longtemps véhiculée de faciles conquêtes japonaises entravées seulement par les opérations de guérilla de l’armée populaire de libération.





Bibliographie

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Mark Peattie, Edward Drea et Hans Van de Ven, The Battle for China, Stanford University Press, 2011

Gordon Rottman et Akira Takizawa, World War II Japanese Tank Tactics, Osprey Publishing, 2008

Thèse de Todd Eric Jahnke, By Air Power Alone : America's strategic Air War in China, 1941-1945, University of North Texas, 2001.

William P. Gruner, US Pacific Submarines Campaign in World War II, martime.org, consulté le 5 février 2014

La bataille de Changde, 1943, mapiledelivre.org, consulté le 4 février 2014

Japanese Monograph no 45, History of Imperial General Headquarters Army section, ibiblio.org, consulté le 5 février 2014



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