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mercredi 24 août 2016

Un peu de lecture XV : Pierre Streit : Histoire militaire suisse, des origines à nos jours.


Pierre Streit, historien suisse, dont plusieurs ouvrages ont déjà fait l’objet d’une recension sur ce blog ici et ici avait publié chez Infolio en 2006 une Histoire militaire suisse. Ce petit volume de 128 pages proposait une initiation à l’histoire militaire helvétique. Cet opus avait l’immense avantage de proposer au profane de se familiariser avec un sujet méconnu, y compris et surtout en Suisse même. Une nouvelle version de l’ouvrage, Histoire militaire suisse, des origines à nos jours, vient de sortir dans la collection microméga des éditions Infolio.




 

Avec 260 pages, cette nouvelle mouture est très enrichie et permet une présentation considérablement plus détaillée du sujet. La préface de l’ouvrage est signée par le colonel EMG Christian Bühlmann, qui rappelle la nécessité d’étudier l’histoire miliaire et est suivie par une introduction de l’auteur. Dans cette dernière, Pierre Streit revient sur l’évolution de cette branche de l’histoire, passée de la simple « histoire-bataille », très souvent porteuse d’une connotation patriotique, à une pratique beaucoup plus inclusive et pluridisciplinaire. L’auteur présente aussi l’ambition de son ouvrage, qui consiste à mettre en évidence les ruptures, les paradoxes et aussi les continuités d’une histoire quasi-millénaire et ce dans un cadre défini par trois concepts structurants essentiels et spécifiques ; la géographie, la neutralité et la milice.

 
Ces éléments sont détaillés dans les trois premiers chapitres du livre. L’ouvrage adopte ensuite une approche chronologique, chaque chapitre correspondant à une date ou à une période-clé de l’histoire du pays, commençant par le chapitre IV qui prend pour point de départ le Neandertal et se termine avec les chapitres XI, XII et XIII, qui couvrent l’après-guerre froide. L’ensemble des événements considérés comme déterminants dans l’histoire militaire du pays comme le pacte de 1291 et la bataille de Marignan sont présentés, et surtout, contextualisés. En effet, l’objet du livre ne consiste pas à décrire de manière exhaustive les épisodes en question mais à les situer dans le temps long et d’explorer les dynamiques sous-jacentes à ceux-ci.
 
Néanmoins, et il s’agit l’un des point forts du livre, l’auteur consacre un espace important à des sujets et des événements restés à l’ombre du récit historique national. Les écoliers suisses ont durant des générations appris les noms de Sempach, Morat ou Marignan, mais qui se souvient des guerres de Villmergen ? 

 

Présentant le système de milice et ses évolutions à travers le temps, Pierre Streit n’en cache pas les faiblesses. Il décrit ainsi la longue sclérose rendue quasiment inévitable par les structures politiques en place au regard des évolutions de l’art de la guerre intervenant en Europe et qui conduisirent tout droit à l’écrasante défaite bernoise de 1798. Dans le même temps, une autre structure essentielle, aujourd’hui disparue, le service étranger, est présentée dans ses aspects militaires, mais aussi politico-économiques et diplomatiques.

 

La lente transformation durant le 19e siècle d’une collection disparate d’armées (milices) cantonales en une armée fédérale – un thème généralement peu abordé – est elle aussi décrite, soulignant à quel point la constitution d’une armée fédérale s’est faite de manière parallèle à celle de l’état fédéral lui-même, avant que le rôle et les évolutions de l’armée durant les Première et Seconde Guerres mondiales ainsi que la Guerre froide ne soient présentés à leur tour.



On appréciera tout particulièrement la place importante – trois chapitres – consacrée à l’histoire immédiate, soit les adaptations vécues par l’armée à la suite la chute du mur de Berlin. Ce changement de paradigme suscita en effet de très vifs et récurrents débats politiques et ceux-ci sont présentés avec les résultats des diverses votations populaires qui en ont résulté.

 

Enfin, dans sa conclusion, Pierre Streit interroge le concept d’une « culture militaire suisse » et rappelle les questions levées par l’adaptation d’un système de milice face à la RMA (Révolution dans les Affaires Militaires) de la fin des années 90 ou encore la guerre cybernétique et ce dans un contexte de disette budgétaire structurelle. Il propose aussi des orientations bibliographiques et dresse un état des lieux de l’historiographie militaire suisse, soulignant qu’une véritable histoire politique de l’armée manque. Au regard des évolutions dans la pratique historienne mentionnés dans son introduction, l’auteur plaide pour l’existence de ce qui pourrait être une Nouvelle histoire des Suisse et de leurs armées.

 

In fine, nous ne pouvons que conseiller fortement la lecture de l’ouvrage, et ce à plusieurs titres. En premier lieu, il constitue un excellent moyen de s’initier à l’histoire suisse sous l’angle de sa composante militaire. Dans un second temps, il place dans une perspective globale, et souvent nouvelle, des événements connus tout comme d’autres qui le sont beaucoup moins et enfin, le style d’écriture de l’auteur, très claire, rend la lecture du tout facile – ce qui relève souvent de l’exploit tant l’histoire des structures politiques – et partant – militaires, suisses ont longtemps été complexes.

 

Enfin, soulignons que les débats politiques nationaux ayant trait à la chose militaire étant somme toute fréquents, et que chaque citoyen étant appelé régulièrement à se prononcer sur le sujet, l’existence d’un tel ouvrage, à la fois pointu et facile d’accès, est précieuse. En effet, il permet à tous de se forger un avis sur une thématique actuelle tout en bénéficiant d’un éclairage historique sur le temps long  alors que dans le même temps, tout débat prospectif ne pout que bénéficier d’un éclairage fourni par l’histoire.

 

 

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