Le Centre d’Histoire et de Prospective Militaires (CHPM) organisait, dans le cadre du cinquantenaire de l’Exposition nationale de 1964, une conférence à son siège de Pully revenant sur l’implication de l’armée dans cet événement. Celle-ci a été donnée par David Auberson, historien, membre du comité scientifique du CHPM, auteur notamment d’un ouvrage sur Ferdinand Lecomte et par ailleurs rédacteur en chef de la Revue Historique Vaudoise.
Vue du "Hérisson", via 24 Heures. |
David Auberson a décrit le contexte dans lequel l’armée a conçu et mis en œuvre le pavillon la représentant dans le cadre de l’Expo 64 de Lausanne. Celle-ci avait en effet été divisée sur la doctrine à adopter à la suite de la Deuxième Guerre mondiale. Après l’abandon de la stratégie du réduit national, de vifs débats opposèrent principalement les partisans d’une défense mobile, dite dynamique, et prônant une mécanisation des forces, et les tenants d’une force moins coûteuse mais plus statique essentiellement composée d’infanterie. In fine, ces contradictions seront surmontées lors de l’adoption de l’organisation des troupes 61, qui représenta un compromis entre ces concepts. L’armée fut aussi l’objet de vives controverses durant les années 50, notamment avec un débat portant sur l’adoption par la Suisse de l’arme nucléaire, et pour laquelle les Mirage IIIS devaient, à terme, servir de vecteur. Ainsi, une série d’initiatives dites antiatomiques furent déposées par des opposants, alors que par ailleurs, le budget de l’armée, qui dépassait le tiers des dépenses fédérales, fut aussi contesté au moyen d’initiatives. Si l’une d’entre elle fut retirée par les initiants à la suite de l’affaire de Suez et de l’intervention soviétique en Hongrie en 1956, une autre fut refusée par le peuple avec 64 % de non. Dans ce contexte houleux, l’armée lança une campagne de communication qui s’échelonna sur plusieurs années et qui visait à renforcer son assise au sein de l’opinion publique tout en démontrant les effets de sa modernisation en cours avec notamment l’introduction des tanks AMX-13, Centurion, Chars 61 ou des avions Vampire, Venom et Hunter acquis durant les années 50 en partie grâce au soutien manifesté par une génération d’hommes politiques marquée par l’impréparation de l’armée lorsque la guerre avait éclaté en 1939.
Des programmes Radio et TV consacrés à l’armée furent ainsi diffusés régulièrement sur les ondes nationales alors que plusieurs grandes manifestations furent organisées, notamment un défilé sur la base aérienne de Payerne en 1959 qui attira 180'000 visiteurs ou encore les funérailles en grandes pompes du Général Guisan en 1960 à Lausanne. Dès lors, la présence de l’institution lors de l’Expo 64 ne pouvait que s’inscrire à son tour dans cette démarche communicationnelle. La plus grande agence de publicité suisse, le bureau Farner, se vit confier la conception du pavillon de l’armée au sein de l’Expo 64. Le projet choisi s’articulait principalement autour d’un bâtiment en béton vite surnommé le hérisson et symbolisant la défense alors que trois flèches d’une hauteur de 48 mètres représentaient l’offensive. Bien que la mise en place ait été sous-traitée à des firmes privées, pas moins de 14 compagnies de génie participèrent à la construction au cours de laquelle 3'300 mètres cubes de béton furent coulés.
La pièce maitresse du pavillon était un film de 23 minutes diffusé en boucle au deuxième étage du « hérisson », la Suisse vigilante, réalisé spécifiquement pour l’occasion par deux réalisateurs expérimentés recrutés à l’étranger, Lothar Wolff et John Ferno, dans la mesure où même court, le film faisait appel à des techniques de pointe, notamment l’usage de caméras spéciales disposant d’objectifs de 70 mm. Ce dernier se décomposait en deux parties principales, l’une où le spectateur pouvait entendre des questions posées par des interlocuteurs invisibles puis les réponses de l’institution, avant que la seconde, beaucoup plus longue, ne montre des scènes de combat mettant en valeur les matériels les plus récents de l’armée ainsi que de soldats appartenant aux différentes armes ; à l’exception cependant des troupes de de forteresse, sans doute parce que les officiers ayant chapeauté le projet étaient des partisans notoires de la défense dynamique.
Une projection d’une version fraîchement restaurée du film a conclu la présentation de David Auberson.
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