Le premier volume de la série Arab MiGs a été publié en 2009 par Harpia Publishing, un éditeur spécialisé dans l’histoire de l’aviation militaire contemporaine, et constitue le premier tome d’une série portant sur l’histoire des forces aériennes arabes. Depuis, trois autres volumes se sont ajoutés à la série et un quatrième devrait bientôt paraître. Les deux auteurs du livre sont bien connus ; Tom Cooper est un journaliste/historien indépendant s’intéressant à l’histoire des guerres aériennes contemporaines et auteur d’une quinzaine d’ouvrages alors que le Docteur David Nicolle est un historien britannique spécialisé dans l’histoire militaire du Moyen-Orient, coauteur notamment de Phœnix over the Nile, an History of Egyptian Air Power 1932-1994 et auteur de nombreux livres sur l’histoire militaire de l’empire ottoman.
Contrairement à ce que le titre laisserait supposer, l’ambition des auteurs ne se limite pas à une étude technique ou picturale des MiG-15 et MiG-17, mais reconstitue l’histoire et le contexte dans lequel les forces aériennes arabes s’en sont équipées et se sont développées. Pour ce faire, ils se basent sur des sources primaires et secondaires ainsi que sur de nombreuses interviews réalisées au cours des ans avec des vétérans de ces forces aériennes, en tentant de transmettre les perspectives ainsi recueillies aussi fidèlement que possible. Il en découle que le livre est riche en citations d’acteurs alors engagés au plus près de l’action. De plus, le lecteur découvre ainsi les contraintes institutionnelles et matérielles, les objectifs, l’entraînement, les particularités mais aussi les préconceptions spécifiques à ces forces aériennes restées mystérieuse et souvent assimilées à des colosses - du fait de leurs effectifs - aux pieds d’argiles - à cause de leur incompétence présumée. Par ailleurs, des aspects plus techniques sont abordés et l’on retiendra ainsi les faiblesses en combat aérien des MiG-15 et MiG-17 induites par leurs canons puissants mais dont la cadence de tire cumulée restait faible avec 400 coups par minute, du fait de la volonté de leurs concepteurs de les équiper d’un armement avant tout adapté à la destruction de bombardiers. Ce genre de « détails », qui s’aggravèrent par la suite avec l’introduction de la combinaison constituée par la première génération de MiG-21 et de missiles air-air K-13, ces derniers étant virtuellement inutiles du fait de leur domaine de tir réduit et de leur manque de fiabilité, a une part de responsabilité certaine dans la genèse du mythe des aviateurs arabes par essence incapables d’utiliser à bon escient les performances de leurs appareils.
Le premier chapitre de l’ouvrage décrit le tournant qui amena l’Egypte à changer de fournisseur pour le meilleur et pour le pire et à s’affranchir de la Grande-Bretagne qui équipait traditionnellement sa force aérienne. Le lecteur découvre ainsi les débuts de l’implication soviétique dans la région, mais aussi celle d’un acteur important dans le développement des forces aériennes syriennes et égyptiennes, mais souvent oublié, soit la Tchécoslovaquie qui, au fil des années, livra non seulement de nombreux matériels, mais dépêcha des instructeurs sur place ou forma des élèves-pilotes sur son propre sol. Le second chapitre revient sur les débuts de la force aérienne arabe syrienne ainsi que la mise en service de ses premiers jets avant que le troisième chapitre ne présente de manière détaillée la vision égyptienne de la crise du canal de Suez en 1956. A cet égard, il convient de souligner que l’un des points forts de la série réside dans la reconstitution minutieuse des missions effectuées par les pilotes arabes durant les conflits qu’elle aborde. Le chapitre 4 relate entre autres le développement des forces aériennes algériennes, marocaines alors que le chapitre 5 décrit les affrontements entre Syriens et Israéliens à la fin des années 50. Le sixième chapitre revient sur la part essentielle jouée par l’aviation égyptienne au Yémen, où elle dût s’adapter à la lutte contre-insurrectionnelle, notamment en convertissant des Yak-11 d’entraînement en avions d’appui, ainsi que la réaction militaire qu’elle engendra en Grande-Bretagne et en Arabie Saoudite. Enfin, le chapitre 7 détaille l’action des MiG-15 et 17 durant la guerre des Six jours. L’ouvrage se conclut par une série d’appendices incluant les grades utilisés dans les forces aériennes syriennes et égyptiennes, une liste des victoires aériennes revendiquées par les pilotes de MiG -15 et 17 entre 1955 et 1967 ainsi que leur véracité ou encore la liste des pertes subies en combat aérien.
Si le prix du livre est significatif (35.95 €), l’impression est de grande qualité, et il est très richement illustré par des photographies presque toujours inédites ou peu connues ainsi que par des desseins restituant les couleurs portées par les appareils évoqués. Un autre avantage présenté par le livre réside dans la présence de tableaux synthétisant les ordres de batailles ainsi que de cartes de bonne qualité.
In fine, la série Arabs MiGs en général et son premier volume en particulier comble un vide béant dans l’historiographie des guerres israélo-arabes. En effet, la grande majorité des livres publiés sur ce sujet privilégient une perspective israélienne et ce principalement pour des raisons d’accès aux sources. Ainsi, très peu de mémoires ou d’études publiées dans le monde arabe ont été traduits en anglais – sans même parler du français- et à cet égard, l’incontournable The Crossing of the Suez du général Saad el Shazly fait figure d’exception, alors que par ailleurs, si d’imposantes études israéliennes sur l’histoire des armées irakiennes et syriennes existent bel et bien, elles n’ont pas non plus été traduites. Les cas où l’on peut parler de rupture historiographique après avoir terminé la lecture d’un livre sont rarissimes, mais c’est, à notre sens, bien le cas ici. Dans ce contexte, on mesurera alors l’importance de la série Arab MiGs - tout simplement indispensable pour tout étudiant de l’histoire militaire du Moyen-Orient.
Un ouvrage ou plutôt une série d'ouvrages unique en son genre, les volumes suivants sont tout aussi bien réalisés, en un mot comme en cent "Bravo"
RépondreSupprimerPour information, Tom finalise Arab MiGs Vol.6 ...
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerRe, Paul Florentin, Oui c'est aussi mon avis; les volumes suivant sont de qualité équivalente au volume 1. J'aime bien aussi l'ajout d'addenda portant sur les volumes précédants.
Re, Arnaud Delalande, merci pour l'information, mais il faut encore que je commande et lise le volume 5. J'en profite pour vous complimenter sur votre article sur la gare présidentielle gabonaise paru Air Fan, c'était vraiment un sujet original et intéressant.
Cordialement
Adrien Fontanellaz
Merci !
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