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samedi 1 avril 2017

Un peu de lecture XVII : Capitaine Cérésole (1836-1881) ; un officier suisse au service de la France


Servir dans des armées étrangères a longtemps été une pratique répendue en Suisse, avant que celle-ci ne s’interrompe progressivement durant le XIXe siècle avec la fin des capitulations existantes au fil du temps, la prohibition de nouvelles en 1848 et enfin, l’interdiction de servir à l’étranger, sauf dérogation du Conseil fédéral, insitutée en 1859, mais initialement peu réprimée. Une nouvelle contribution  portant sur ce très vaste sujet vient d’être publiée en début d’année par le Centre d’Histoire et de Prospective Militaires dans la collection Militaria Helvetica.
 

L’auteur de l’ouvrage en question,  Capitaine Cérésole (1836-1881) ; un officier suisse au service de la France, est Jérôme Guisolan, historien et archiviste, et déjà auteur d’un Le corps des officiers de l’état-major général suisse pendant la guerre froide (1945-1966) : des citoyens au service de l’Etat ? L’apport de la prosopographie, soit le neuvième volume de la série EMG suisse, paru aux éditions hier+jetzt en 2004.




Le livre trouve son origine dans la curiosité de l’auteur qui, intrigué par la présence d’un drapeau, celui du 145e battaillon de la Commune de Paris, dans les archives du canton de Vaud, s’est interessé  à l’importante correspondance ainsi qu’au journal de campagne laissé par un Veveysan ayant effectué une longue carrière militaire sous le drapeau français ; Adolphe Cérésole.


Né en 1833, et membre d’une fratrie de huit frères, parmis lesquels Paul Cérésole, qui deviendra Conseiller fédéral en 1870 lui rendra de nombreux services, Adolphe Cérsole s’engage le 30 mars 1855 dans le 1er Régiment de la 2e Légion étrangère, alors qu’il a dix-huit ans. Adolphe Cérésole continuera à servir en France quasimment sans interruption, à l’exception d’un retour en Suisse de quelques années, mais connaîtra un avancement plutôt mesuré, puisque sa carrière culminera avec le rang de Capitaine, qu’il obtient au début de 1871. Il reçoit également la Légion Etrangère, qu’il aura ardamment désirée durant des années, de par le prestige qu’elle offre à ses détenteurs mais aussi de par la pension qui l’accompagne. Adolphe Cérésole participe à la plupart des campagnes menées par l’armée française, et servira en Algérie, en Italie, où il est présent à la bataille de Magenta mais absent de celle de Solférino, et au Mexique.
 

Il est également actif durant la guerre franco-prussienne de 1870, où il est légèrement blessé puis capturé par les Prussiens. Enfin, à peine rapatrié en France, il participe à l’écrasement de la Commune de Paris. C’est à la fin des affrontements qu’à la tête de la 1ère compagnie du 5ème battaillon du Régiment Etranger, il enlève deux barricades et que l’un de ses hommes s’empare du drapeau du 145e battaillon de la Commune de Paris, qu’il parviendra à conserver, expliquant ainsi la présence de cet artefact dans les archives cantonales vaudoises des décennies plus tard.  La suite de sa carrière militaire sera plus terne, notamment à cause de son alcoolisme, et il finit par mourir d’une pneumonie le 11 juillet 1881.


L’ouvrage de Jérôme Guisolan fait pourtant bien plus que de relater de manière facturelle et de mettre en relief la vie d’ Adolphe Cérésole. De nombreuses citations issues de ses correspondances avec les membres de sa famille ou de son journal de campagne accompagnent le texte. Bien mises en perspective, elles offrent des aperçus des opinions – en général très tranchées – du personnage, et jettent un regard parfois extrêmement crû sur les préjugés d’une époque. Pour n’en mentionner qu’une, on reproduira celle issue d’une lettre adressée à sa mère le 31 mai 1871, qui illustre les affres de la guerre civile, et où il lui raconte une action qu’il vient de mener avec sa compagnie, soit l’investissement de maisons immédiatement d’où étaient partis des coups de feu visant son commandement.  


« Nous sommes silencieux, Tout d’un coup, nous surprenons debout à une fenêtre du rez-de-chaussée d’un cabaret un insurgé avec galons de sergent. Il nous voit, veut se sauver, je le saisis par la gorge et lui fends la tête d’un coup du sabre de Paul. Il tombe à mes pieds, le sergent derrière moi l’achève. Nous entrons dans la maison par les fenetres, les portes et surprenons 8 insurgés avec leurs armes en train de gobeloter. Ils sont séance tenante passés par les armes. Nous arrivons dans un jardin derrière. Tout ce que nous trouvons d’ennemis est fusillé, vingt se réfugient dans une cave. Ils sont fusillés n’ayant pas voulu se rendre. »


Bref, nous ne pouvons que conseiller la lecture de cet ouvreage, qui offre, à travers le personnage d’Adolphe Cérésole, un témoignage passionnant sur la culture militaire d’une époque, mettant paradoxalement en relief certaines coutumes finalement plus humaines qu’aujourd’hui, comme les officiers prisonniers sur parole, mais rappelant aussi que la violence des guerres civiles a aussi touché le cœur de l’Europe relativement récemment, et ce à moment où, depuis quelques décennies, la violence des guerres civiles touchant diverses parties du monde, sont souvent décrites comme « incompréhensibles », soit, implicitement, comme fondamentalement étrangères une supposée retenue dont nos sociétés pacifiées feraient « traditionnellement » preuve.

 

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