Pages

lundi 7 décembre 2015

Compte-rendu VI : le maquis des Glières


L’édition 2015 de la Saint-Nicolas du Centre d’histoire et de prospective militaires s’est tenue le 28 novembre 2015 à Pully. A cette occasion, Claude Barbier, docteur en histoire contemporaine, est venu présenter le résultat de ses recherches sur le maquis des Glières, haut lieu de la résistance française durant l’occupation. Ces dernières ont fait l’objet d’une thèse de doctorat ; Des "événements de Haute-Savoie" à Glières, action et répression du maquis savoyard, mars 1943 - mai 1944, puis d’un livre,  le Maquis de Glières ; Mythes et réalités, paru chez Perrin en 2014.

 
Monument de la Résistance sur le plateau des Glières, (Yann Forget, 2007, via wikicommons)

Le conférencier a rappelé l’importance mémorielle du site, attestée par plusieurs visites présidentielles au fil des décennies, de Charles de Gaules à Nicolas Sarkozy en passant par François Mitterrand. De fait, le maquis des Glières figure en bonne place dans la geste de la résistance, au point d’être devenu un véritable mythe. Claude Barbier a entrepris de revisiter l’histoire du maquis en s’appuyant sur les archives françaises, suisses, allemandes américaines et anglaises, tout en cherchant à le contextualiser en situant son existence dans le temps long et en prenant compte les particularités de la Haute-Savoie. Le département comptait environ 250'000 habitants dans les années 30 et son identité restait essentiellement rurale et conservatrice, malgré la présence de nombreuses industries le long de l’Arve.


Si, jusqu’en 1942, le département resta calme, l’occupation italienne de la Savoie à la fin de l’année puis surtout, l’instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) en février 1943 par le régime de Vichy nourrirent une hostilité de plus en plus marquée envers le pouvoir central. De nombreux jeunes se réfugièrent dans les alpages afin d’échapper au STO, subsistant grâce à l’appui des populations locales. En mars 1943, cette population de réfractaires - entre 6'000 et 10'000 hommes - avait donné naissance à des petits groupes de résistants, dont l’importance fut exagérée, puis amplifiée par la presse suisse, dont les articles poussèrent des milliers de jeunes d’autres départements à chercher refuge en Haute-Savoie. Ainsi, entre 1'600 et 2'000 maquisards étaient actifs en Haute Savoie à la fin de 1943, structurés en petits groupes de 15 à 30 individus, mais manquant de cadres expérimentés et d’armes, les Anglais ayant procédé à un unique parachutage d’armes le 21 mars 1943, puis à celui de deux agents en septembre de la même année. Dès le mois de mai 1943, une forte dégradation de l’ordre public est ainsi rapportée par l’administration de Vichy, et durant le mois de décembre 1943, 60 personnes perdent la vie dans le Département.


La répression des forces de Vichy resta initialement très mesurée, principalement parce que les unités de police et de Gendarmerie étaient mal équipées et peu motivées, au point de convenir régulièrement de modus vivendi officieux avec ceux qu’ils étaient censés traquer. Sous la pression allemande, des renforts furent déployés par Vichy en janvier 1944 sous la forme de 3'000 policiers, gendarmes et membres des Groupes Mobiles de Réserve. L’activité accrue des forces gouvernementales poussa les maquisards à se regrouper sur le plateau des Glières à la fin du mois de janvier 1944. Cette concentration restera cependant relative, le plateau n’abrita sans doute jamais plus de 450 résistants simultanément. L’encadrement du maquis était plutôt Gaulliste, même si il compta des éléments appartenant aux Francs-tireurs et Partisans d’obédience communiste. Il resta cependant largement sous-encadré mais disposa d’un armement relativement abondant grâce à des parachutages de matériels par les Britanniques dans les nuits des 14 au 15 février et 4 au 5 mars 1944, où 120 containers furent largués, et surtout du 10 au 11 mars 1944, avec 600 containers, soit environ 90 tonnes d’armes, de munitions et d’autres matériels. Le maquis des Glières subit cependant un très rude coup le 10 mars avec la mort de  son chef, Tom Morel, même si le commandement fut repris quelques jours plus tard par le capitaine Anjot, un officier expérimenté.



Début mars 1944, des forces de la milice, un peu mieux armées et plus motivées que les forces vichystes déjà présentes dans la région ainsi qu’un détachement de la  157. Reserve-Division de la Wehrmacht furent déployés afin de réduire le maquis des Glières. Dès les 20 et 21 mars 1944, des éléments de la milice mènent des reconnaissances en force, alors que les Allemands étaient à pieds d’œuvre le 25 mars. Le 26 mars, l’artillerie allemande procéda à des tirs de réglage alors que des patrouilles continuèrent à avancer près du plateau. En fin d’après-midi, à la périphérie de celui-ci, un détachement de 157. Reserve-Division d’une cinquantaine d’hommes échangea des tirs durant quelques minutes avec des maquisards. Ces derniers perdirent deux tués, mais les soldats allemands se replièrent. A la suite de cet accrochage le capitaine Anjot ordonna à ses hommes d’évacuer le plateau à à 22h00. Dès lors, les Allemands ne capturent que six retardataires lorsqu’ils débouchèrent sur le plateau le jour suivant. Les pertes des résistants seront cependant très lourdes dans les jours suivants, lorsqu’environ 200 maquisards furent capturés par les forces de Vichy ou les Allemands alors qu’ils tentaient de quitter le secteur, ces derniers fusillant entre 62 et 67 prisonniers.


Les comptes rendus publiés après la disparition du maquis, notamment dans la presse suisse, donneront une toute autre image des événements, l’escarmouche devenant rapidement une bataille, et le détachement allemand se transformant en une division entière, jusqu’à ce que le maquis des Glières devienne un des mythes symbolisant la résistance française à l’occupation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire