Le Kawasaki Ki-61 se
distingua en étant le seul chasseur entré en service dans le service aérien de
l’aviation impériale japonaise à être équipé d’un moteur en ligne. Il fut aussi, avec le Nakajima Ki-44, le
premier appareil produit en grandes quantités se démarquant de la tradition
fermement établie au sein du service visant à mettre l’accent sur la
maniabilité à basse vitesse, fut-ce au détriment de la protection et de
l’armement. Pourtant, et malgré ses réelles qualités, le chasseur de Kawasaki
fut impuissant à influer de manière déterminante sur le cours des campagnes
aériennes opposant forces aériennes alliées et japonaises.
Adrien Fontanellaz (Déjà
publié sur l’autre côté de la colline)
La violente bataille du Nomonhan, qui opposa soviétiques et japonais aux
confins de la Mandchourie entre mai et septembre 1939, joua un rôle important
dans la genèse du Ki-61. En effet, si l’excellente manœuvrabilité des légers
Nakajima Ki-27 fut exploitée de main de maître par des pilotes nippons
généralement chevronnés, les Soviétiques apprirent rapidement à renoncer au
combat tournoyant pour privilégier des tactiques de frappes et d’esquives
mettant à profit la puissance de feu et la vitesse en piqué de leurs Polikarpov
I-16. Une fois les affrontements terminés, le Koku Hombu (Quartier-général du service aérien) conclut de cette
expérience qu’il devait s’équiper d’appareils conçus pour être avant tout
robustes, rapides et puissamment armés en parallèle à ses avions aux caractéristiques
plus traditionnelles associant légèreté, faible armement et extrême
manœuvrabilité. Outre le fait qu’elle déboucha sur la production en série d’un
pur intercepteur sous la forme du Nakajima Ki-44, cette nouvelle politique
s’avéra aussi propice pour la firme Kawasaki Kokuki Kogyo K.K qui se vit
confier, en février 1940, le développement de deux appareils distincts ;
un intercepteur et un chasseur de supériorité aérienne. La société était alors
la grand spécialiste des moteurs en ligne de l’industrie aéronautique
japonaise, et bénéficia probablement de la réputation flatteuse acquise en
Europe par les chasseurs pourvus de ce type de motorisation.
Naissance d’une hirondelle
De fait, Kawasaki négociait depuis des années l’acquisition d’une licence
de production pour le remarquable moteur DB-601A de la firme allemande Daimler-Benz
qui équipait le Messerschmitt Bf-109E. Cet engin à douze cylindres
en V inversé était refroidi par liquide et développait une puissance de 1'175 chevaux
au sol alors qu’un compresseur à un étage lui donnait de bonnes performances à
haute altitude. Les négociations se conclurent par l’arrivée d’une équipe
d’ingénieurs de la firme japonaise dans les usines Daimler-Benz de Stuttgart en
avril 1940. Lors de leur retour au Japon au début de l’été, ces techniciens
ramenèrent non seulement les plans de l’engin mais aussi trois exemplaires
complets du DB-601A. En outre, le Japon reçut deux Messerschmitt Bf-109E-4 à
des fins d’évaluation. Il fallut cependant environ une année pour que le
premier exemplaire japonais du moteur sorte d’usine en juillet 1941, sous le
nom de Ha-40. Après une série d’essais en banc d’étalonnage, le moteur, pesant
640 kilos et développant 1'175 chevaux à 2'500 tours/minute au sol, fut
officiellement adopté par l’armée avant que la production en série ne démarre
très progressivement. Seuls 10 exemplaires furent produits en 1941 et 65 en
1942, la fabrication en masse ne débutant réellement qu’en 1943 avec 875 engins
sortant des chaînes puis 2'047 en 1944.
Ki-61 de l'école d'Akeno photographié en novembre 1943 (www.asisbiz.com) |
En parallèle avec la mise au point de la version japonaise du DB-601A,
Kawasaki confia la tâche de développer les
deux modèles de chasseurs commandés par le Koku
Hombu, à une équipe dirigée par Takeo Doi et Shin Owada, deux ingénieurs
déjà expérimentés qui avaient été formés par l’Allemand Richard Vogt. La
priorité fut initialement donné à la conception de l’intercepteur, dénommé
Ki-60, au détriment du Ki-61 - le chasseur plus polyvalent et plus léger. Le
premier prototype du Ki-60 effectua son premier vol en mars 1941, à peine une
année après la réception de la commande. Les performances de l’avion, armé de
deux canons d’ailes allemands MG-151 de 20mm et de deux canons (dans la terminologie de l’armée, la
désignation de canon se rapportait à toute arme capable de tirer des obus
explosifs, même si dans les autres forces aériennes, le calibre de 12.7 mm
appartenait à la catégorie des mitrailleuses) Ho-103
de 12.7 mm dans le capot, s’avérèrent cependant décevantes. Il se montrait
entre autres instable en vol, souffrait d’une charge alaire particulièrement
élevée, du moins selon les standards locaux, de 181.76 kg/m2, ainsi que de
vitesses d’atterrissage et de décrochage bien trop élevées. De plus, le premier
prototype s’avéra incapable de dépasser les 550 km/heure en palier alors que
les ingénieurs avaient escompté une vitesse maximale de 600 km/heure. Malgré
des mesures drastiques de réduction de poids incluant le remplacement des deux
MG-151 par des Ho-103 nettement plus légers, les deux prototypes suivants ne
parvinrent pas à corriger significativement à l’ensemble de ces défauts, même
si la vitesse du dernier de ceux-ci fut amenée à 570 km/heure. Dès le mois de
décembre 1940, les priorités furent inversées et Kawasaki concentra ses efforts
sur le développement du Ki-61, qui débuta à ce moment, tandis que le Koku Hombu perdit son intérêt pour le
Ki-60 dans la mesure où le Ki-44 de Nakajima arrivait à maturité et présentait
une alternative beaucoup plus crédible. In fine, le projet d’intercepteur lourd
de Kawasaki fut abandonné au cours de l’année 1941.
L’équipe de Takeo Doi et Shin Owada poursuivit donc le développement du
Ki-61, prêtant une attention particulière à la réduction du poids ainsi que de
la traînée du futur chasseur. Le fruit d’une année de labeur se concrétisa
lorsqu’un premier prototype sortit de l’usine Kawasaki de Kagamigahara avant
d’effectuer son premier vol en décembre 1941. Ce premier avion fut suivi de
onze autres prototypes et appareils de présérie utilisés afin de perfectionner
le nouveau modèle. Le treizième exemplaire du Ki-61 fut produit à l’aide de la
chaîne d’assemblage récemment mise en place par Kawasaki et constitua dont le
premier appareil de série. La phase d’essai ne se déroula cependant pas sans
difficultés, notamment à cause de pannes des moteurs Ha-40 ainsi que de
problèmes hydrauliques récurrents. Ainsi, le chef des pilotes d’essai de
Kawasaki fut tué lorsque son appareil explosa en plein vol pour des raisons
inexpliquées alors que plusieurs autres prototypes furent perdus. Malgré ces
problèmes de fiabilité, le chasseur démontra ses performances lors d’une série
d’essais comparatifs menés avec plusieurs autres modèles d’appareils locaux incluant
des Nakajima Ki-43 et Ki-44 mais aussi étrangers dont un des Messerschmitt
Bf-109E-4 livré par l’Allemagne, un Curtiss P-40E capturé et peut-être un
Lavotchkine LaGG-3 dont le pilote avait fait défection et s’était posé en
Mandchourie. Le Ki-61 s’avéra plus performant que l’ensemble de ses rivaux et
seul le Nakajima Ki-43 le surpassa sur le plan de la maniabilité. La
supériorité du dernier-né de Kawasaki sur le Messerschmitt Bf-109E, qui
disposait d’une motorisation identique, témoignait par ailleurs de l’excellence
du résultat obtenu par les ingénieurs nippons. Ces performances eurent pour
effet l’interruption du développement du Ki-62 de Nakajima, également motorisé
avec un Ha-40, et dont le Koku Hombu
avait demandé la conception par mesure de précaution afin de palier à un
éventuel échec du Ki-61. Ce dernier n’eut guère à attendre pour connaître le
feu, son premier combat intervenant alors que les essais étaient encore en
cours. Le 18 avril1 942, le lieutenant Umekawa, aux commandes d’un prototype armé
en vue de mener des essais de tir fut détourné afin d’intercepter les B-25
survolant le Japon lors du célèbre raid mené par le colonel Doolittle. Le
pilote japonais parvint à s’approcher de l’un des bombardiers américains mais
ne put que lâcher qu’une rafale à grande distance avant de devoir abandonner la
poursuite faute de carburant.
Le Ki-61 fut officiellement adopté par le service aérien de l’armée
impériale à la fin en janvier 1943 en tant que 3 Shiki Sentoki (Chasseur de l’armée type 3), aussi connu
sous le nom de Hien (hirondelle
volante), et les premiers exemplaires de série furent livrés à une escadrille
de conversion opérationnelle indépendante, le 23e Dokuritsu Dai Shijugo Chutai basé à Ota.
La charge allaire de la première version de série du Hien restait comparativement élevée dans le contexte japonais, mais
déjà bien inférieure à celle du Ki-60, avec 147.5 kg/m2. L’avion, dont la longueur
était de 8.74 mètres et l’envergure de 12 mètres, était pourvu de réservoirs
auto-obturant d’une contenance de 550 litres, lui permettant de parcourir une
distance de 600 kilomètres en configuration normale. En outre, le pilote
bénéficiait de la protection,
inhabituelle chez les Japonais, d’une plaque de blindage de 13 mm protégeant
son dos. Avec une masse à vide de 2'238 kilos, l’avion, relativement lourd,
pouvait piquer à des vitesses bien supérieures à celle des légers A6M2 et Ki-43
Hayabusa. Cette caractéristique était déterminante sur le plan tactique car les
chasseurs alliés utilisaient systématiquement le piqué pour esquiver les
attaques de leurs adversaires japonais incapables de les suivre. Le Hien avait un plafond de 11'000 mètres et
pouvait monter à 5'000 mètres en 5 minutes et 31 secondes, soit 19 secondes de
plus que le Ki-43-I. En revanche, sa vitesse maximale en palier atteignait 590
km/h à 6'000 mètres, près de 100 km/h de plus que le Ki-43-I. La puissance de
feu de la première version de série du Hien, le Ki-61-I Kô restait limitée, avec seulement deux canons Ho-103 installé sur
le capot-moteur et alimentés par 250 coups chacun et deux mitrailleuses type 89
de 7.7 mm disposées dans les ailes et pourvues de 300 coups chacune. Il en
résulta qu’une seconde version du Hien, le
Ki-61-I Otsu avec une paire de
Ho-103, alimentés par 250 coups chacune, installées dans les ailes en lieu et
place des type 89, entra rapidement en production. Grâce à la légèreté du
Ho-103, cet accroissement conséquent de la puissance de feu ne nécessita pas de
lourdes modifications structurelles et les performances du Ki-61-I Otsu restèrent très proches de celles du
Ki-61-I Kô.
Un envol contrarié
Le Hien représentait donc un
progrès certain comparé au Hayabusa, véritable bête de somme de la chasse de
l’armée impériale. Cependant, une combinaison de facteurs allait réduire
l’impact du nouveau chasseur sur le cours de la guerre aérienne dans le
Pacifique. En effet, le premier
prototype du Ki-61 prit son envol plus ou moins au moment où son cousin italien,
le Macchi C.202 Folgore, entrait en
service au sein de la Regia Aeronautica alors que le Messerschmitt Bf-109E avait fait son apparition au sein
des Jagdgeschwader allemandes dès
1939. De ce fait, le Ki-61-I était le dernier-né de la famille des chasseurs
motorisés par une variante du DB-601 avec pour conséquence que la période
durant laquelle il affronterait des appareils alliés de même génération, comme
le P-40, serait nécessairement réduite compte tenu des progrès aéronautiques
accélérés qui marquèrent la Seconde Guerre Mondiale. En effet, en 1943, la
puissance du Ho-40 était comparativement
limitée et il devint rapidement indispensable d’adopter un moteur d’avion bien
plus puissant pour permettre au Hien de
garder son rang dans la course généralisée à la vitesse et à la puissance de
feu. De fait, les évolutions ultérieures du Ki-61-I s’avèrent problématiques
dans la mesure où l’adoption de canons de 20 mm afin de renforcer leur armement
se traduisit par une diminution sensible de la performance. Ainsi, le Ki-61-I Heï, dont les ailes avaient été
renforcées afin de permettre l’emport d’une paire de MG-151, vit son poids à
vide augmenter de 392 kilos et sa vitesse maximale diminuer de 10 km/heure
alors que dans le même temps, le plafond se réduisait de 1000 mètres et que le
temps pour atteindre une altitude de 5'000 mètres passait à 7 minutes. Par
ailleurs, le Ho-140 de 1500 chevaux développé par Kawasaki pour succéder au
Ho-40, et qui équipa le Ki-61-II lui-même apparut en 1944, s’avéra encore plus
délicat et peu fiable que son prédécesseur, avec des résultats désastreux pour
la carrière de la seconde génération de Hien. De plus, la production des deux
premières versions du Hien démarra lentement,
avec seulement 34 Ki-61-I Kô sortis
de la chaîne de montage de Kagamigahara durant l’année 1942. Ceux-ci furent
suivis en 1943 par 354 autres Kô, 311
exemplaires appartenant à la version Otsu
et 45 de la version Heï. A titre de
comparaison, la production de Hayabusa en 1943 correspondit, avec 1'437
exemplaires toutes versions confondues, au double de celle du Hien.
Le moteur en ligne Ha-40 (http://cyber.breton.pagesperso-orange.fr) |
De plus, le Ho-40 s’avérait particulièrement complexe à produire avec pour
corollaire que des défauts furent détectés sur de nombreux moteurs à la sortie
de la chaîne de fabrication, et ce d’autant plus que les contrôles de qualité
durent être renforcés afin de limiter le nombre d’engins défectueux arrivant au
sein des unités. L’ampleur du phénomène fut suffisamment importante pour
perturber l’ensemble du cycle de production du Hien avec pour résultat que des cellules étaient immobilisées dans
l’usine d’assemblage dans l’attente de moteurs. In fine, l’ensemble de ces facteurs garantit que, compte tenu de la forte attrition subie par
les unités de chasse durant cette période du conflit, seule un nombre réduit de
ces dernières pourraient aligner cet appareil simultanément, et que
l’apparition graduelle de l’avion sur le front laisserait à l’ennemi le temps
de s’y adapter. De fait, seuls les 18e, 68e, 78e
et 244e sentai (régiment
forts d’une quarantaine d’avions) se convertirent sur Ki-61 en 1943.
Nantô Homen
Les deux premiers régiments à être équipés de Hien furent les 68e et 78e Sentai. Ils avaient tous deux été formés en mars 1942 en Chine et
en Mandchourie à partir d’un cadre fourni par les 9e, 13e
et 64e sentai pour le
premier et avec un noyau de personnels détachés des 24e et 33e
Sentai pour le second. Ces deux
unités, initialement équipées de Nakajima Ki-27, furent placées sous un
commandement unique en formant le 14e Hikodan (brigade aérienne), alors qu’elles entamaient leur
conversion sur Ki-43. Le 68e Sentai
rallia ensuite la base d’Akeno au Japon, une des principales écoles du service
aérien de l’armée, en décembre 1942 où ses pilotes entamèrent leur conversion
sur Ki-61. Celle-ci se termina en Mars 1943, mois durant lequel il fut
entièrement rééquipé avec le nouveau chasseur. Dans un contexte général où, à
la suite de la défaite de Guadalcanal et à la menace de plus en plus pressante
que faisaient peser les Alliés sur la Nouvelle-Guinée, l’armée impériale
faisait feu de tout bois pour renforcer un théâtre d’opérations perçut comme
essentiel, le régiment fut mobilisé pour renforcer le Nantô Homen (front du Sud-Est) immédiatement après sa conversion. L’unité
embarqua à Yokosuka sur le porte-avions Taiyo
de la marine impériale à destination de la base navale de Truk où
elle arriva le 10 avril 1943. Le 68e Sentai échappa de peu à l’annihilation un jour avant son arrivée à
Truk lorsque le Taiyo fut touché par
une torpille tirée par le sous-marin américain USS Tunny. L’engin, défectueux, n’explosa pas, et le navire japonais ne
subit que des dégâts mineurs. En revanche, le régiment fut durement frappé peu
après, lorsqu’une première formation de chasseurs décolla de Truk pour rallier
Rabaul, le pivot de la présence japonaise dans le Sud-Ouest du Pacifique. Sur
les treize avions, un seul arriva à destination, deux durent faire demi-tour et
retourner à Truk, huit atterrir en catastrophe, alors que les deux derniers disparurent
corps et bien. Une explication partielle de ce désastre résidait dans la
présence de valves à essence défectueuses qui conduisirent plusieurs avions à
la panne sèche. Après son installation à Rabaul, le 68e Sentai assura la couverture aérienne de
navires de transport en transit avant de mener sa première mission offensive le
17 mai 1943, où il dépêcha 30 appareils pour escorter des bombardiers bimoteurs
Ki-21 envoyés contre les positions ennemies à Wau, en Nouvelle-Guinée mais sans
rencontrer de réaction de la chasse ennemie. Le 2 Juillet, une autre mission
similaire contre Rendova, où des troupes américaines avaient débarqué le 30
juin, conduisit à la perte de trois avions et de leurs pilotes à la suite d’une
erreur de navigation. Le 78e Sentai
arriva à son tour à Akeno en avril 1943 pour s’y convertir sur le Ki-61-I.
Contrairement à son prédécesseur, il rejoignit le Nantô Homen directement par la voie des airs, quittant le Japon le
16 juin avant de parcourir les 9'000 kilomètres le séparant de Rabaul en
transitant par Formose et les Philippines avant d’arriver à destination le 5
juillet 1943. Le régiment ne fut pas plus épargné par les défaillances mécaniques
que le 68e Sentai dans la
mesure où sur les 45 avions partis du Japon, 33 arrivèrent à destination. Une
dizaine de jours après avoir été à nouveau rassemblée, la 14e Hikodan fut redéployée à Wewak,
directement en Nouvelle-Guinée, laissant à Rabaul un détachement chargé d’acclimater ses
nouveaux pilotes aux particularités locales avant de les engager au combat. Le
climat local était non-seulement particulièrement éprouvant pour les
personnels, mais aggravait encore considérablement le manque de fiabilité des
Ha-40. Son dispositif de refroidissement ne parvenait en effet pas à compenser
la chaleur ambiante, avec pour résultat que les moteurs surchauffaient au
décollage, alors que la poussière et même la moisissure due à l’extrême
humidité ambiante, contribuaient également à soumettre les mécaniques à rude
épreuve. Ces déficiences étaient exacerbées par le manque de mécaniciens
maîtrisant les arcanes de ce type de moteurs, la plupart d’entre eux étant
familiarisés avec les moteurs en étoile équipant pratiquement tous les autres modèles
d’avions de l’armée, et ce alors que les forces japonaises présentes sur ce
théâtre des opérations dépendaient d’une
chaîne logistique de plus en plus ténue au fur et à mesure que les pertes
infligées à la marine marchande nippone s’aggravaient, compliquant d’autant
l’acheminement de pièces de rechanges.
Rangée de Ki-61, toujours à Akeno, en septembre 1943 (www.asisbiz.com) |
La première victoire en combat aérien des Hien survint le 20 juillet
lorsque cinq appareils du 68e Sentai
abattirent un quadrimoteur B-24 du 320e
Bomber squadron, et ce deux jours
après une autre première, soit un affrontement avec des P-38 appartenant aux 39e
Fighter squadron. Bien que les
pilotes japonais revendiquèrent une victoire et leurs homologues américains six
à cette occasion, aucun camp ne subit de pertes. En revanche, le 21 juillet,
une vingtaine d’avions des 68e et 78e Sentai escortant, aux côtés de Hayabusa,
des bombardiers Ki-48 du 208e Sentai,
affrontèrent à nouveau des P-38 appartenant aux 39e et 80e
Fighter squadrons américains. Cette
rencontre se traduisit par la perte d’un Lightning et de deux Ki-61 ainsi que
par celle de leurs pilotes. Le 23 juillet fut à nouveau marqué par deux
affrontements contre des P-38 qui coutèrent la vie à deux pilotes de Ki-61,
alors que les deux Sentai
revendiquèrent cinq victoires. Trois jours plus tard, trois autres Hien furent
perdus après avoir été surpris peu avant d’atterrir par des P-38 du 9e
Fighter squadron. Les pilotes du 78e
Sentai prirent leur revanche le 15
août lorsqu’une vingtaine d’entre eux, faisant partie de l’escorte d’une
formation de bombardiers partie attaquer le terrain nouvellement construit de
Tsili-Tsili, abattirent un C-47 et quatre P-39 en conjonction avec des Ki-43. Un
autre raid le lendemain eut des résultats bien différents avec deux Ki-61 abattus
par des P-38 et des P-47. Pendant ce
temps, la 5e Air Force américaine,
bénéficiant des informations recueillies par l’interception et le décodage du
trafic radio ennemi, avait suivi la montée en puissance de la 4e Kokugun à Wewak, devenu le centre de
gravité de la puissance aérienne japonaise en Nouvelle-Guinée. Une attaque
d’une ampleur inédite fut ainsi planifiée pour tuer dans l’œuf la tentative
ennemie de reconquérir la maîtrise du ciel. Dans la nuit du 16 au 17 août 1943,
douze B-17 et 36 B-24 pilonnèrent les quatre aéroports formant le complexe de
Wewak, avec pour but de rendre les pistes inopérables jusqu’au matin afin d’y
immobilier les avions ennemis. Cette première vague fut suivie à l’aube par 32
B-25 escortés par 85 P-38 qui s’attaquèrent aux mêmes objectifs, les
bombardiers effectuant des passes de mitraillage à très basse altitude tout en
larguant leurs cargaisons de bombes retardées par parachute. L’assaut pris les
Japonais totalement par surprise, la DCA mettant plusieurs minutes pour ouvrir
le feu et le raid américain dévasta littéralement la 4e Kokugun. Le 78e Sentai
souffrit particulièrement car 32 de ses chasseurs étaient alignés et
dans l’attente de décoller pour une nouvelle mission contre Tsili-Tsili lorsque les B-25 firent
irruption. La 5e Air Force réitéra
son opération le lendemain avec 26 bombardiers quadrimoteurs et 53 B-25
escortés par 74 Lightning, qui se heurtèrent cette fois à une opposition
farouche de la chasse japonaise, dont une partie décolla à temps. Au cours des
combats aériens qui s’ensuivirent, un des cinq Hien dépêchés par le 68e
Sentai fut abattu. Les 23 chasseurs
japonais appartenant à cinq Sentai
différents qui participèrent à la mêlée parvinrent à abattre un B-25 et deux
P-38. Les américains continuèrent ensuite de lancer des attaques d’une ampleur
moindre contre Wewak jusqu’à la fin du mois d’août, moment où les pertes de la
4e Kokugun au sol et dans
les airs se montèrent à 112 appareils alors la 5e Air Force ne perdit que cinq bombardiers
et six chasseurs pour obtenir ce résultat, les raids du mois d’août contre
Wewak marquant un tournant de la guerre aérienne en Nouvelle-Guinée. Les deux
régiments équipés de Hien partagèrent le même sort que les autres unités
engagées sur ce théâtre des opérations, tant et si bien qu’à la fin du mois
d’août, seuls une poignée de Ki-61 restaient opérationnels à Wewak, et tous
deux furent brièvement rappelés à Manille pour y être rééquipés avant de
revenir en Nouvelle-Guinée.
Conclusion
Hormis lors de brèves périodes de reconstitution, les deux régiments
furent constamment engagés jusqu’à leur anéantissement en avril 1944, lorsqu’à
la suite d’un nouveau débarquement allié à Hollandia, leurs personnels durent
abandonner leurs bases et se réfugier dans la jungle. In fine, cette brève narration de l’introduction au combat du
Ki-61, précipitée car le Koku Hombu
était conscient que les défauts de jeunesse d’avion n’étaient pas encore
surmontés, démontre que si les avions de combat fascinent pour une multitude de
raisons, ils ne sont que la composante la plus visible de l’ensemble bien plus
complexe que sont les forces aériennes. Si les performances du Hien pouvaient
faire la différence entre la vie et la mort pour leurs pilotes engagés au
combat, d’autres facteurs sont bien plus déterminants pour expliquer l’échec
relatif de l’avion. Outre les défaillances de la base industrielle chargée de
sa production et son arrivée tardive, pratiquement au moment où une nouvelle
génération d’avions alliés apparaissait à son tour avec des résultats
dévastateurs, le Hien à la mécanique délicate souffrit d’être engagé sur un
théâtre d’opérations pratiquement dépourvu d’infrastructures, dépendant
intégralement d’un ravitaillement qui devait être acheminé sur des milliers de
kilomètres, et ce face à un adversaire dont les capacités matérielles et
organisationnelles en la matière étaient bien supérieures. Dans ce contexte, le
résultat obtenu par le déploiement d’un nouveau modèle de chasseur en
relativement faible quantité ne pouvait être que transitoire et limité sur le
plan tactique. De fait, depuis le début de l’année 1943, l’armée impériale ne
fit qu’injecter dans la région des moyens de plus en plus considérables dans le
vain espoir d’inverser une situation sans issue, consumant inutilement de
nombreuses troupes et une grande partie de son service aérien, qui ne se remit
jamais de la saignée subie dans le Pacifique Sud. En effet, l’attrition accélérée les unités se
traduisit, en l’espace de quelques mois, par une perte de compétence liée à la
disparition des pilotes chevronnés, remplacés par des recrues formées de plus
en plus hâtivement au fur et à mesure que la fin de la guerre approchait.
Bibliographie
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Ikuhiko Hata, Yasuho Izawa
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Krzysztof Janowicz, 68 Sentai, Kagero, 2003
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René J. Francillon, Japanese Aircrafts of the Pacific War,
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W.F Craven & J.L. Cate, The Army Air Forces in World War II, Vol.IV, via
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