L’édition 2015
de la Saint-Nicolas du Centre d’histoire et de prospective militaires s’est
tenue le 28 novembre 2015 à Pully. A cette occasion, Claude Barbier, docteur en
histoire contemporaine, est venu présenter le résultat de ses recherches sur le
maquis des Glières, haut lieu de la résistance française durant l’occupation.
Ces dernières ont fait l’objet d’une thèse de doctorat ; Des "événements de Haute-Savoie" à
Glières, action et répression du maquis savoyard, mars 1943 - mai 1944,
puis d’un livre, le Maquis de
Glières ; Mythes et réalités, paru chez Perrin en 2014.
Le conférencier
a rappelé l’importance mémorielle du site, attestée par plusieurs visites
présidentielles au fil des décennies, de Charles de Gaules à Nicolas Sarkozy en
passant par François Mitterrand. De fait, le maquis des Glières figure en bonne
place dans la geste de la résistance, au point d’être devenu un véritable
mythe. Claude Barbier a entrepris de revisiter l’histoire du maquis en
s’appuyant sur les archives françaises, suisses, allemandes américaines et
anglaises, tout en cherchant à le contextualiser en situant son existence dans
le temps long et en prenant compte les particularités de la Haute-Savoie. Le département
comptait environ 250'000 habitants dans les années 30 et son identité restait
essentiellement rurale et conservatrice, malgré la présence de nombreuses
industries le long de l’Arve.
Si, jusqu’en
1942, le département resta calme, l’occupation italienne de la Savoie à la fin
de l’année puis surtout, l’instauration du Service du Travail Obligatoire (STO)
en février 1943 par le régime de Vichy nourrirent une hostilité de plus en plus
marquée envers le pouvoir central. De nombreux jeunes se réfugièrent dans les
alpages afin d’échapper au STO, subsistant grâce à l’appui des populations
locales. En mars 1943, cette population de réfractaires - entre 6'000 et 10'000
hommes - avait donné naissance à des petits groupes de résistants, dont
l’importance fut exagérée, puis amplifiée par la presse suisse, dont les
articles poussèrent des milliers de jeunes d’autres départements à chercher
refuge en Haute-Savoie. Ainsi, entre 1'600 et 2'000 maquisards étaient actifs
en Haute Savoie à la fin de 1943, structurés en petits groupes de 15 à 30
individus, mais manquant de cadres expérimentés et d’armes, les Anglais ayant
procédé à un unique parachutage d’armes le 21 mars 1943, puis à celui de deux
agents en septembre de la même année. Dès le mois de mai 1943, une forte
dégradation de l’ordre public est ainsi rapportée par l’administration de
Vichy, et durant le mois de décembre 1943, 60 personnes perdent la vie dans le
Département.
La répression
des forces de Vichy resta initialement très mesurée, principalement parce que
les unités de police et de Gendarmerie étaient mal équipées et peu motivées, au
point de convenir régulièrement de modus
vivendi officieux avec ceux qu’ils étaient censés traquer. Sous la pression
allemande, des renforts furent déployés par Vichy en janvier 1944 sous la forme
de 3'000 policiers, gendarmes et membres des Groupes Mobiles de Réserve.
L’activité accrue des forces gouvernementales poussa les maquisards à se
regrouper sur le plateau des Glières à la fin du mois de janvier 1944. Cette
concentration restera cependant relative, le plateau n’abrita sans doute jamais
plus de 450 résistants simultanément. L’encadrement du maquis était plutôt
Gaulliste, même si il compta des éléments appartenant aux Francs-tireurs et
Partisans d’obédience communiste. Il resta cependant largement sous-encadré mais
disposa d’un armement relativement abondant grâce à des parachutages de
matériels par les Britanniques dans les nuits des 14 au 15 février et 4 au 5
mars 1944, où 120 containers furent largués, et surtout du 10 au 11 mars 1944,
avec 600 containers, soit environ 90 tonnes d’armes, de munitions et d’autres
matériels. Le maquis des Glières subit cependant un très rude coup le 10 mars
avec la mort de son chef, Tom Morel,
même si le commandement fut repris quelques jours plus tard par le capitaine
Anjot, un officier expérimenté.
Début mars 1944,
des forces de la milice, un peu mieux armées et plus motivées que les forces
vichystes déjà présentes dans la région ainsi qu’un détachement de la 157. Reserve-Division de la Wehrmacht furent
déployés afin de réduire le maquis des Glières. Dès les 20 et 21 mars 1944, des
éléments de la milice mènent des reconnaissances en force, alors que les
Allemands étaient à pieds d’œuvre le 25 mars. Le 26 mars, l’artillerie
allemande procéda à des tirs de réglage alors que des patrouilles continuèrent à
avancer près du plateau. En fin d’après-midi, à la périphérie de celui-ci, un
détachement de 157. Reserve-Division d’une cinquantaine d’hommes échangea
des tirs durant quelques minutes avec des maquisards. Ces derniers perdirent
deux tués, mais les soldats allemands se replièrent. A la suite de cet
accrochage le capitaine Anjot ordonna à ses hommes d’évacuer le
plateau à à
22h00. Dès lors, les Allemands ne capturent que six retardataires lorsqu’ils
débouchèrent sur le plateau le jour suivant. Les pertes des résistants seront
cependant très lourdes dans les jours suivants, lorsqu’environ 200 maquisards
furent capturés par les forces de Vichy ou les Allemands alors qu’ils tentaient
de quitter le secteur, ces derniers fusillant entre 62 et 67 prisonniers.
Les comptes rendus publiés
après la disparition du maquis, notamment dans la presse suisse, donneront une
toute autre image des événements, l’escarmouche devenant rapidement une
bataille, et le détachement allemand se transformant en une division entière,
jusqu’à ce que le maquis des Glières devienne un des mythes symbolisant la
résistance française à l’occupation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire