Stéphane Mantoux est agrégé d’histoire,
anime le blog Historicoblog3 et a cofondé les blogs l’autre côté de la colline
et U235. Il collabore de longue date avec plusieurs titres de la presse
spécialisée en histoire militaire et de défense et a déjà publié une Offensive du Têt paru chez Tallandier en
2013 et dont l’on trouvera une recension ici. Dans son second livre, publié par
les éditions Lemme edit dans leur collection Illustoria, Stéphane Mantoux
propose une synthèse sur les guerres ayant marqué l’histoire du Tchad
contemporain. Nous le remercions de nous avoir transmis une copie de son ouvrage.
L’ouvrage, d’une centaine de pages, se
subdivise en cinq chapitres. Les deux premiers reviennent sur l’histoire
précoloniale du pays, évoquant la présence sur ce territoire d’entités
politiques parfois puissantes, comme l’empire Kanem-Bornou, et l’existence de
populations pourvues d’une forte tradition guerrière - à l’image des Toubous –
avant de présenter la colonisation française, qui se fera à moindre coûts et
s’appuyant sur les hiérarchies traditionnelles. L’auteur décrit ensuite
brièvement l’accession du Tchad à l’indépendance le 11 août 1960 et la rapide
dérive autoritaire qui s’ensuivit sous les auspices de François Tombalbaye, qui
instaura un régime de parti unique en janvier 1962, favorisant ce faisant les
populations du Sud tchadien au détriment de celles du Nord, ainsi que les
premières résistances suscitées par cette évolution avec la naissance du
FROLINAT (Front de libération nationale du Tchad) dès 1966, dont les
actions armées seront à l’origine de l’opération Limousin lancée par l’armée
française en 1969 afin de secourir des forces gouvernementales trop faibles
pour faire face à la menace. Le conflit se complexifie dans les années 70 avec
d’une part l’émergence de dissensions au sein de la rébellion avec la rivalité
croissante de figures comme Hissène Habré ou Goukouni Oueddeï tandis que de
nouveaux acteurs, avec en premier lieu la Libye du colonel Kadhafi, s’immiscent
à leur tour dans le jeu politico-militaire local tandis que François Tombalbaye
meurt lors d’un coup d’état en avril 1975. En parallèle et sur le plan
militaire, les méthodes de combats rebelles évoluent avec l’apparition de
véhicules tout-terrains en grand nombre.
Les deux chapitres suivants relatent
l’escalade du conflit, avec d’une part une succession d’interventions françaises
(opérations Tacaud, Manta, puis Epervier) et d’autre part l’envoi au Tchad par
le colonel Kadhafi d’un corps expéditionnaire puissamment armé. Soutenu par les
troupes libyennes, le FROLINAT s’empare ainsi de Ndjamena en décembre 1980 à l’issue de plusieurs
mois d’affrontements alors qu’Hissène Habré, vaincu, se réfugie au Soudan avant de reconstituer
ses forces grâce à des soutiens français, saoudiens, égyptiens et américains,
puis de lancer une contre-offensive qui lui permet de reprendre Ndjamena le 7
juin 1982 et de refouler ses rivaux dans le Nord du Tchad. Stéphane Mantoux
décrit ensuite l’évolution des FANT (Forces Armées Nationales Tchadiennes) de
Hissène Habré en une redoutable machines de guerre aux tactiques très
spécifiques associant raids motorisés sur d’immenses distances avec un armement
majoritairement rustique mais complété par des missiles légers et modernes
comme le Milan anti-char ou le Redeye anti-aérien. Le dernier chapitre relate
enfin le paroxysme de l’affrontement entre Tchadiens, Français et Libyens, avec
d’une part les frappes intermittentes échangées par les forces aériennes
françaises et libyennes mais surtout l’éclatante victoire des FANT sur le plan
terrestre. Le 2 janvier 1987, celles-ci s’emparent de la base libyenne de Fada
avant de capturer Ouadi Doum – pivot de la présence libyenne au Tchad de par sa
piste d’atterrissage - le 22 mars, puis
Aouzou le 8 août. Les Libyens parvinrent bien à reprendre cette dernière
localité le 28 août 1987 à l’issue de combats acharnés mais un raids
dévastateur des FANT mené contre Maaten as-Sarra, à des centaines de kilomètres
de la frontière entre les deux pays, au début du mois de septembre, contraignit
le colonel Kadhafi
à jeter l’éponge, alors qu’un peu plus d’une année plus tôt, il avait échappé
de justesse aux bombes américaines durant l’opération El Dorado Canyon.
Stéphane Mantoux parvient à présenter de manière à la
fois concise et claire l’histoire des guerres ayant déchiré le Tchad entre son
indépendance et 1987. Son ouvrage comble un vide certain ne serait-ce que
parce que si personne n’ignore que l’armée française a été engagée dans ce pays
à de nombreuses reprises, rares sont les livres présentant une vue d’ensemble
permettant de situer ces opérations dans un contexte plus global. Ainsi, et
comme il l’annonce dans son introduction, l’auteur évite de lire les événements
qu’il relate en se focalisant trop sur la dimension – essentielle à la
compréhension des événements certes, mais cependant bien insuffisante pour en
cerner les dynamiques plus larges -
française du conflit. Le livre est par ailleurs illustré par un cahier de 16
pages incluant, outre des photographies peu connues, cinq cartes dont l’une
détaillant la bataille d’Ouadi Doum. Il comprend aussi un appareil critique
constitué de notes de bas de page ainsi que d’une bibliographie de deux pages,
précédée d’un lexique et d’une chronologie fort utiles.
En conclusion, le lecteur a entre les mains
une synthèse bien structurée qui constitue à
notre avis un préalable nécessaire à toute personne souhaitant se
familiariser avec ce conflit dont la connaissance est par ailleurs essentielle
pour comprendre l’émergence du Tchad d’Idriss Déby comme véritable puissance militaire
régionale alors que les troupes tchadiennes, après avoir soutenu efficacement
l’armée française au Mali, se déploient actuellement afin de faire face à Boko
Haram aux confins du Tchad, du Niger, du Cameroun et du Nigéria.
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