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vendredi 13 janvier 2017

Les Fantan à l’export



Le Nanchang Qiang-5 trouve son origine dans les années 50 et plusieurs centaines exemplaires équiperont les branches aériennes et navales de l’Armée Populaire de Libération (APL) chinoise durant les décennies suivantes.  Malgré son obsolescence, cet appareil connût aussi un succès limité à l’exportation durant les années 80 et 90. 

Un Fantan de la Tatdmadaw Lay, photographié en 2005 (Radzi Desa via wikicommons)
En 1958, la branche aérienne de l’APL exprima un besoin portant sur un appareil d’attaque légère capable de mener des missions de frappe nucléaire tactique. L’étude du projet débuta dès le mois d’août 1958 sous la férule de l’ingénieur Xiaopeng et déboucha rapidement sur développement d’une adaptation du J-6, soit la version fabriquée sous licence du MiG-19 soviétique. Contrairement à ce qui se produisit dans d’autres pays, les Chinois appréciaient en effet ce chasseur supersonique pour sa manœuvrabilité, sa puissance de feu et sa robustesse. 
Les ingénieurs de la Nanchang Aircraft Manufacturing Company modifièrent ainsi considérablement le design du MiG-19 en y ajoutant un nez conique qui améliorait la visibilité vers l’avant et le bas du pilote et en ajoutant des entrées d’air à l’avant du fuselage. En outre, l’appareil fut pourvu d’une baie ventrale, destinée à abriter une bombe nucléaire tactique. Il était également armée de deux canons de 23mm, alimentés chacun à 100 coups, installés dans l’emplanture des ailes. En revanche,  la motorisation restée identique à celle deux F-6 avec deux réacteurs Wopen-6. 

Cependant, le contexte politico-économique chinois de l’époque, marqué par l’échec du Grand bond en avant, puis le chaos engendré par la Révolution culturelle, retarda considérablement le projet. Le premier prototype n’effectua ainsi son premier vol que le 4 juin 1965, avant que le développement ne se fige à nouveau et ne reprenne qu’au début des années 70, période à partir de laquelle plusieurs variantes successives virent le jour. Durant la première moitié des années 80, les Q-5I et Q-5IA virent ainsi le jour.  La baie à bombe ventrale des premiers exemplaires avait disparu et l’espace ainsi libéré fut utilisé pour y placer de nouveaux réservoirs de carburant. Dans le même temps, l’avion était proposé à l’export sous la dénomination de A-5, la lettre A se référant à « Attack ». La version la plus exportée, fut le A-5C, dérivée du Q-5I, et équipée d’une avionique partiellement occidentale.  

Un des premiers Q-5, conservé dans un musée (Shizhao via wikicommons)
Le Q-5IA est motorisé par deux réacteurs Wopen 6B, légèrement plus puissants que les Wopen 6, qui lui permettent d’atteindre une vitesse maximale de 1'120 km/h et se distingue également des versions antérieurs par l’emport d’un RWR et d’un télémètre laser de conception locale. Son poids à vide est de 6'494 kilos alors que son poids maximal au décollage atteint de 11'830 kilos. Il peut parcourir une distance maximale de 2'000 kilomètres, mais dans la pratique, son rayon d’action de combat à charge maximale est de 600 kilomètres, et se réduit  encore plus si l’ensemble du vol est mené à basse altitude. D’autres versions plus sophistiquées du Q-5 furent développées par la suite, donnant à leur tour naissance à d’autres versions exports, comme le A-5M, avant que sa production ne soit interrompue en octobre 2012.

Un des premiers clients à l’export du Q/A-5 fut la République populaire démocratique de Corée, dont la force aérienne aurait reçu une quarantaine d’exemplaires de la version Q-5I au début des années 80. Faute d’images récentes, il est difficile de déterminer le statut opérationnel actuel de ces appareils, même si il convient de prendre en compte le fait que la Corée du Nord dispose d’infrastructures industrielles aéronautiques qui lui permettent de maintenir en condition d’autre modèles d’avions parfois vieux de plusieurs décennies et toujours en service actuellement, à l’image de ses J-6 et autres MiG-21 de première génération. 

Pakistan Air Force

A la suite de la guerre indo-pakistanaise de 1965, Washington gela ses livraisons d’armement au Pakistan, alors qu’il en était le principal fournisseur. Les forces armées pakistanaises en général, et la Pakistan Air Force  (PAF) en particulier se mirent à la recherche d’autres fournisseurs afin de renouveler leurs parcs de matériels, du fait des pertes subies durant la guerre et de l’obsolescence d’une grande partie des équipements restants. La République Populaire de Chine était disposée à fournir des matériels en nombre et à des prix compétitifs. Dès 1966, la PAF commença à recevoir des F-6 et des FT-5 par dizaines. En outre, la Chine aida gratuitement les Pakistanais à mettre sur pieds à Kamra un atelier qui devait ensuite leur permettre d’assurer la maintenance sur place de leurs chasseurs d’origine chinoise. La fourniture d’une telle infrastructure s’avéra cruciale car tant les cellules que les réacteurs des appareils chinois demandaient de fréquentes révisions. Une cellule de F-6 devait ainsi être révisée toutes les 600 heures. 

Au sein de la Pakistan Air Force (via paf.gov.pk)

L’invasion soviétique de l’Afghanistan, et le réchauffement avec Washington qui s’ensuivit avec la reprise de livraison d’armements américains sophistiqués, dont des F-16A et B, n’enleva rien au fait que les produits chinois gardaient leur attractivité grâce à leur très faible coût, alors que la PAF, déjà en infériorité numérique structurelle face à sa grande rivale, l’Indian Air Force, se devait de « faire nombre ».  La PAF acquit ainsi un total de 42 A-5C entre 1982 et 1984, et ce pour un prix unitaire inférieur à un millions de dollars américains. La version pakistanaise de l’avion fut dotée de points d’emport compatibles avec le déploiement de missiles air-air AIM-9 Sidewinder. Lla PAF mena ensuite des essais afin de pouvoir larguer des bombes Mk.82 de conception américaine ou des bombes anti-pistes Durandal d’origine française. Des sièges éjectables Martin-Baker PKD 10 zéro/zéro furent également installés au début des années 90. 

Les A-5C, désignés A-5III dans la nomenclature pakistanaise, équipèrent trois escadrilles.  La première d’entre elles fut le 16 Squadron “Panthers”, qui dépêcha plusieurs de ses pilotes en Chine afin de se convertir sur le nouvel appareil. Les premiers A-5 lui furent remis le 12 février 1983 et permirent à l’unité de se départir progressivement des F-6 qu’elle mettait en œuvre jusque-là.  Le 16 Squadron fournit également des instructeurs aux deux autres unités qui se convertirent sur le type, alors que par la suite, certain de ses pilotes furent envoyés en Chine afin d’évaluer des versions plus évoluées de l’appareil, les A-5M et F. Ces tests ne se traduisirent pas par de nouvelles commandes de la PAF. 

Le 7 Squadron « Bandits », une unité réactivée par la PAF en novembre 1982, et anciennement équipée de bombardiers B-57, se convertit officiellement sur A-5 le 27 décembre 1983, sa dénomination étant changée pour l’occasion en « Tactical Attack Squadron ». Ses pilotes ne volèrent sur cet appareil que quelques années, puisque l’unité fut ensuite rééquipée avec des Mirage à la fin de 1991. Enfin, ce fut le 26 Squadron « Black Spider » qui constitua la troisième escadrille à mette en œuvre le A-5, et qui avait achevés sa conversion avant 1985. Au tournant du millénaire, le Fantan était à l’évidence devenu largement obsolète, dans l’absolu, mais aussi et surtout dans son  contexte régional avec une Indian Air Force qui modernisait considérablement son aviation de combat.  Les 16e et 26e escadrilles furent donc ainsi les premières de la PAF à percevoir des JF-17. 

Rare vue arrière d'un A-5C pakistanais (via paf.gov.pk)
La carrière opérationnelle pakistanaise du A-5C reste sujette à controverses. Il était à l’évidence classifié comme un appareil « facile » puisque les jeunes pilotes ayant achevé leur écolage et fraîchement émoulus des unités de conversion se voyaient affectés, au début des années 90, auprès des unités équipées de F-6 ou de A-5. C’est seulement après s’être aguerris deux ou trois ans que ces pilotes pouvaient ensuite être réaffectés à des escadrilles volant sur Mirage III et 5, F-7P ou encore F-16A, l’appareil alors le plus moderne de la PAF. Dans le même temps, l’installation de sièges éjectables Martin-Baker à capacité zéro-zéro à la même époque résultait de nombre d’accidents mortels ayant frappé des pilotes d’A-5. La série noire fut suffisamment préoccupante pour que l’ensemble de la flotte soit immobilisée à plusieurs reprises, au moins dans le cas du 7 Squadron


L’attrition resta élevée au tournant des années 2000, avec au moins quatre appareils détruits en 1998 et 1998 suivis par un autre en 2000 mais il convient de souligner que d’autres chasseurs-bombardiers en service dans le PAF souffrirent également d’une attrition significative durant la même période.  Dans le même temps, les caractéristiques de vol du A-5C auraient fait l’objet de sérieuses critiques dans le pays. 

Unités de la PAF équipées d’A-5
Escadrilles
Période
7 Squadron “Bandits”
1983-1991
16 Squadron “Panthers”
1983- 201?
26 Squadron “Black Spiders”
198? - 2011


Un autre opérateur ne fut autre que le Bangladesh, anciennement partie intégrante du Pakistan avant son indépendance en 1971. Née avec un soutien indien avant même l’indépendance formelle du pays, la Bangladesh Air Force (BAF) se tourna très tôt vers la Chine pour acquérir de nouveaux équipements. Elle reçut ainsi des PT-6 et des FT-5 d’entraînement dans les années qui suivirent l’indépendance puis se dota de chasseurs F-6 en 1983. A partir de 1986, la BAF reçut douze A-5C, qui équipèrent le 21 squadron dédié aux missions d’attaques, alors que dans le même temps, elle acquérait 16 chasseurs F-7MB et quatre FT-7B de conversion opérationnelle. Tout comme le Pakistan, le Bangladesh a récemment retiré du service ses A-5C devenus obsolètes. 


A-5 du 21 squadron de la BAF à l'atterrissage, en 2012 (Faisal Akram via wikicommons)
Tatmadaw Lay 

A la suite de son arrivée au pouvoir en 1988, le State Law and Order Restoration Council (SLORC) initia une politique d’expansion massive des forces armées birmanes. Il en découla que Tatmadaw Lay - la force aérienne – entra dans une période de croissance sans précédent. Celle-ci reçut des jets par dizaines en quelques années, et ce alors qu’à l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, elle n’alignait qu’une petite flotte d’hélicoptères et d’avions d’entraînement ou d’attaque légère. 


Cette montée en puissance accélérée fut cependant contrariée par l’isolement politico-économique du pays ainsi que par des ressources financières limitées, qui réduisirent d’autant le nombre de partenaires auprès desquels Yangoon pouvait se tourner afin d’acquérir d’autres armements. Ce facteur rendit la République populaire de Chine incontournable puisque elle ne faisait que peu de cas des restrictions internationales visant le régime birman tout en étant capable des proposer des armements qu’elle pouvait livrer en grande quantité et à des prix extrêmement faibles. Tatmadaw Lay fut ainsi en mesure de se doter de plus d’une cinquantaine de chasseurs F-7 qui lui permirent d’équiper trois squadrons et  une unité de conversion opérationnelle. 

Autre vue d'un A-5 birman en 2005, parachute-frein sorti ( (Radzi Desa via wikicommons)
Elle se dota également d’au moins 36 A-5M, qu’elle reçut probablement durant la seconde moitié des années 90, et qui furent mis en œuvre par deux squadrons distincts. Très peu de choses sont connues sur l’engagement opérationnel de ces avions d’attaque, même si les affrontements constants opposant Tatmadaw à l’une ou l’autre des nombreuses forces insurgées actives dans le pays induit qu’ils ont certainement été engagés au combat. Dans le même temps, la flotte d’avions de combat d’origine chinoise connut une attrition extrêmement élevée, due à l’association entre une qualité d’usinage des appareils notoirement insuffisante au moment où les appareils livrés au Myanmar furent fabriqués et une force aérienne dont les infrastructures de soutien étaient encore lacunaires du fait de sa très rapide montée en puissance. A peine quelques années après la mise en service de ce modèle d’appareil, près de la moitié du parc de A-5M aurait ainsi cessé d’être opérationnelle. 

Dans les cieux du Darfour

Le Soudan fut le dernier acquéreur du A-5. Khartoum était aussi un client de longue date de Pékin, et avait déjà reçu des F-5 et des FT-5 au début des années 70, suivis par une grosse vingtaine de F-6 et FT-6 en deux livraisons distinctes survenues en 1973 et en 1980. Les F-6 furent engagés au combat dans le Sud du Soudan à partir de 1983, date de la reprise de la guerre civile soudanaise, et plusieurs d’entre furent revendiqués comme abattus par les maquisards de la Sudan’s People Liberation Army (SPLA). 

    
A la fin des années 90, la force aérienne soudanaise était en piètre état. Outre l’attrition causée par une guerre interminable, elle rencontrait les pires difficultés pour entretenir un parc d’avions de combats disparate hérités des changements d’alliance successives qui marquèrent l’histoire du pays depuis son indépendance. Outre les F-5 et F-6 chinois, Karthoum avait également aligné au fil du temps des MiG-21M soviétiques, des F-5E américains, des Strikemaster britanniques ou encore des MiG-23MS et BN offerts par la Lybie. L’isolement diplomatique du pays, pratiquement placé au ban des nations, et le manque de moyens financiers – l’exploitation du pétrole débuta réellement en 1999 - aggravait encore plus ce cauchemar logistique.

Un trio de Fantan soudanais (via ordendebatallainternacional.blogspot.com)

Une douzaine de A-5C furent donc commandés, puis livrés en 2001, afin de remplacer les derniers Strikemaster et MiG-23 nominalement en service, et affectés à une escadrille spécialisée dans les missions antiguérilla. Les Fantan soudanais furent engagés au Darfour dès le début du conflit en 2003, plusieurs appareils étant fréquemment détachés sur la base aérienne d’Al-Fasher. Contrairement aux Pakistanais qui adaptèrent  leurs appareils afin de pouvoir emporter des armes d’origine occidentale à leurs appareils, les Soudanais utilisent un armement exclusivement chinois, soit des bombes au napalm ou conventionnelles ou encore des roquettes de 57mm et leurs paniers. Surtout, un centre de maintenance, le SAFAT aviation complex ouvre ses portes en 2004. Mis sur pieds avec l’aide de Pékin, le complexe permet de réaliser l’entretien structurel de ses MiG de différents modèles et de l’ensemble de ses appareils chinois, y compris les A-5C. En 2011 encore, le déploiement de plusieurs de ces derniers au Darfour était constaté par les observateurs internationaux.

Conclusion

Le succès à l’export du Q-5 reste à bien des égards confidentiel, comparé par exemple à celui des diverses variantes de F-7, qui s’insérait pourtant dans un contexte géopolitique identique. Dans le même temps, et même proposé à des prix imbattables, l’appareil était obsolète au moment où il était devenu suffisamment mature pour être proposé à l’exportation, et ce alors qu’il n’offre pas la même polyvalence que le F-7, et que les deux catégories d’appareils correspondaient à une clientèle pour laquelle l’absence de fonds rendait l’achat d’appareils spécialisés de facto questionnable. In fine, ce chapitre de l’histoire des exportations aéronautiques chinoises a définitivement été clos avec la fermeture de la chaîne de production du Q-5 le 25 octobre 2012. 


Bibliographie 

Andreas Rupprecht et Tom Cooper, Modern Chinese Warplanes, Combat Aircraft and Units of the Chinese Air Force and Naval Aviation, Harpia Publishing, 2012
Tom Cooper et Peter Weinert, avec Fabian Hinz et Mark Lepko, African MiGs Vol. 2 – Madagascar to Zimbabwe - MiGs and Sukhois in Service in Sub-Saharan Africa, Harpia Publishing, 2011

Peter Steinemann, Asian Airpower; Exotic warplanes in action, Osprey Publishing, 1989
 
Maung Aung Myoe, Building the Tatmadaw; Myanmar Armed Forces since 1948, ISEAS Publishing, 2009

Tom Cooper, Portfolio : Democratic People’s Republic of Korea Air Force, Acig database, 10 février 2008

Tom Cooper, Burma-Myanmar, 1948-1999, Acig database, 12 mai 2009

Autres ressources internet : Pakdef.org, defpro.com, defencebd.com, acig.info, SIPRI.

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