Un peu de lecture XIX : Forces armées africaines 2016-2017

En préambule à la présente recension, il convient de rappeler que les armées africaines restent des institutions mal-connues. Les travaux académiques sur ces dernières existent, mais rares sont ceux portant sur l’expérience opérationnelle, la doctrine ou encore l’organisation de ces institutions. En forçant un peu le trait, on pourrait affirmer que la littérature liée à la résolution des conflits s’est largement substituée à celle cherchant à décrire leur conduite, dans le sens militaire du terme. A ce manque d’informations sur les aspects susmentionnés se substituent souvent quelques poncifs ne faisant guère de distinguo entre ces armées, ou encore des contraintes dans lesquelles elles évoluent, et concluant régulièrement qu’elles sont par nature ineptes. Comme nous le soulignions à l’occasion de la publication de l’un de nos ouvrages, ces clichés ne sont pas totalement faux, mais masquent surtout une réalité beaucoup plus complexe. La nécessité d’étudier ces armées africaines au cas par cas et en détail avant d’en arriver à des conclusions d’ensemble s’impose donc.

 

C’est dans ce contexte qu’il faut souligner la récente publication d’un ouvrage, Forces armées africaines, proposant précisément une présentation concise de chacune de ces forces. Le livre, auto-publié par Laurent Touchard, son auteur, compte environ 600 pages et bénéfice d’une mise en page de très bonne facture, tout-à-fait comparable à la qualité que l’on attendrait d’une  maison d’édition conventionnelle.

Le livre présente en quelques pages chaque armée africaine, des Forces Armées Royales Marocaines aux Zimbabwe Defence Forces, en passant par la Forces de défense nationale  du Burundi ou encore l’Ethiopian National Defense Force. Chaque présentation inclut une analyse spécifique, un ordre de bataille et une liste des matériels utilisés. Le tout fournit une somme d’information bien plus complète que ce que l’on trouve le plus souvent, pour les même pays, dans les volumes The Military Balance édités chaque année par l’IISS, qui sont largement utilisés comme référence, et dont l’élaboration bénéfice pourtant de moyens bien supérieurs à ceux que peut mettre en œuvre un unique auteur. On apprécie ainsi, dans le cas des matériels alignés, qu’un distinguo ait été fait entre matériels en service ou placés en réserve, alors que l’on voit encore parfois des publications se contentant d’inclure dans les arsenaux du pays concerné l’ensemble des armements livrés depuis parfois son indépendance.

L’exploit n’est donc pas mince, surtout si l’on tient compte du travail de bénédictin auquel ce dernier a nécessairement dû se soumettre afin de recueillir, compiler et analyser une multitude de sources en rédigeant l’ouvrage. En effet, pour les raisons citées en introduction, bien rares sont les armées africaines que l’on peut espérer décrire simplement en se référant à un ou deux sources suffisamment exhaustives. Il en résulte qu’il devient alors nécessaire de collecter des informations pertinentes qui existent bien et bien en libre accès, mais sont éparpillées au sein de très nombreuses références, que ce soit des ouvrages, des journaux, des sites internet spécialisés, des articles académiques, voir même des comptes facebook. De fait, Laurent Touchard est un observateur de longue date des armées africaines, a notamment tenu une rubrique dédiée pour le magazine Jeune Afrique pendant quelques années, et a également publié nombre d’articles en lien sur ces sujets dans la presse spécialisée ainsi que sur son blog, où par ailleurs, il présente plus en détail sa démarche.

L’exclusivité que représente cet ouvrage – à notre connaissance, rien de comparable n’a jamais été publié dans la langue de Voltaire – a par ailleurs déjà été remarquée, et fait l’objet de discussions au cours desquels de légères imprécisions ont été soulignées, principalement la question encore très ouverte de l’éventuelle commande de Su-34 par l’Algérie. Celles-ci ne remettent à notre sens en rien en cause la pertinence et l’utilité d’un tel livre, puisque il faut considérer que ce type d’erreur est par essence tout simplement inévitable sur des ouvrages traitant de sujets très actuels et que de fait, l’étendue des recherches entreprises par l’auteur devient très rapidement évidente pour le lecteur averti. Soulignons-le à nouveau, leurs résultats dépassent en profondeur celles figurant dans nombre de publications considérées comme « de référence ».

Bref, nous ne pouvons conseiller très fortement l’acquisition de ce livre, ne serait-ce que pour encourager une démarche à la fois originale et surtout,  nécessaire.