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dimanche 1 février 2015

Un peu de lecture XI : Stéphane Mantoux ; Les guerres du Tchad 1969-1987


Stéphane Mantoux est agrégé d’histoire, anime le blog Historicoblog3 et a cofondé les blogs l’autre côté de la colline et U235. Il collabore de longue date avec plusieurs titres de la presse spécialisée en histoire militaire et de défense et a déjà publié une Offensive du Têt paru chez Tallandier en 2013 et dont l’on trouvera une recension ici. Dans son second livre, publié par les éditions Lemme edit dans leur collection Illustoria, Stéphane Mantoux propose une synthèse sur les guerres ayant marqué l’histoire du Tchad contemporain. Nous le remercions de nous avoir transmis une copie de son ouvrage.

L’ouvrage, d’une centaine de pages, se subdivise en cinq chapitres. Les deux premiers reviennent sur l’histoire précoloniale du pays, évoquant la présence sur ce territoire d’entités politiques parfois puissantes, comme l’empire Kanem-Bornou, et l’existence de populations pourvues d’une forte tradition guerrière - à l’image des Toubous – avant de présenter la colonisation française, qui se fera à moindre coûts et s’appuyant sur les hiérarchies traditionnelles. L’auteur décrit ensuite brièvement l’accession du Tchad à l’indépendance le 11 août 1960 et la rapide dérive autoritaire qui s’ensuivit sous les auspices de François Tombalbaye, qui instaura un régime de parti unique en janvier 1962, favorisant ce faisant les populations du Sud tchadien au détriment de celles du Nord, ainsi que les premières résistances suscitées par cette évolution avec la naissance du FROLINAT (Front de libération nationale du Tchad) dès 1966, dont les actions armées seront à l’origine de l’opération Limousin lancée par l’armée française en 1969 afin de secourir des forces gouvernementales trop faibles pour faire face à la menace. Le conflit se complexifie dans les années 70 avec d’une part l’émergence de dissensions au sein de la rébellion avec la rivalité croissante de figures comme Hissène Habré ou Goukouni Oueddeï tandis que de nouveaux acteurs, avec en premier lieu la Libye du colonel Kadhafi, s’immiscent à leur tour dans le jeu politico-militaire local tandis que François Tombalbaye meurt lors d’un coup d’état en avril 1975. En parallèle et sur le plan militaire, les méthodes de combats rebelles évoluent avec l’apparition de véhicules tout-terrains en grand nombre.

Les deux chapitres suivants relatent l’escalade du conflit, avec d’une part une succession d’interventions françaises (opérations Tacaud, Manta, puis Epervier) et d’autre part l’envoi au Tchad par le colonel Kadhafi d’un corps expéditionnaire puissamment armé. Soutenu par les troupes libyennes, le FROLINAT s’empare ainsi de Ndjamena en décembre 1980 à l’issue de plusieurs mois d’affrontements alors qu’Hissène Habré, vaincu,  se réfugie au Soudan avant de reconstituer ses forces grâce à des soutiens français, saoudiens, égyptiens et américains, puis de lancer une contre-offensive qui lui permet de reprendre Ndjamena le 7 juin 1982 et de refouler ses rivaux dans le Nord du Tchad. Stéphane Mantoux décrit ensuite l’évolution des FANT (Forces Armées Nationales Tchadiennes) de Hissène Habré en une redoutable machines de guerre aux tactiques très spécifiques associant raids motorisés sur d’immenses distances avec un armement majoritairement rustique mais complété par des missiles légers et modernes comme le Milan anti-char ou le Redeye anti-aérien. Le dernier chapitre relate enfin le paroxysme de l’affrontement entre Tchadiens, Français et Libyens, avec d’une part les frappes intermittentes échangées par les forces aériennes françaises et libyennes mais surtout l’éclatante victoire des FANT sur le plan terrestre. Le 2 janvier 1987, celles-ci s’emparent de la base libyenne de Fada avant de capturer Ouadi Doum – pivot de la présence libyenne au Tchad de par sa piste d’atterrissage -  le 22 mars, puis Aouzou le 8 août. Les Libyens parvinrent bien à reprendre cette dernière localité le 28 août 1987 à l’issue de combats acharnés mais un raids dévastateur des FANT mené contre Maaten as-Sarra, à des centaines de kilomètres de la frontière entre les deux pays, au début du mois de septembre, contraignit le colonel Kadhafi à jeter l’éponge, alors qu’un peu plus d’une année plus tôt, il avait échappé de justesse aux bombes américaines durant l’opération El Dorado Canyon.

Stéphane Mantoux parvient à présenter de manière à la fois concise et claire l’histoire des guerres ayant déchiré le Tchad entre son indépendance et 1987. Son ouvrage comble un vide certain ne serait-ce que parce que si personne n’ignore que l’armée française a été engagée dans ce pays à de nombreuses reprises, rares sont les livres présentant une vue d’ensemble permettant de situer ces opérations dans un contexte plus global. Ainsi, et comme il l’annonce dans son introduction, l’auteur évite de lire les événements qu’il relate en se focalisant trop sur la dimension – essentielle à la compréhension des événements certes, mais cependant bien insuffisante pour en cerner les dynamiques plus larges  - française du conflit. Le livre est par ailleurs illustré par un cahier de 16 pages incluant, outre des photographies peu connues, cinq cartes dont l’une détaillant la bataille d’Ouadi Doum. Il comprend aussi un appareil critique constitué de notes de bas de page ainsi que d’une bibliographie de deux pages, précédée d’un lexique et d’une chronologie fort utiles. 

En conclusion, le lecteur a entre les mains une synthèse bien structurée qui constitue à  notre avis un préalable nécessaire à toute personne souhaitant se familiariser avec ce conflit dont la connaissance est par ailleurs essentielle pour comprendre l’émergence du Tchad d’Idriss Déby comme véritable puissance militaire régionale alors que les troupes tchadiennes, après avoir soutenu efficacement l’armée française au Mali, se déploient actuellement afin de faire face à Boko Haram aux confins du Tchad, du Niger, du Cameroun et du Nigéria.

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