Les
bases de l’industrie aéronautique militaire chinoise furent très
largement posées entre 1949, année de l’arrivée au pouvoir du
parti communiste chinois, et le tout début des années soixante,
grâce à un important soutien soviétique. Le schisme entre
Moscou et Pékin interrompit ensuite cette coopération, et
l’industrie aéronautique chinoise, isolée de l’extérieur et
désorganisée par le Révolution culturelle, stagna pendant une
décennie, avant de reprendre un développement qualitatif qui allait
l’amener, quatre décennies plus tard, à se montrer capable de
produire des prototypes de chasseurs furtifs développés localement,
comme le J-20 ou le J-31. Très tôt, la République
Populaire de Chine prit une place importante dans le marché mondial
des armements, que ce soit pour des raisons politiques – la
rivalité avec l’URSS pour le rôle de pays leader du communisme
dans le Tiers-monde joua longtemps un rôle majeur – ou purement
mercantiles. Hors, aborder l’histoire de l’introduction de
l’un des principaux armements exportés d’origine chinoise dans
une aire géographique spécifique – l’Afrique – révèle
en creux nombre de contraintes avec lesquels doivent opérer nombre
de forces aériennes aux moyens limités.
Adrien
Fontanellaz (Déjà publié sur L'autre côté de la colline)
De
l’original à la copie
Dans
les années 50, dans un contexte où la compétition entre
superpuissances s’intensifiait et où les technologies liées
à l’aviation évoluaient rapidement, les Soviétiques
développèrent un nouvel intercepteur léger de classe Mach 2, le
MiG-21, qui allait donner naissance à plusieurs variantes et dont
nombre sont encore opérationnels de nos jours. Dès 1958, des
négociations débutèrent entre Moscou et Beijing portant sur le
production sous licence en Chine du MiG-21F-13, la première variante
de l’appareil à être entrée en service en grand nombre au sein
des forces aériennes soviétiques ainsi que celles de nombre de pays
alliés. Un accord définitif fut conclu entre la Chine et
l’URSS en 1961, portant sur les transferts de technologie
nécessaires à la production du MiG-21F-13 ainsi que celle du
réacteur Tumanski R-11F.
Un F-7 de l'AFZ et son pilote (via nairaland.com) |
Pourtant,
la rupture de 1962 entre les deux grandes nations communistes, qui,
de proches alliés devinrent de féroces rivaux, entrava gravement la
poursuite du programme. Seuls une poignée d’exemplaires, dénommés
J-7, le vocable J se référant à Jianjiji, pour
chasseur, furent assemblés dans les années qui suivirent. Une
nouvelle version, développée localement et se caractérisant par
l’ajout d’un second canon de 30mm visant à corriger l’armement
insuffisant qui constituait l’une des faiblesses majeures du
MiG-21F-13, fut produite en petite quantité à partir de 1967 et
désignée J-7I. Une douzaine de J-7I furent livrés à
l’Albanie, pour des raisons politiques car ce petit pays communiste
avait lui aussi rompu avec l’URSS quelques années auparavant, et
s’était tourné vers Beijing afin d’obtenir de nouveaux
armements, devenant ainsi le premier client export pour l’une des
variantes chinoises du MiG-21.
Sous
les cocardes égyptiennes
Cependant,
à partir de 1966, la « grande révolution
culturelle prolétarienne » désorganisa la société chinoise
et eut des effets également désastreux sur l’industrie
aéronautique locale, dont les progrès furent considérablement
ralentis, avec pour effet qu’une nouvelle variante du chasseur, le
J-7II, n’apparut qu’en 1978, année où il effectua son premier
vol. Cette version incluait un réacteur plus puissant ainsi
que plusieurs autres améliorations mineures, et fut aussi la
première à être exportée sur le continent africain, sous la
désignation de F-7B, qui se caractérisait également par sa
capacité à être équipée de missiles air-air Magic I d’origine
française.
Une paire deF-7B égyptiens en 2009, à proximité de Hurghada (Bloodknight via wikicommons) |
Au
début des années 70, l’Égypte avait progressivement pris ses
distances avec l’URSS, jusqu’alors son principal fournisseur
d’armements, puis s’était rapprochée des États-Unis, notamment
du fait des accords de Camp David de 1978. L’arsenal des forces
armées égyptiennes restait pourtant très largement d’origine
soviétique et l’Egyptian Air Force (EAF) se tourna
ainsi vers la Chine, dans un premier temps afin d’obtenir des
pièces détachées destinées aux MiG dont elle était équipée.
Cette coopération alla en s’intensifiant avec une première
commande de 40 chasseurs F-6 et FT-6, la version chinoise du MiG-19
et son dérivé biplace respectivement, en 1976, et dont la livraison
intervint en 1979, suivie par une seconde portant sur cinquante
appareils du même type, assemblés localement, entre 1982 et 1983.
Dans le même temps, les Égyptiens livrèrent à Beijing
plusieurs exemplaires de MiG-23 - dont ils n’avaient pas l’utilité
du fait de la complexité de ce modèle et du faible nombre reçus -
et de MiG-21MF d’origine soviétique. Ce dernier modèle de
chasseur fut à l’origine du développement en Chine d’une
nouvelle variante du J-7, le J-7III, qui s’avéra cependant être
une déception et n’entra en service que dans l’aviation
chinoise.
Un autre F-7A égyptien (via Egyptdailynews.com) |
En
1980, l’EAF reçut trente F-7B, puis, en 1982, un nouvel accord fut
conclu portant sur l’assemblage de 80 nouveaux exemplaires du
chasseur dans le pays, dont trente étaient destinés à l’Iraki
Air Force. L’ensemble
de l’opération fut réalisée grâce à des financements
saoudiens. L’acquisition par l’EAF de F-7B peut surprendre
puisque celle-ci avait accès à des appareils beaucoup plus
performants ; l’EAF reçut par exemple ses premiers F-16A dès
1982. La réponse à ce paradoxe réside dans le fait que l’aide
américaine, aussi conséquente soit-elle, était insuffisante pour
permettre un renouvellement rapide des parcs d’aéronefs avec des
appareils de nouvelle génération. Dans le même temps, les F-7B,
peu onéreux, permettaient de « faire nombre », et ce
d’autant plus que ce modèle de chasseur était extrêmement
facile à intégrer pour une force aérienne habituée à mettre en
œuvre des MiG-21 d’origine soviétique depuis près de deux
décennies, au cours desquels elle avait développé les
infrastructures et les savoir-faire nécessaires à leur entretien
et, de manière générale, leur mise en œuvre.
Le
second acquéreur africain du F-7 fut l’ancienne Rhodésie,
rebaptisée Zimbabwe après la victoire politique des mouvements
insurgés contestant la domination de la minorité blanche. Si
l’évolution politique qui découla des accords de Lancaster House
de 1979 fut radicale, l’Air Force of Zimbabwe (AFZ) maintint
avec succès une continuité institutionnelle avec l’ancienne
Rhodesian Air Force et conserva le professionnalisme et les
savoir-faire de cette dernière, avant de se moderniser partiellement
grâce à l’achat de nouveaux équipements au cours des années 80.
F-7II de l'AFZ. Ils étaient peints en blanc durant les premières années de leur carrière (via xairforces.com) |
Cependant,
le Zimbabwe était rapidement entré dans une période de guerre
froide avec l’Afrique du Sud, qui vivait encore sous le régime de
l’Apartheid. Cette dernière mena plusieurs opérations de
déstabilisation contre Harare au cours de cette décennie, tandis
que des troupes zimbabwéennes étaient déployées au Mozambique
afin d’y soutenir un gouvernement aux abois face à des insurgés
massivement soutenus par Pretoria. Le risque d’une guerre
ouverte contre le puissant voisin austral s’avéra suffisamment
prégnant pour que l’AFZ résolve de se doter d’une capacité qui
lui faisait alors défaut - assurer des missions de défense
aérienne - et se tourna vers la Chine pour ce faire. En effet,
le ZANU-PF, le parti de Robert Mugabe, avait bénéficié du soutien
chinois durant les années de guérilla, et après, son arrivée au
pouvoir, les relations avec Beijing continuèrent à être
excellentes, se concrétisant dès 1981 avec la commande de véhicules
de transport de troupes Type 63.
Ainsi,
à la fin des années 80, l’AFZ reçut ainsi douze Chengdu F-7II et
F-7IIN, produits en 1986, et assemblés au Zimbabwe par des
personnels chinois. Ceux-ci étaient basés sur le F-7M Airguard, un
développement du F-7B dont la part de l’avionique d’origine
occidentale avait encore été accrue. Deux FT-5, une version
d’écolage biplace du F-5, lui-même basé sur le MiG-17, furent
également livrés simultanément afin de faciliter la conversion des
pilotes locaux. Les F-7IIN disposent d’une avionique partiellement
occidentale et peuvent emporter une variété d’armements
incluant des bombes conventionnelles ou à sous-munitions d’origine
soviétique, argentine, britannique ou encore produites localement,
ainsi que des paniers lance-roquettes français ou soviétiques. Pour
les missions de défense aérienne, ils peuvent être armés de
R-60MK soviétiques ou de PL-7 - la copie chinoise du Magic I
français. Les deux FT-5 furent ensuite remplacés par une paire de
FT-7BZ de conversion opérationnelle. La livraison des
chasseurs ne constituait que la partie la plus visible du contrat
passé avec les Chinois. Ces derniers livrèrent également les
composants nécessaires à la mise en place d’un réseau entier de
défense aérienne incluant plusieurs radars de veille avancée,
quatorze centres de communication et de commandement, un centre de
maintenance et un réseau permettant d’interconnecter l’ensemble
de ces éléments.
Autre vue, plus récente, de deux F-7 zimbabwéens |
L’ensemble
des F-7 furent affectés au 5th squadron « Arrow »,
mais ne furent jamais engagés au combat. Un déploiement en
République Démocratique du Congo en janvier 2001 tourna cependant
au désastre. Une formation de quatre F-7 dépêchés dans ce pays
afin de marquer le soutien de Harare au régime de Laurent-Désiré
Kabila lors des funérailles de ce dernier à Kinshasa perdit deux de
ses appareils dans des accidents. A l’aller, les quatre appareils
durent traverser une tempête alors qu’ils effectuaient la dernière
étape de leur transit entre les aéroports de Kananga et N’Djili.
Un des pilotes, pourtant expérimenté, fut désorienté et dut
s’éjecter, condamnant ainsi l’appareil. Un autre incident
survint lors du vol retour, lorsque l’un des pilotes se posa sur le
ventre à Kananga, bloquant la piste. L’un des ailiers dut alors de
poser sur la moitié de la longueur de la piste, faute de de disposer
de kérosène en suffisance pour se détourner vers un autre
aéroport, parvenant ainsi à sauver son appareil, qui subit
cependant des dommages mineurs à cette occasion. A l’heure
actuelle, et malgré un contexte politico-économique catastrophique
dans le pays depuis plus d’une décennie, l’AFZ parvint à garder
ses F-7 opérationnels, et ces derniers continuent à offrir au
Zimbabwe une capacité d’interception limitée.
Génération
2.0
A
la fin des années 80, Chengdu Aircraft Corporation développa une
nouvelle variante du J-7 ; le J-7E, qui fit son premier
vol en 1990 puis entra en production en 1993 et fut livré à 263
exemplaires à l’Armée Populaire de Libération jusqu’en 2002.
La principale innovation du J-7E fut l’adoption d’une aile à
double-delta qui augmente la surface alaire de l’avion de
8.17 % comparé aux versions antérieures. Il se caractérise
également par l’adoption d’une nouvelle variante plus puissante
du réacteur WP-7, le WP-13F, et de gouvernes automatiques. Le J-7E
fut proposé à l’exportation sous la désignation de F-7MG et fut
introduit auprès du grand public lors de l’édition de novembre
1996 du Zuhai Air Show. Armé d’une paire de canons de 30mm, le
poids à vide l’appareil est de 5'292 kilos et sa longueur atteint
8.32 mètres, pour une surface alaire de 24.88m2, alors que
l’accroissement du volume de carburant embarqué grâce la présence
de réservoirs dans les ailes lui permet un rayon d’action
opérationnel de 650 kilomètres avec trois réservoirs largables et
une paire de missiles air-air. Comme de coutume avec les version
exports, le F-7MG se différencie du J-7E par l’inclusion d'une
avionique d'origine occidentale.
FT-7NI, peu après son entrée en service, en 2010 (Gar3th (talk) via wikicommons) |
En
juillet 1997, une équipe d’évaluation de la Pakistan Air
Force, qui alignait déjà le F-7P, une variante du F-7M,
fut envoyée en Chine afin de tester le F-7MG. Les deux pilotes
pakistanais menèrent une douzaine de vols d’essai et confirmèrent
l’amélioration significative des performances offertes par le
nouveau chasseur. Ainsi, les vitesses de décollage et d’atterrissage
du MG étaient inférieures respectivement de 30 et 20km/h à celles
du M, alors que le taux de virage était lui aussi bien
meilleur et se rapprochait de celui d’un avion comme le F-16A.
Dans le même temps, le réacteur plus puissant permettait une
diminution de 25 % du temps d’accélération de 500 à 1'100 km/h.
Par ailleurs, l’industrie aéronautique chinoise en général, et
CAC en particulier, étaient entrés dans une phase de modernisation
de son appareil de production, notamment grâce à l’achat de
nouvelles machines-outils. Ainsi, la qualité de
fabrication des J-7E/G et F-7MG produits durant les années 2000 est
très supérieure à celle des J-7II, F-7B et F-7M assemblés durant
les années 80. Jusque-là, et du fait de la faiblesse de nombre de
composants, la mise en œuvre des F-7 demandait en effet une
maintenance intensive et des révisions régulières et intégrales
des cellules et surtout des réacteurs, avec pour corollaire une
réduction de la disponibilité opérationnelle.
La
Namibie accéda à l’indépendance très tardivement le 21 mars
1990 et ne disposait que de forces armées embryonnaires. Dans les
années suivantes, ces dernières furent dotées d’une branche
aérienne, le Namibia Defence Force Air Wing qui devint la
Namibian Air Force le 13 mars 2005. Au début des années
2000, du fait des expériences issues d’un court conflit frontalier
avec le Botswana durant lequel l’espace aérien national fut
violé à maintes reprises, ainsi que du déploiement d’un petit
contingent en République Démocratique du Congo, décision fut prise
de doter le pays d’une escadrille d’avions de combat, et de se
tourner vers la Chine, où un groupe de cadets avait déjà été
envoyé en 2000 afin d’y suivre un cursus de formation organisé
par la China National Aero-Technology Import & Export
Corporation à l’aide de Nanchang CJ-6 et de Karakorum K-8.
Un des "Double-Delta" namibiens au décollage (via wikiwand.com) |
En
2004, Windhoek passa commande de douze F-7NM et deux FT-7NM. Ces
appareils, basés sur le F-7MG, sont équipés de sièges éjectables
Martin Baker, d’un radar Grifo NG d’origine italienne, d’une
avionique incluant une plate-forme de navigation et d’attaque
couplée avec un GPS ainsi que d’un RWR digital. Outre leurs deux
canons de 30mm, ils peuvent être armés de missiles air-air PL-9, la
version chinoise du Python III israélien, de bombes de 250 kilos, et
de paniers de roquettes de 80mm à six coups. Les deux premiers
appareils furent livrés par air, au moyen d’un Antonov 124, le 23
février 2005, alors qu’un premier groupe de cinq pilotes acheva un
cours de conversion d’une durée de trois mois à la fin du mois de
mars 2005, alors qu’un second groupe terminait le sien à la fin du
mois d’août de la même année. L’ensemble des F-7NM avait été
livré à la fin de l’année suivante, tandis que deux autres
groupes de pilotes avaient achevé leur conversion sur l’appareil,
l’ensemble permettant l’activation du 23rd squadron de la
Namibian Air Force.
Le
Nigéria fut le quatrième pays africain à acquérir des F-7, avec
une commande de douze F-7NI et trois FT-7NI annoncée en septembre
2005, pour un montant de 220 millions de dollars américains. Un
groupe de pilotes fut envoyé en Chine en 2008 pour s’y former sur
l’appareil alors que les livraisons commencèrent en décembre
2009, suivies quatre mois plus tard par son entrée en service
officielle au sein de la Nigeria Air Force (NAF), au sein du
64th Air Defence Group. L’armement des appareils fit l’objet
d’un contrat séparé de 32 millions de dollars incluant la
livraison de 30 missiles air-air PL-9, dont dix d’entraînement, et
une cargaison de bombes et de rockets. Malgré l’expérience des
Nigériens - le 64th Air Defence Group avait également
été le principal récipiendaire des 30 MiG-21MF et UM livrés en
1975 ainsi que des 14 MiG-21Bis et UM acquis en 1984 –
l’introduction du chasseur chinois fut difficile. Un F-7NI s’écrasa
ainsi le 22 mars 2011, tuant son pilote, alors qu’un FT-7NI fut
détruit à son tour le 11 mai de la même année, l’équipage
parvenant cependant à s’éjecter. Avec l’escalade du conflit
contre le mouvement Boko Haram au cours des dernières années, la
NAF fut à son tour de plus en plus impliquée, menant de nombreuses
missions d’appui et d’interdiction. Les F-7NI furent engagés à
leur tour, en sus des Alpha Jet et des hélicoptères de combat, à
partir du mois d’août 2015. Plus récemment, la NAF confirma avoir
utilisé ses F-7 pour attaquer des dépôts utilisés par les
insurgés le 11 avril 2016.
Une paire de F-7 de la NAF en 2012, mettant en évidence la configuration en double-delta des ailes (Kenneth Iwelumo via wikicommons) |
Le
dernier client en date fut la Tanzanie, qui entretient avec Beijing
des liens privilégiés en matière de défense depuis la fin des
années 60. En 1970 déjà, les Chinois avaient construits
la base aérienne de Ngerengere, puis fourni des quantités
comparativement importantes d’armements divers à la Tanzanie
durant la décennie suivante, alors que cette dernière cherchait à
accroître le potentiel des Jeshi la Wananchi la Tanzania
(Forces populaires de défense de la Tanzanie ; JWTZ) du
fait de la menace présentée par l’Ouganda d’Idi Amin Dada.
Les
JWTZ se dotèrent dès 1964 d’une branche aérienne, la Usafirashaj
wa Anga. Celle-ci connut une montée en
puissance particulièrement rapide et reçut, à partir de 1973, 12
chasseurs F-6 et une vingtaine de FT-5. L’année suivante, ce fut
l’URSS qui fournit 14 MiG-21MF et deux MiG-21UM. L’apparition
quasi-simultanée de ces appareils dans l’arsenal tanzanien fut
très probablement à l’origine de rapports erronés, mais toujours
régulièrement cités, faisant état de la livraison par la Chine de
F-7A de première génération. En revanche, une deuxième tranche de
F-6 et plusieurs FT-6 entrèrent en service durant les années 80. L’
Usafirashaj wa Anga connut son zénith durant la guerre du
Kagera contre l’Ouganda avec l’équivalent de deux escadrons de
chasse et d’attaque opérationnels, mais un manque de ressources
financières chronique l’entraînèrent dans un profond déclin la
décennie suivante, les derniers MiG-21 opérationnels étant retirés
du service en 1993. Pourtant, le petit service connut une entame de
résurrection entre 2006 et 2008 lorsque une petite dizaine de FT-5,
F-6 et FT-6 furent remis en état de vol avec l’aide de techniciens
chinois ou nord-coréens.
Un F-7TN, flambant neuf (via www.nairaland.com) |
Surtout,
cette volonté de remontée en puissance se traduisit par une
commande passée en 2009 portant sur l’achat de douze F-7TN et deux
FT-7N, qui furent livrés à partir de l’année suivante. Cette
version du F-7G est équipé d’une avionique incluant le radar
d’origine chinoise KLJ-6E, supérieurs aux Grifo emportés par les
F-7 Namibiens et Nigérians. L’ensemble de ces chasseurs est mis en
œuvre par la Brigade 601, responsable de l’emploi de tous les
avions militaires de l’ Usafirashaj wa Anga, récemment
rebaptisée Tanzania Air Force Command (TAFC). La
Brigade 601 perdit un appareil le 27 février 2015 lorsque le pilote
d’un F-TTN fut contraint à l’éjection après que l’ingestion
d’un volatil ait endommagé le réacteur de l’avion.
Du
point de vue des acquéreurs, le recours aux F-7 offre nombre
d’avantages. Ainsi, le Zimbabwe et la Namibie ont pu se doter de
capacités d’interception et de défense aérienne qui leurs
faisaient défaut, tandis que le Nigéria et la Tanzanie ont pu
remplacer à moindre coût leurs appareils d’ancienne génération,
pour la plupart non-opérationnels depuis des années, voir des
décennies. En effet, il convient de souligner que le prix d’achat
de 251 millions de dollars relatif aux 15 F-7 nigérians et de leurs
armements - moins de 15 millions de dollars par appareil
hors-armements – est pratiquement imbattable pour des appareils
neufs. A titre de comparaison, la Suisse s’était vu offrir 22
Gripen E/F, aux capacités certes infiniment supérieures, pour plus
de trois milliards de dollars. Même si d’autres avions comme le
F-16 Block 50 ou le Su-30 sont à priori moins onéreux que l'avion
suédois, l’écart de prix est gigantesque. Si les capacités de
ces chasseurs occidentaux et russes sont sans comparaison avec les
F-7 de dernière génération, ils sont financièrement inabordables
pour nombre de pays africains. La Tanzanie avait ainsi refusé une
offre russe portant sur l’achat de MiG-29 de seconde main,
considérée comme trop onéreuse, avant de se tourner vers la Chine.
Néanmoins,
et malgré ces avantages, les F-7G restent avant tout une version
très modernisée des antiques MiG 21F-13 et ont donc hérités de
certains défauts majeurs propres à leur ancêtre, et qui s’avèrent
particulièrement rédhibitoire dans le contexte africain,
caractérisé par l’immensité des espaces associé à une
faible densité en termes d’infrastructures de soutien. Le premier
est propre au système d’arme de l’appareil car la forme du nez
limite la taille du radar embarqué, rendant le chasseur d’autant
plus dépendant du guidage fourni par des radars terrestres,
alors que dans les mêmes temps, la couverture prodiguée par ces
derniers est généralement très parcellaire. De nombreuses zones du
continent africain sont à cet égard de véritables trous noirs. De
plus, l’autonomie des F-7 est dans l’absolue très réduite, ce
qui représente là aussi une entrave majeure dans le contexte
africain, où le nombre d’aéroports adéquats reste limité.
Ainsi, confrontée à ces limitations alors qu’elle utilisait ses
MiG-21Bis pour lancer des frappes contre la Lord Resistance Army,
l’Ugandan Army Air Force opta pour l’acquisition de
Su-30MK2, bien plus adaptés, mais aussi infiniment plus coûteux.
F-7TG via chinese-military-aviation.blogspot.ch |
Cette
option ne lui fut accessible que grâce à l’exploitation nouvelle
de gisements pétroliers qui accrurent soudainement les revenus du
pays, mais reste hors de portée pour la plupart des autres nations
de l’Afrique noire. Aussi, l’alternative se présentant à leurs
forces aériennes revient à choisir entre une lacune capacitaire
totale induite par un renoncement à une classe spécifique d’avions
de combats ou disposer d’une capacité très lacunaire, mais
finalement abordable. Hors, force est de constater que l’industrie
aéronautique chinoise est l’une des rares à avoir été en mesure
de proposer un produit adapté à ce marché de niche.
Le
nombre de F-7 exportés vers l’Afrique reste dans l’absolu
réduit, avec, si l’on fait abstraction de la centaine de F-7
égyptiens, une petite soixantaine d’exemplaires livrés au cours
des deux dernières décennies - Il s’agit là d’une quantité
bien inférieure à celle des MiG-21MF et Bis entrés en service sur
le continent depuis les années 70. Cependant, il
convient de garder à l’esprit que les chasseurs ne constituent que
la partie la plus visible de l’ensemble des transferts d’armements.
Ainsi, tous les acheteurs africains de F-7, à l’exception du
Nigéria, ont également acquis des Karakorum K-8 d’entraînement
avancé. Dans le même temps, le Nigéria, la Namibie, la Tanzanie et
le Zimbabwe ont également reçus des matériels de combat
terrestres. L’ère du F-7 est cependant arrivée à son terme et ce
modèle n’est actuellement plus proposé à l’exportation. Si les
Chinois peuvent proposer le JF-17, développé conjointement
avec le Pakistan, et souvent considéré comme équivalant aux F-16
de première génération, l’appareil est équipé d’un réacteur
RD-93 russe. A l’heure actuelle, il est difficile de déterminer si
cette dépendance envers Moscou en terme de motorisation est
susceptible d’entraver d’éventuelles ventes à l’export,
particulièrement dans le cas où JF-17 se trouverait en compétition
avec des appareils d’origine russe. Cette dépendance est néanmoins
transitoire car une solution alternative sous la forme du réacteur
WS-13E devrait devenir disponible dans les années à venir.
Au
demeurant, le segment des appareils de combat neufs mais « lowcost »
voit apparaître de nouveaux concurrents, en l’occurrence la Corée
du Sud, qui propose le FA-50, même si ce dernier ne représentera
pas pour autant une alternative aussi accessible que les appareils
chinois puisque l’avion d’attaque coréen est très dépendant
des technologies américaines, Washington disposant ainsi de
facto d'un droit de véto quant à d'éventuelles ventes. De
fait, le marché des avions de combat neuf reste indissociable et ne
se comprend que dans le contexte de facteurs géopolitiques plus
globaux.
Andreas
Rupprecht et Tom Cooper, Modern Chinese Warplanes, Combat Aircraft
and Units of the Chinese Air Force and Naval Aviation, Harpia
Publishing, 2012
Tom
Cooper et Peter Weinert, avec Fabian Hinz et Mark Lepko, African
MiGs Vol. 1 - Angola to Ivory Coast - MiGs and Sukhois in Service in
Sub-Saharan Africa,
Harpia Publishing, L.L.C, 2010
Tom
Cooper et Adrien Fontanellaz, War and Insurgencies of Uganda,
1971-1994, Helion & Company, 2015
David
Nicolle et Tom Cooper, Arab MiG-19 and MiG-21 Units in Combat,
Osprey publishing, 2004
Ressoures
internet; Global security, defenceweb.co.za, SIPRI,
Bellnaija.com, Premiumtimesng.com et Naij.com
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